Au terme d’un an de travail, le président du Haut Conseil du travail social (HCTS), Mathieu Klein, par ailleurs maire PS de Nancy, a remis, le 5 décembre 2023, le Livre blanc du travail social au ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, Olivier Dussopt, et à la ministre des Solidarités et des Familles, Aurore Bergé, en présence du ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, de la ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, Fadila Khattabi, et de la secrétaire d’État chargée de l’Enfance, Charlotte Caubel. « Les métiers du médico-social, représentant ces « métiers du lien et de l’accompagnement », méritent d’être mieux reconnus, mieux valorisés et mieux rémunérés. C’est tout le sens de ce Livre blanc, directement issu des travaux nourris menés par les groupes nationaux du HCTS, des comités locaux du travail social et du développement social, ainsi que la contribution de différentes organisations. Il propose des solutions concrètes pour l’attractivité des métiers du travail social », ont expliqué les ministres. Les propositions du Livre blanc visent « à améliorer l’exercice professionnel, à recréer des vocations, à lever les freins. » Il promeut, notamment, une revalorisation significative des métiers, avec des actes de reconnaissance, des mesures qui redonnent du sens et un projet au travail social en faveur des personnes accompagnées.
« Ce Livre blanc résonne comme une alerte pour les pouvoirs publics : jamais dans son histoire le secteur du travail social n’a connu une crise d’attractivité aussi intense, se traduisant par de sérieuses difficultés de recrutement et une baisse d’intérêt significative des jeunes générations qui se détournent des écoles de formation. Cette tendance est documentée, elle est à l’œuvre depuis longtemps, mais elle s’est accélérée. Le travail social est aujourd’hui dans une situation de rupture », alertent ses rédacteurs. Le HCTS insiste sur « la gravité relative de la situation et l’urgence qu’il y a à agir. » Pour tenter d’y remédier, le Livre blanc contient 14 préconisations articulées autour de quatre axes.
De l’attractivité des métiers à l’attractivité des organisations
Depuis les années 2000, le décrochage des salaires est largement vécu comme une déconsidération des métiers du travail social, observe le HCTS. « Le premier acte de reconnaissance, qui interpelle fortement l’État, serait la revalorisation salariale, levier structurel d’attractivité », recommande donc le Livre blanc. Cette orientation doit aller de pair avec la construction d’un nouveau cadre conventionnel entre les partenaires sociaux, « qui harmoniserait par le haut les conditions de rémunération », soutient le HCTS.
Au-delà des salaires, la perte de sens est aussi liée aux conditions de travail dégradées des travailleuses sociales (Neuf professionnel(le)s du travail social sur dix étant des femmes, le HCTS opte résolument pour le féminin). Le Livre blanc suggère donc d’engager une concertation sur le sujet des ratios d’encadrement et de réinterroger les modes de financement des structures sociales et médico-sociales.
Le Haut Conseil du travail social promeut les organisations participatives, « qui réintroduisent du sens et de l’efficacité. » Selon lui, celles-ci favorisent l’autonomie et l’expertise des salariés en leur permettant de participer aux décisions. Dans le même temps, de nouvelles organisations du travail doivent viser à libérer du temps pour redonner des marges de manœuvre et du pouvoir d’agir aux travailleuses sociales, qui doit aller de pair avec le développement du pouvoir d’agir des personnes accompagnées, poursuit-il.
Dans cette perspective, la recherche-action apparaît comme « un vecteur de sens qui insère les travailleuses sociales dans une communauté collaborative (chercheurs, praticiens, personnes accompagnées) et les maintient en prise avec certaines innovations. » La recherche-action permet de mieux appréhender la réalité du travail social et de contribuer à son évolution, assure le Livre blanc.
De l’impuissance au pouvoir d’agir : retrouver le cœur de métier et les conditions d’une autonomie d’action professionnelle
Pour rendre attractifs les métiers, il faut redonner des marges d’initiative aux professionnelles, les sortir des tâches administratives et du paradigme de l’aide individuelle au cas par cas, répète le HCTS. Et, « pour que l’action sociale soit plus préventive, participative et inclusive, il faut réhabiliter la temporalité. La qualité, l’efficacité et les résultats d’un accompagnement se mesurent à l’échelle du temps : celui de l’écoute, de la disponibilité, de la présence à l’autre. De plus, l’accompagnement en multi-référence et les intervention transversales nécessitent un temps indispensable à la pertinence et la qualité de l’accompagnement qu’il ne faut pas négliger », plaide le Haut Conseil.
Pour cela, il invite à promouvoir les démarches « d’aller vers » et les interventions collectives, mais également à valoriser le rôle et la place du « care » dans le travail social et reconnaître sa valeur universelle en s’appuyant sur une connaissance partagée des questions de genre.
Susciter l’intérêt, attirer les jeunes (et moins jeunes) vers les métiers du social
Pour relever ce défi, le secteur doit engager une campagne de communication à grande échelle, avec un message ambitieux et exigeant qui vise à améliorer l’image du travail social, préconise le Livre blanc. Parallèlement, le HCTS suggère de créer un observatoire des emplois et des compétences dédiées au secteur social et médico-social, au besoin au travers d’un comité de filière des métiers sociaux et médico-sociaux.
Pour recruter durablement, il incite notamment à « améliorer l’employeurabilité. » Par ailleurs, la formation initiale et continue constituent des leviers essentiels pour accompagner les transformations de l’intervention sociale. Les évolutions proposées dans le Livre blanc visent ainsi à mieux ancrer les établissements de formation dans leurs territoires, pour offrir des formations adaptées aux besoins de mobilités et de développement des compétences et pour veiller à la réussite de tous les étudiants et apprenants. De même, la construction d’une nouvelle architecture des diplômes au service de la complémentarité des métiers est un axe de travail à poursuivre. Enfin, le HCTS recommande de structurer un écosystème de recherche jusqu’au doctorat en travail social.
L’attractivité des métiers dans les transitions numérique, démographique et écologique
L’enjeu d’attractivité des métiers du travail social et de l’intervention sociale implique d’articuler une approche de court et de long terme. Les transitions écologique, démographique et numérique ont des impacts déterminants sur l’évolution des besoins sociaux et la mutation des métiers, estime le HCTS. Aussi, son Livre blanc invite à tirer parti de toutes les opportunités du numérique, « levier puissant d’amélioration de la performance des services et des conditions de travail. »
Enfin, l’action publique est confrontée à la complexité d’une nouvelle équation : la crise écologique amplifie les inégalités sociales, tandis que les inégalités sociales compromettent la transition écologique, résume le HCTS. Pour ses membres, « il est donc primordial de mettre en convergence les politiques de solidarité et les politiques environnementales. »
Livre blanc
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