Pierrick Raude : « Il apparaît aujourd’hui indispensable de recréer une normalité »

Publié le 10 décembre 2020 à 9h30 - par

Il y a quelques mois, durant le premier confinement, nous avions interviewé plusieurs acteurs publics pour qu’ils témoignent de leurs actions afin notamment de maintenir une continuité d’activité et protéger les agents. Quel regard portent-ils aujourd’hui sur leurs priorités, leurs inquiétudes ou leurs espoirs ? Entretien avec Pierrick Raude, Directeur Général des services de la Communauté d’agglomération du Bassin d’Arcachon Nord (COBAN).

Pierrick Raude : « Il apparaît aujourd'hui indispensable de recréer une normalité »

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Solidaire du service public
Covid-19 : des acteurs publics face à la crise sanitaire
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Interview de Pierrick Raude, Directeur Général des services COBAN

Pierrick Raude

Un profond sentiment de manque

Ce qui est frappant dans cette crise c’est la manière dont elle impacte les esprits, au-delà de ceux qui sont mis en péril économiquement par la crise. En effet, lors de la première vague, l’urgence, l’exceptionnel, conduisait à vivre cette période comme une parenthèse. Le fait de rentrer dans un deuxième confinement nous replonge dans cette période exceptionnelle que l’on avait tous laissée derrière soi. Pour autant, nos habitudes, nos repères n’ont pas suivi cette réalité qui s’impose à tous : personne ne veut renoncer à voir ses collègues, ses amis le week-end, à partir en vacances, à se déplacer tout simplement au restaurant ou pour boire un verre entre amis. Nos gestes quotidiens sont perturbés : même déjeuner avec un collègue devient compliqué. Au fond, on était globalement prêt à faire le dos rond quelques mois. Mais la suppression des temps collectifs et de retrouvailles professionnelles, d’animation des réseaux, bref, la vie sociale professionnelle au-delà du cercle local, crée un profond sentiment de manque. Je suis frappé par le plaisir que les gens ont à se retrouver même virtuellement pour partager, se soutenir, réfléchir.

Une tension permanente, une incertitude quotidienne

Mais la déstabilisation va au-delà de nos habitudes quotidiennes : tous les agendas sont modifiés, toutes les procédures habituelles sont questionnées, et ce, chaque semaine, en fonction de l’évolution sanitaire et des nouvelles règles qui doivent s’appliquer à tous. Il en résulte une tension permanente, une incertitude quotidienne sur la capacité à mener les projets, parfois une remise en cause d’une semaine sur l’autre des événements qui doivent se tenir ou s’annuler en dernière minute. Cette guerre des nerfs, la fatigue, la perte de sens qui est associée, vient parfois toucher avec rudesse le moral et la motivation des agents. On constate même des manifestations de stress parfois importantes qu’il est plus difficile de réguler à distance.

Il apparaît donc indispensable de recréer une normalité, des habitudes, un rythme de travail et de vie du collectif distendu, afin de ne pas être dans une gestion permanente de la crise mais de pouvoir gérer en parallèle la poursuite des activités dans cette nouvelle normalité. Ceci ne peut-être permis que par un retour du temps long, une visibilité sur des perspectives. Enfin, l’instauration de cette nouvelle normalité est devenue indispensable puisque la fin de la crise n’est pas en vue. Il n y a pas de lumière au bout du tunnel. Autrement dit, nous pouvons d’ores et déjà nous préparer, même si le deuxième confinement s’arrête à la fin de l’année, à d’autres épisodes de confinement. Cette perspective, afin qu’elle soit bien vécue, doit être abordée avec la réinvention d’un confort et d’habitudes de travail individuels et collectifs.

Nous vivons un confinement très différent du premier

D’abord parce que nous y sommes mieux préparé et le travail de retour d’expérience nous a permis d’améliorer certains points (équipement informatique, habitudes de télétravail, organisation de l’information usager, ouverture de l’ensemble des services publics…) sur lesquels nous avions constaté des points d’amélioration possibles par rapport au premier confinement.

Ensuite parce que la nature du confinement est très différente : même si beaucoup d’activités avaient continué sur le premier confinement, il n’y a aujourd’hui aucun service qui ne s’est arrêté. Pour autant, l’organisation du travail est presque plus compliquée. D’une part, l’apparition de cas contacts chaque semaine implique d’être en constante réorganisation. D’autre part, on constate chez certains un renversement de l’attractivité du télétravail. Initialement vu comme un vecteur de confort au travail, il ne produit pas le bien-être attendu pour diverses raisons (solitude, conditions matérielles de travail, manque d’interactions sociales, difficultés à mettre des limites avec la vie personnelle…). Par ailleurs, on s’est aperçu que le télétravail à haute dose rend difficile la vie du collectif, les régulations des micros conflits. Nos contacts quotidiens, qui permettent des ajustements permanents sur des micros décisions, doivent trouver une autre forme pour assurer la fluidité de  la décision et de la gestion du groupe.

A contrario, on voit aussi se révéler ou se consolider des talents, et des forces qui permettent de dépasser ces perturbations pour continuer à avancer, à réinventer en permanence. Bref comme dans toute crise, on y retrouve un effet amplificateur des forces et faiblesses de l’organisation.

Propos recueillis par Hugues Perinel


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