Pierrick Raude : « Un des premiers réflexes dans la gestion de crise a été de se préoccuper du soutien à l’activité économique car ce sera un enjeu de sortie de crise »

Publié le 1 avril 2020 à 8h10 - par

Face à la gestion de la crise sanitaire liée à la propagation du Covid-19, les collectivités doivent se coordonner pour maintenir une continuité d’activité et protéger les agents. Pierrick Raude, Directeur Général des services de la Communauté d’agglomération du Bassin d’Arcachon Nord (COBAN), répond à nos questions et nous fait part de son expérience.

Interview de Pierrick Raude, Directeur Général des services COBAN

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Covid-19 : des acteurs publics face à la crise sanitaire
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Quelles sont les premières urgences que vous avez eues à gérer devant la crise du Coronavirus, eu égard à votre type de collectivité et au territoire ? Quels sont les services publics essentiels que vous maintenez ?

Interview de Pierrick Raude, Directeur Général des services COBAN

Pierrick Raude

Des crises comme celles-là nous obligent à revenir à l’essentiel :

  • Protéger nos collaborateurs et organiser le travail à distance – communiquer auprès de tous sur cette organisation.
  • S’assurer en 24h que les services essentiels seront assurés alors qu’une partie importante de l’effectif est mobilisée par la garde d’enfants.
  • La collecte des ordures ménagères.
  • Le service de l’eau.

Nous avons également tout de suite pensé au soutien aux entreprise en continuant avant toute chose à continuer à payer les factures (le service est organisé en télétravail immédiatement) et à passer des marchés. D’autres mesures de soutien à l’économie suivront.

À ce stade, dans quels domaines considérez-vous que votre organisation était prête à réagir au mieux et ce qu’il faudrait améliorer, voire créer ?

Il y a trois mois, je demandais aux collègues de travailler sur un plan de gestion de crise qui n’existait pas dans la collectivité. Pris par d’autres priorités, nous ne l’avons pas mis en place. Or la question qui doit être posée en matière de gestion de crise, n’est pas si elle doit arriver, mais quand elle va arriver. Nous devons donc mieux nous y préparer.

Je constate deux choses :

  • Nous avons su, en deux réunions de crise, réorganiser totalement le travail de la collectivité en assurant une continuité de service satisfaisante tout en assurant la sécurité sanitaire de nos agents.
  • Nous avons buté sur des problèmes techniques, notamment, sur l’absence de réserves d’ordinateurs pour déployer du télétravail de manière massive. Des commandes passées en urgence ont été livrées en 5 jours.

Une crise est souvent révélatrice, à ce stade, qu’a-t-elle révélé sur vos forces et vos faiblesses ?

Ce type de crise, c’est comme la traversée d’une tempête en bateau : toutes les forces et faiblesses du navire et de l’équipage sont concentrées et renforcées. C’est un bon test de la solidité et de la solidarité du CODIR, de la confiance des élus.

Les équipes de la COBAN ont su démontrer à cet égard une forte reliance et une très grande réactivité. Ce qui est certain, c’est qu’il y aura un avant et un après crise et que certaines pratiques vont évoluer (notamment autour du télétravail).

Par ailleurs, je constate que la dimension psychologique est importante dans le temps de réaction des organisations. Dès lundi 16 mars, nous avions déjà une idée générale de ce qui arrivait. Le biais de croyance rend longue la compréhension que nous sommes déjà en crise et que chaque jour qui passe est précieux pour la suite. Le décalage psychologique est parfois fort entre l’esprit dans lequel les équipes peuvent être en retour de congés, et l’urgence de ce qui se joue.

Beaucoup de citoyens et d’entreprises prennent conscience de l’importance d’un service public qui allie solidarité et efficacité, quel message souhaiteriez-vous faire passer ?

Un des premiers réflexes dans la gestion de crise a été de se préoccuper du soutien à l’activité économique car ce sera un enjeu de sortie de crise. Il faut saluer également, au même titre que les personnels de santé, les agents de collecte des déchets, ainsi que tous ceux qui restent mobilisés pour continuer à faire fonctionner le pays. Leur action nous permet de traverser la crise en préservant l’état sanitaire de nos espaces publics.

Le message, que j’aimerais passer, est que chacun est également acteur ou facilitateur du service public. Je pense notamment au fait de faciliter le travail des agents de collecte dans un contexte où :

  • les agents de collecte sont moins nombreux (garde d’enfant, maladie) ;
  • les résidences secondaires se sont fortement remplies ;
  • certains usagers déposent des sacs non fermés ou ne vont pas jusqu’aux bornes enterrées déposer leurs ordures (ce qui complique la tâche des agents).

Un éventuel « coup de gueule/motifs d’espoir » pour qu’on puisse éventuellement avoir une réaction sur la gestion plus générale de la crise vue depuis vos fonctions ?

Les décisions de restriction de collecte de déchets verts, sont parfois mal comprises par les usagers (certains veulent les mettre sur la rue ou dans la forêt !), malgré des efforts de communication important. Cette faiblesse est fortement révélatrice d’un besoin de renforcer le civisme et la connaissance de l’engagement des collectivités et sociétés privées associées pour maintenir un service dans ces périodes. Heureusement, ces marques de mauvaise humeur restent marginales.

Par ailleurs, mes évaluations 2020 sont faites tant certains agents ont démontré leur mobilisation et leur esprit d’équipe dans cette période. J’ai été particulièrement touché par un agent chargé du traitement des factures, à qui je rappelais l’importance de ses missions. Elle m’a répondu : « c’est pour cela que je suis engagée dans le service public ».

Propos recueillis par Hugues Perinel


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