À lire et à ne pas regarder, par Jean-Robert Massimi, directeur général du Conseil supérieur de la FPT

Publié le 2 décembre 2020 à 9h47 - par

Chaque mercredi, nous demandons à un acteur public parmi ce qu’il a lu ou relu, vu ou entendu – livres, articles, vidéos – quels sont les 3 médias qui ont le plus nourri sa réflexion pendant cette crise sanitaire. Cette semaine, Jean-Robert Massimi, directeur général du Conseil supérieur de la FPT nous livre ses réflexions.

À lire et à ne pas regarder, par Jean-Robert Massimi, directeur général du Conseil supérieur de la FPT

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Covid-19 : des acteurs publics face à la crise sanitaire
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Jean-Robert Massimi

Jean-Robert Massimi

Le confinement est une occasion exceptionnelle de se trouver chez soi avec plus de temps libre que d’habitude et de lire ou relire. En même temps, en cette période, on rêve de liberté et de grands espaces, de voyages. Quoi de mieux que voyager, dans le temps ou l’espace, par la lecture ? J’ai donc relu et j’ai découvert de nouveaux auteurs.

  • L’heure du roi de Boris Khazanov (Éditions Viviane Hamy 2005)

D’abord, j’ai relu un bref roman que je n’avais pas ouvert depuis une dizaine d’années, un roman russe, bref mais dense. C’est une sorte de conte, d’utopie historique, contre le totalitarisme (qui est bien un confinement physique et idéologique). L’auteur imagine l’invasion par les nazis d’un petit royaume, en fait une principauté. Évidemment, ce pays n’a pas les moyens de résister et d’ailleurs ne résiste pas vraiment, mais son roi – qui est par ailleurs médecin, ce qui aura un rôle dans l’énigme – manifeste, avec ses moyens et à sa manière une forme de résistance courageuse, il profite pour cela de « l’heure du roi ». Il n’est pas bon de révéler une intrigue, mais le dénouement est un exemple de résistance et de noblesse.

  • Les Fainéants dans la vallée fertile d’Albert Cossery (Éditions Joëlle Losfeld)

Autre horizons, autres pays, autres mœurs, j’ai découvert un auteur qui était une figure du quartier Saint-Germain-des-Prés, très original. Albert Cossery est égyptien d’origine, et auteur de quelques romans qui font aimer le soleil, l’Orient et surtout… la paresse. Publié pour la première fois en 1948, « Les Fainéants dans la vallée fertile » est le premier roman de cet auteur peu prolifique, car il illustrait parfaitement ses romans en ne faisant pratiquement rien !

« Les Fainéants dans la vallée fertile », c’est l’histoire d’une famille dont les membres font assaut de paresse mais aussi de sagesse. Pour nous, qui avons tendance à culpabiliser parce que le confinement nous empêche de multiplier rendez-vous et réunions, c’est une bonne leçon de farniente intelligent.

  • Les « Marseillais contre le reste du monde »

Car il existe un farniente moins intelligent : plutôt moches, plutôt bêtes, ils n’ont aucune conversation ni aucun humour, ils ne s’intéressent à rien d’autre qu’à leur nombril, ils passent leur temps à « crier et à s’engueuler ». Tels sont les « Marseillais contre le reste du monde ». Qu’est-ce qui fait donc qu’ils ont tant de succès puisque plus de 800 000 français les regardent chaque soir ?

D’abord les Marseillais donnent une idée de ce que seraient des vacances perpétuelles, une jeunesse perpétuelle (même si certains participants ne sont pas si jeunes…) : sea, sex and sun. Un rêve de régression totale à l’état de nature (Rousseau se retournerait dans sa tombe) sans souci matériel sans struggle for life et finalement hors du monde réel. Un paradis perdu sans tentateur et sans faute.

Le problème est bien là : à force d’éliminer tout ce qui est négatif (travail, soucis, conflits : bref le réel) on ne trouve littéralement que son nombril et l’ennui pesant d’une après-midi de farniente éternel. Ce petit monde n’est certes pas sans conflits, il n’existe même pour nous que par ses débats et combats minuscules et artificiels : jalousies fabriquées, rivalités et querelles d’adolescents prolongés. Le ton monte d’autant plus que la cause est minime, minable. Telle est peut-être la clé de cette série de télé-réalité et de son succès. En les regardant, on se dit qu’on a bien fait de quitter le « paradis » parce que c’est un véritable enfer !

Propos recueillis par Hugues Perinel


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