Achat public, un citoyen de plus en plus prescripteur et attentif

Publié le 26 février 2018 à 17h53 - par

La commande publique, terme générique qui regroupe les marchés publics, les délégations de service public et les contrats de partenariat, représente aujourd’hui des montants considérables, évalués à presque 15 % du PIB.

Achat public, un citoyen de plus en plus prescripteur et attentif

Les citoyens ont reçu de nombreux textes, et notamment de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 24 août 1789, le pouvoir d’exercer le contrôle des dépenses publiques, et notamment celles des collectivités territoriales en son article 14.

Et pourtant dans les faits, citoyens et commande publique ne font pas toujours bon ménage. Les premiers ayant une image négative de celle-ci et la commande publique est peu encline à ajouter dans un processus déjà complexe un énième participant.

Le citoyen est souvent in fine le bénéficiaire final direct ou indirect du produit, service ou de la solution acquise via des deniers publics. Un « consommateur » de service public de mieux en mieux informé, de plus en plus regardant sur l’usage de ses impôts et de plus en plus exigeant vis-à-vis de son environnement de vie (soins, santé, services publiques, aménagement du territoire, sécurité, éducation,…).

Dans ce contexte, continuer à le laisser éloigner de la prescription voir de la décision et de l’exécution des contrats interroge de plus en plus d’acteurs publics, surtout lorsque celles-ci se font à l’échelle du territoire (collectivités territoriales, établissements de santé).

Quels domaines d’achat prioriser, comment l’impliquer sans risques juridiques, comment l’éclairer au mieux, comment faire du citoyen un atout ? Autant de questions nouvelles qui se posent. L’occasion de revenir sur ce qu’il est possible d’ores et déjà de faire et sur les nouvelles orientations à imaginer.

Un citoyen s’impliquant souvent dans un cadre « négatif »

Par définition, un marché public doit avant tout être une réponse à un besoin de la personne publique, avec un objectif d’efficacité de la commande publique et de bonne utilisation des deniers publics.

Pourtant l’image qui en résulte auprès de la population demeure globalement négative, ce qui dans un contexte national de défiance vis-à-vis des politiques et des décideurs publics n’est pas surprenant.

Ainsi le citoyen demeure peu impliqué et limite son action à des demandes ponctuelles de documents administratifs (appels d’offres, cahiers des charges, délibérations des votes,…) et dans de très rares cas engage des recours.

Des moyens historiques quelque peu inadaptés au sujet de la commande publique

Si l’administration des collectivités relève de leurs organes, qui tirent leur légitimité de leur élection au suffrage universel, les citoyens peuvent néanmoins y être associés par les trois dispositifs suivants :

Le référendum local

Le dispositif existant auparavant, en matière de démocratie locale, a été considérablement élargi par les textes instaurant le référendum local (loi constitutionnelle du 28 mars 2003 instituant le référendum décisionnel, loi organique du 1er août 2003, loi du 13 août 2004 modifiée et décret du 4 mai 2005). D’une manière générale, le référendum local permet au corps électoral de se substituer au conseil municipal pour prendre une décision sur une affaire communale, alors que la consultation des électeurs intervient en amont du processus décisionnel pour éclairer le conseil municipal appelé à délibérer. Le caractère décisionnel du référendum est, néanmoins, conditionné par un niveau suffisant de participation des électeurs.

La consultation pour avis des électeurs

La loi du 13 août 2004 (article 122) a étendu à l’ensemble des collectivités territoriales la possibilité de consulter les électeurs dont les communes bénéficient depuis 1992. Le droit de pétition, reconnu par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 est confirmé. La consultation pour avis des électeurs vient en complément du référendum. Elle a vocation à intervenir en amont d’un processus de décision.

Les conseils de quartier

Comme le prévoit l’article L. 2143-1 du CGCT, dans les communes de 80 000 habitants et plus, le conseil municipal fixe le périmètre de chacun des quartiers composant la commune. Ces conseils peuvent être consultés par le maire et peuvent faire des propositions sur toute question concernant le quartier ou la ville. Par ailleurs, le maire peut associer ces conseils aux actions intéressant le quartier, en particulier celles menées au titre de la politique de la ville.

Bien qu’intéressants, ces dispositifs sont assez lourds à mettre en œuvre et limités à des projets conséquents liés à la politique de la ville ou aménagement du territoire.

Le citoyen de plus en plus acteur notamment grâce aux Civic Tech

Le développement récent et unique d’une offre de solutions Civic Tech par l’Ugap témoigne d’une prise de conscience des acteurs publics vis-à-vis du déploiement de ces solutions. En résumé, si l’élu n’organise pas la communication avec ses administrés, c’est eux qui le feront et pas toujours de manière objective et positive pour les élus. Une seule solution : prendre les devants !

Les Civic Tech désignent communément les outils numériques (applications, plateformes…) permettant de recourir à « l’intelligence collective » et de renforcer le lien démocratique entre les citoyens, les collectivités et l’État.

De nouveaux outils très utiles pour associer au mieux en qualité de prescripteurs ou co-prescripteurs les citoyens.

Impliquer le citoyen, oui mais tous les citoyens

L’implication de citoyens au sein de la commande publique d’une collectivité peut être facilitée en effet par les nouvelles technologies. Toutefois, certaines dépenses concernent des produits, services ou solutions destinées à des populations plus spécifiques que ce soit en raison de leur handicap ou de leur âge par exemple. De manière générale toute la population, au regard d’enjeux de transparence et d’égalité de traitement (valeurs si chères à la commande publique) doit être en mesure de participer à la vie de la « cité ». Les collectivités peuvent ainsi par exemple déployer des solutions innovantes telles que celles proposées par la société Delta Process avec la solution Acceo permettant une accessibilité aux personnes sourdes et malentendantes aux services publics. Ceci est d’autant plus important lorsque l’on rappelle que 10 % de la population est concernée !

Un citoyen, prescripteur, acteur mais ni acheteur, ni juriste

La commande publique demeure in fine un acte économique, politique mais surtout juridique. Ainsi s’il est important d’associer davantage le citoyen, il l’est tout autant de ne pas fragiliser juridiquement les procédures de marchés publics. Ainsi, il demeure préférable notamment dans le cadre des procédures formalisées de ne pas associer les citoyens ou associations représentatives aux phases de sourcing et de procédures et ce jusqu’à la notification des marchés.

Les nouveaux enjeux de la communication pour les décideurs publics

Passé les phases de prescriptions, étude de marché et procédures d’achat, il convient de constater que la sphère publique communique peu ou pas sur ses achats publics notamment lorsque ceux-ci impactent directement le citoyen.

Pourtant la puissance publique et notamment les collectivités territoriales et les établissements de santé font de plus en plus des choix des plus pertinents en matière économique mais également en termes d’innovation (éclairage publique, digitalisation des services publics, lutte contre les déserts médicaux, prise de rendez-vous médicaux en ligne…).

Les décideurs publics sont donc invités à communiquer plus largement sur leurs achats et la performance associée. Ils sont d’ailleurs particulièrement aidés en ce sens par la mise à disposition d’outils innovants et peu coûteux pour réaliser par exemple des communiqués de presse (exemple : Algolinked).

En conclusion

Dans une société démocratique qui plus est de plus en plus digitale, il est tout d’abord normal de voir le citoyen de plus en plus volontariste et actif vis-à-vis d’une dépense publique qu’il finance par l’impôt. La mise en œuvre de la dématérialisation des marchés publics généralisée au 1er octobre 2018, préalable indispensable à la mise en œuvre de l’Open Data devrait conduire à une plus grande transparence de l’achat public. Cette transformation profonde et souhaitable devra conduire les décideurs publics et les élus à organiser leur communication autour de cette thématique au risque de voir les citoyens s’organiser entre-eux avec les travers que cela peut naturellement parfois engendrer.

Sébastien Taupiac,
Directeur Santé à l’UGAP


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