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Coronavirus Covid-19, quel droit de retrait pour l’agent hospitalier ?

Publié le 11 mars 2020 à 12h04 - par

La propagation du coronavirus Covid-19 suscite beaucoup d’appréhension. Les agents publics et les salariés n’hésitent plus à invoquer le droit de retrait pour se prémunir des dangers d’une contamination. Qu’en est-il des fonctionnaires publics hospitaliers dont l’activité se caractérise par un contact étroit avec des personnes malades ?

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Dans cette situation, les règles ne seront pas dérogatoires : l’exercice du droit de retrait doit être conditionné à la démonstration d’un danger grave et imminent pour l’agent public, sans que cela ne compromette le principe de continuité du service public.

Médiatisation des cas de patients touchés par l’épidémie en France et dans les pays voisins, reports de compétitions sportives, fermetures d’établissement et de musée, restrictions de manifestation, depuis quelques semaines, le « Coronavirus » perturbe le fonctionnement du pays. Sur sa page internet relative au Coronavirus Covid-19, le gouvernement définit les coronavirus comme « une grande famille de virus, qui provoquent des maladies allant d’un simple rhume (certains virus saisonniers sont des Coronavirus) à des pathologies plus sévères comme le MERS-COV ou le SRAS. Le virus identifié en janvier 2020 en Chine est un nouveau Coronavirus. La maladie provoquée par ce Coronavirus a été nommée Covid-19 par l’Organisation mondiale de la Santé – OMS1 ». Selon le gouvernement, « la maladie se transmet par les postillons (éternuements, toux). On considère donc qu’un contact étroit avec une personne malade est nécessaire pour transmettre la maladie : même lieu de vie, contact direct à moins d’un mètre lors d’une toux, d’un éternuement ou une discussion en l’absence de mesures de protection. Un des vecteurs privilégiés de la transmission du virus est le contact des mains non lavées.2 » La propagation du coronavirus Covid-19 suscite beaucoup d’appréhension. Les agents publics et les salariés n’hésitent plus à invoquer le droit de retrait pour se prémunir des dangers d’une contamination. Autorisé pour les fonctionnaires territoriaux par le décret du 10 juin 1985, le droit de retrait est également ouvert aux agents hospitaliers dans des termes similaires par le Code du travail3.

Confronté à un « danger grave et imminent » c’est-à-dire une menace susceptible de provoquer une atteinte sérieuse à son intégrité physique ou à sa santé dans un délai très rapproché, un agent public hospitalier peut faire valoir son droit de retrait. Pourtant, même si la propagation du coronavirus Covid-19 perdure, les agents publics hospitaliers n’ont qu’un droit très encadré de retrait.

Premièrement, si un agent constate une défectuosité dans les systèmes de protection, l’agent pourra utiliser son devoir d’alerte avant de demander un retrait. Dans le contexte du coronavirus Covid-19, si l’établissement hospitalier met en œuvre les recommandations du gouvernement publiées de manière hebdomadaire, les conditions d’exercice du droit de retrait ne seront pas réunies. Par conséquent, un agent hospitalier n’aura pas de motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Dans ce dernier cas, il s’agit d’« un danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée4 ».

En revanche, si les recommandations du gouvernement ne sont pas suivies par l’établissement hospitalier, malgré l’exercice d’un droit d’alerte, alors l’agent hospitalier pourra exercer son droit de retrait jusqu’à ce que celles-ci soient mises en œuvre. Les CT et le CHSCT jouent un rôle important dans le constat de l’absence du suivi des recommandations du gouvernement, l’agent pourra également les saisir pour signaler cette défectuosité.

Deuxièmement, s’il veut exercer son droit de retrait, l’agent devra démontrer que le coronavirus Covid-19 présente un danger grave et imminent pour sa santé physique. Dans le cas d’un établissement hospitalier, une multiplication exponentielle des cas de patients traités pour le coronavirus Covid-19 serait-elle de nature à justifier le droit de retrait ?

Il a été jugé que « la présence, dans un établissement hospitalier, de malades porteurs des virus HIV et hépatite B ne constitue pas un danger grave et imminent caractérisé. Un établissement hospitalier, en raison même de sa vocation, doit être apte à faire face aux risques de contagion pour ses agents et pour les tiers. La procédure d’enquête sur le champ déclenchée par un représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail n’est pas justifiée par l’admission de malades atteints d’affections graves qui ne saurait par elle-même présenter le caractère d’un danger grave et imminent au sens des dispositions de l’article L. 231-9 du Code du travail5 ». Cette jurisprudence illustrant un refus de l’exercice du droit de retrait en établissement de santé se fonde sur les missions du service public hospitalier et sur l’obligation qui en résulte de délivrer des soins aux patients6. Elle peut s’appliquer au cas du coronavirus Covid-19 dès lors qu’un agent hospitalier ne démontre pas que le risque de contamination du virus présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.

S’il exerce son droit de retrait de manière illégale, un agent hospitalier peut encourir une sanction disciplinaire. En cette période de grande tension en raison des incertitudes liées aux dangers d’une contamination, l’exercice du droit de retrait doit s’avérer prudent et réfléchi pour sortir de cette crise sanitaire.

 

Dominique Volut, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit public


1. https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus.

2. Ibidem.

3. Code du travail, articles L. 4131-1 à L. 4131-4 applicables aux personnels relevant de la fonction publique hospitalière en application de l’article L. 4111-1 § 3.

4. Circulaire DRT n° 93/15, 25 mars 1993, BO Trav. 93/10, p. 99.

5. Hadjab et autres c./ Administration générale de l’Assistance publique de Paris, TA de Versailles, 2 juin 1994, Rec. CE, p. 1 193.

6. Circulaire n° 5564 du 6 juin 1983 relative à l’application de certaines dispositions de la loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982 relative aux CHSCT, BO n° 83/26, texte n° 1 146.

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