Frédéric Fièvet : « Se reconcentrer sur les fondamentaux et le temps long »

Publié le 7 janvier 2021 à 9h30 - par

Il y a quelques mois, durant le premier confinement, nous avions interviewé plusieurs acteurs publics pour qu’ils témoignent de leurs actions afin notamment de maintenir une continuité d’activité et protéger les agents. Quel regard portent-ils aujourd’hui sur leurs priorités, leurs inquiétudes ou leurs espoirs ? Entretien, cette semaine, avec Frédéric Fièvet, DGS de la ville de Tours.

Frédéric Fièvet : « Se reconcentrer sur les fondamentaux et le temps long »

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Solidaire du service public
Covid-19 : des acteurs publics face à la crise sanitaire
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Frédéric Fievet, DGS de la ville de Tours

Frédéric Fièvet

Dans le cadre de ce retour rétrospectif demandé portant sur les priorités, inquiétudes et espoirs suscités/révélés par les événements vécus, je ne m’axerai pas sur les conséquences « macro » de cette crise sanitaire auxquelles nous devrons cependant bien tous collectivement faire face (rétablissement impératif du tissu économique, montée prévisible du chômage, résorption du surplus d’endettement public engendré, etc…), mais bien sur le vécu au niveau de la Collectivité.

À ce titre, l’interview réalisée en toute fin de confinement mettait en avant à la fois la belle réaction de la collectivité devant la situation inédite que son territoire subissait d’un coup, mais également la réaffirmation d’un très solide couple Préfet-Maire, acteurs « tout-terrain » de l’exercice local de la puissance publique. 

Depuis, l’évolution de la situation a tout d’abord mis en avant une sortie pénible de la période de confinement avec l’impérieuse nécessité de recréer un « collectif » émietté par des situations vécues de manières fort différentes : à la minorité d’agents qui ont assuré en présentiel, ou en télétravail, le maintien des services publics dits « essentiels », au prix d’un réel effort à la fois collectif et individuel, et qui se retrouvaient souvent épuisés, mais enorgueillis d’une grande fierté (les « héros du quotidien »), répondait une majorité longtemps maintenue en ASA (Autorisation spéciale d’absence) et pouvant se trouver parfois dans une certaine fébrilité psychologique (situation d’isolement plus ou moins marquée et parfois mal vécue, difficulté de se « déconfiner » alors que le virus circulait toujours, etc…) et déconnectée par rapport au vécu de leurs collègues. Dans ce contexte, les débats autour du traitement de certaines dispositions RH issues de la crise (mise en place des fameuses « prime Covid », gestion des CA et RTT sur la période de confinement) ont souvent été plus objet de crispations que d’apaisement et de refondation d’un collectif. 

Au final, au formidable élan de solidarité et aux indéniables efforts liés à la crise, a succédé la gestion et le traitement d’un collectif fragmenté.

Épisode essentiel par la suite, l’émergence, dans le cadre des élections municipales qu’il a fallu finalement organiser en juin, d’une nouvelle municipalité qui n’était pas « aux affaires » lors du premier confinement. L’été fut donc chargé, à la fois en raison d’un mois de juillet forcément très institutionnel (installation des nouvelles assemblées à la fois communales et intercommunales), mais également car lui a succédé la mise en place des premières mesures « d’urgence » souhaitées par la nouvelle équipe (actions de soutien aux commerces, mise en place d’animations culturelles et commerciales, etc…) parfois en rupture avec ce qui avait été mis en place précédemment.

C’est dans cette configuration qu’est survenu, au final assez rapidement (fin octobre), un second « confinement », d’un tout autre genre puisqu’à la différence du précédent, la quasi-totalité des activités, et donc des services, était maintenue. Au-delà, celui-ci ne se présente pas du tout de la même manière : pas de sublime effort pour les uns et de confinement stressant pour les autres, mais la nécessité pour l’ensemble du corps social de poursuivre l’activité dans un contexte dégradé : mise en place des différents protocoles et règles demandés par l’État (notamment au niveau des écoles), suivi épidémiologique strict des services, mise en place de dispositifs de remplacement afin de suppléer les cas contacts (générant plus de perturbations que les seules situations de Covid +), mise en place du télétravail de manière généralisée, mais avec la nécessaire adaptation à l’organisation et aux différents métiers qui la composent.

Au final, la structure s’adapte, se met en mode « résilience ». Cette adaptation est cependant source d’émergence de nouveaux services, notamment dans le cas des (rares) activités interrompues : mise en place de dispositifs de « Click & Collect » par les bibliothèques municipales ne pouvant plus recevoir de lecteurs, réalisation de « captations » à l’Opéra en l’absence de public, etc… Par ailleurs, le télétravail se met en place maintenant de manière plus organisée et les réunions en visioconférence progressent en efficacité.

Cependant, l’organisation est au ralenti et a surtout du mal à se projeter. Le passage d’une année à l’autre, symbolisé par l’exercice rituel des vœux, permet chaque année de faire un bilan de l’année écoulée et de tracer les grandes perspectives à venir. Au-delà, cet exercice permet à l’ensemble du collectif de se voir, se toucher, se congratuler ou même au contraire se confronter, débattre, mais au final grandir.

Or, il est probable que cette année cet acte constitutif du collectif ne pourra pas être « physiquement » organisé, ou alors dans des situations très contraintes. Surtout, la projection reste encore difficile à imaginer au moins pour la première partie de l’année comme le symbolise le report des élections départementales et régionales du mois de mars au mois de juin 2021.

Aussi, rebondissant sur les propos de notre collègue Pierrick Raude, il est effectivement « indispensable de récréer une normalité ». Celle-ci ne peut cependant pas relever de l’utopie en tentant de créer des événements ou des activités faisant fi de la situation sanitaire ; mais bien en profitant de cette période pour se reconcentrer sur les fondamentaux et le temps long notamment en travaillant sur les éléments structurants qui, traditionnellement, passent après les actions du quotidien. Écriture, par exemple, des projets de mandat pour les uns (communes et intercommunalités) et établissement des bilans de la mandature pour les autres (Départements et Régions), réflexions à porter sur les organisations, réalisation des projets, tâches ou missions non réalisées auparavant faute de temps.

Au final, et dans l’attente de l’immunité face à la pandémie, recréons-nous un quotidien, mais surtout un avenir commun !

Propos recueillis par Hugues Perinel


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