Pas d’indemnisation de la perte de la chance sérieuse si le marché aurait dû être déclaré sans suite

Publié le 20 août 2020 à 8h00 - par

Lorsqu’un candidat à l’attribution d’un marché demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat – et qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l’irrégularité et les préjudices invoqués par le candidat évincé à cause de son éviction -, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat.

Pas d’indemnisation de la perte de la chance sérieuse si le marché aurait dû être déclaré sans suite

En l’absence de toute chance, il n’a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre. Il convient, en outre, de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d’emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement – puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges – les frais de présentation de l’offre, lesquels n’ont donc pas à faire l’objet, sauf stipulation contraire du contrat, d’une indemnisation spécifique. En revanche, le candidat ne peut prétendre à une indemnisation de ce manque à gagner si la personne publique renonce à conclure le contrat pour un motif d’intérêt général.

Le critère du délai d’exécution ne peut pas départager les offres s’il est imposé par les clauses du marché

En l’espèce, deux sociétés avaient obtenu la même note finale au regard des critères affichés du prix et de la valeur technique. Le marché avait été finalement attribué à un opérateur économique au motif qu’il présentait un délai global d’exécution plus intéressant. Le candidat malheureux avait ultérieurement saisi le juge administratif pour demander l’annulation de la décision d’attribution du marché et celle ayant rejeté son offre. Le juge fait droit à sa demande au motif que le contrat avait été conclu en méconnaissance des principes d’égalité de traitement entre les candidats et de transparence des marchés publics.

En effet, l’acheteur avait avantagé l’attributaire en lui attribuant le marché en se fondant sur le délai global d’exécution, alors que celui-ci ne pouvait pas être regardé comme un critère de choix des offres destiné à départager les candidats. Le délai global d’exécution de douze mois était en effet imposé par le cahier des clauses administratives particulières. Le pouvoir adjudicateur ne pouvait attribuer le marché au motif que le candidat retenu avait proposé un délai optimisé de huit mois.

Une indemnisation uniquement des frais de présentation de l’offre

Face à la gravité de l’irrégularité ayant entaché la procédure de passation du marché, il appartient au juge du contrat d’en apprécier l’importance et les conséquences. Concernant l’indemnisation du candidat évincé, la Cour administrative d’appel considère que face à deux offres équivalentes, la procédure de passation aurait dû être déclarée sans suite.

Dans ces conditions, la société requérante n’aurait pas nécessairement été la mieux-disante. Elle doit en conséquence être regardée comme ayant seulement perdu une chance, et non une chance sérieuse, d’obtenir le marché. Elle ne peut obtenir que l’indemnisation du préjudice de la somme correspondant à l’évaluation des frais de présentation de son offre. Le juge rejette la demande de son manque à gagner calculé en appliquant un taux de marge nette de 4,5 % sur le prix de la prestation.

Texte de référence : CAA de Paris, 6e chambre, 7 juillet 2020, n° 17PA03126, Inédit au recueil Lebon


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