La rupture conventionnelle pérennisée : vers la fin de l’emploi à vie dans la fonction publique ?

Publié le 27 août 2025 à 10h15 - par

Le 5 août 2025, la réponse ministérielle à la question écrite n° 8029 a marqué une étape importante dans l’évolution de la fonction publique : le Gouvernement envisage de pérenniser par voie législative le dispositif de la rupture conventionnelle.

La rupture conventionnelle pérennisée : vers la fin de l'emploi à vie dans la fonction publique ?
© Par Richard Villalon - stock.adobe.com

Introduite à titre expérimental en 2019 jusqu’au 31 décembre 2025, cette procédure a permis à des agents publics et à leurs employeurs de convenir d’une séparation à l’amiable, assortie d’une indemnisation spécifique. La généralisation de la rupture conventionnelle à venir soulève une interrogation centrale : cette nouvelle étape signe-t-elle la fin de l’emploi à vie dans la fonction publique territoriale ?

La rupture conventionnelle : un levier de gestion moderne, sans remise en cause du statut

En premier lieu, la rupture conventionnelle repose sur un principe fondamental : le consentement mutuel. Elle ne peut être imposée ni par l’administration ni par l’agent. Cette dimension contractuelle garantit qu’elle ne se confond pas avec les procédures de licenciement, lesquelles relèvent de situations d’insuffisance professionnelle ou de manquements disciplinaires. De plus, ce dispositif s’inscrit dans une dynamique de modernisation de la gestion des ressources humaines. Il rapproche la fonction publique de certains outils du secteur privé, tout en préservant les spécificités statutaires qui encadrent les agents territoriaux. Les responsables RH disposent ainsi d’un instrument souple et sécurisé pour résoudre des situations complexes, éviter des contentieux et accompagner des projets de réorganisation.

Enfin, la pérennisation de la rupture conventionnelle n’altère en rien le socle du statut : la stabilité de l’emploi demeure la règle, tant que l’agent respecte ses obligations. L’emploi à vie n’est donc pas remis en cause. La rupture conventionnelle reste une option ponctuelle, volontaire et strictement encadrée, permettant de conjuguer sécurité et adaptabilité dans la gestion des parcours.

Une évolution symbolique qui questionne la conception de l’emploi public

Cependant, la portée de ce dispositif dépasse le seul cadre juridique. La reconnaissance législative d’une possibilité de négociation individuelle pour quitter la fonction publique modifie symboliquement la conception de l’emploi à vie. Elle introduit une culture du choix et de la mobilité volontaire qui n’était pas historiquement associée au statut. À moyen terme, son utilisation pourrait influencer les trajectoires professionnelles. Les agents souhaitant se reconvertir trouveront dans la rupture conventionnelle une solution facilitée pour rejoindre le secteur privé ou explorer de nouvelles voies. De leur côté, les employeurs pourront l’envisager comme un outil d’accompagnement lors de restructurations, offrant une alternative moins contrainte que les mobilités imposées. Progressivement, les parcours professionnels pourraient être appréhendés de manière plus contractuelle.

Enfin, un enjeu de perception se pose. Même si le principe de l’emploi à vie reste juridiquement intact, la banalisation des départs négociés peut être perçue comme un affaiblissement implicite du statut. Les responsables RH devront assumer un rôle de pédagogie active : expliquer les finalités du dispositif, rassurer les agents sur son caractère volontaire et rappeler qu’il s’agit d’une opportunité, et non d’une fragilisation de leurs droits.

La pérennisation de la rupture conventionnelle dans la fonction publique territoriale ne signifie pas la fin de l’emploi à vie. Elle constitue un outil supplémentaire de gestion, utile pour répondre à des situations spécifiques, sans remettre en cause les fondements statutaires. Toutefois, son adoption traduit une évolution culturelle majeure : elle ouvre la voie à une approche plus souple et plus contractuelle de la carrière publique. Aux responsables RH revient la tâche de déployer cet instrument avec discernement, afin d’en faire un atout de modernisation tout en préservant la confiance des agents dans la pérennité et la stabilité du service public.

Texte de référence : Question écrite n° 8029 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback [Seine-Maritime (9e circonscription) – Horizons & Indépendants] du 1er juillet 2025, Réponse publiée au JOAN du 5 août 2025


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