Crise sanitaire et période estivale : attention à ne pas oublier les fondamentaux de l’achat public !

Publié le 7 juillet 2021 à 8h00 - par

Le récent Code de la commande publique a mis en exergue l’importance d’une relation équilibrée entre les acheteurs et les fournisseurs.

Crise sanitaire et période estivale : attention à ne pas oublier les fondamentaux de l'achat public !

La crise sanitaire, qui sévit depuis 18 mois et dont l’issue reste incertaine, a quant elle conduit les pouvoirs publics à renforcer ses dispositifs en faveur du soutien à l’économie et plus particulièrement aux PME. La période estivale désormais entamée va donc constituer pour l’ensemble des acteurs une période essentielle de repos mais aussi de repositionnement stratégique voire de redémarrage d’activité à la rentrée.

Ainsi l’appel du large pourrait induire, de manière encore plus prononcée cette année, quelques comportements aux conséquences parfois importantes voir dramatiques.

En effet, les statistiques de la commande publique pourraient aisément témoigner du :

  • nombre important de publications de procédures réalisées les vendredis de juillet et août !
  • nombre significatif de rectificatifs publiés quelques jours après !
  • fait de voir couramment des dates de retour des offres fixées en plein mois d’août !
  • nombre de procédures déclarées infructueuses ou sans suite l’été.

Les risques sont ainsi principalement liés à :

  • la gestion des délais et l’empressement de finaliser telle ou telle étape de la procédure.
  • La complexification voire rupture des échanges entre intervenants durant cette période.
  • L’absence temporaire d’expertise notamment juridique.

La gestion des délais

Quel acheteur public au cours de ses vacances n’a jamais eu l’occasion de croiser au détour d’un déjeuner ou d’une promenade un fournisseur ? Rappelons-nous en effet que sur les plages ou au plus profond de notre très beau pays se trouvent souvent au même moment l’ensemble des acteurs de la commande publique !

Les articles R. 2143-1, R. 2151-1 et R. 2151-3 expriment le fait que l’acheteur public doit fixer des délais de procédure et ce aux différentes phases en tenant compte de la complexité du marché et du temps nécessaire aux opérateurs économiques pour préparer leur dossier et prendre connaissance de toutes les informations transmises. L’acheteur doit donc veiller à fixer des délais pertinents et égaux ou supérieurs aux délais minimaux propres à chaque procédure. Au-delà du caractère réglementaire, c’est bien le professionnalisme de l’acheteur et l’efficience de la phase de sourcing (désormais reconnue) qui sont pointés du doigt.

Garantir l’accès des entreprises et notamment des PME à la commande publique, c’est avant tout tenir compte des spécificités en matière de disponibilité et d’organisation de cette typologie d’entreprises. Mais c’est aussi en fonction de la nature de l’achat, se rappeler que de plus en plus de fournisseurs ont nécessité de s’appuyer sur des co-traitants (ex : financement) ou sous-traitants (ex : travaux). Constituer en plein été un groupement momentané d’entreprises peut s’avérer très difficile.

Il importe donc pour l’acheteur en cette période estivale, et en dehors de toute possibilité de reporter la procédure à un autre moment, de veiller par expérience à :

  • être présent le jour de la publication et la semaine qui suit.
  • Être présent au moins 2 à 3 jours avant le retour des offres.
  • Laisser un délai aux fournisseurs intégrant une période de 10 jours ouvrés s’écoulant sur les mois de juin et de septembre.

Le cas spécifique des spécimens et essais

Certaines typologies d’achat peuvent nécessiter la fourniture de spécimens (fournitures de bureau, mobilier…) ou la réalisation d’essais. La période estivale peut induire des délais contraint en matière de réalisation et de livraison. Il importe donc de bien tenir compte de ce point dans les modalités rédactionnelles du règlement de consultation. Il serait ainsi plus que dommage de perdre une offre performante sur le seul motif de l’absence ou retard d’un spécimen !

Les échanges entre acheteurs et donneurs d’ordre

Les échanges antérieurs et postérieurs à la réception des offres constituent à la fois des moments importants pour assurer le choix le plus pertinent et efficient mais également une source non négligeable des recours en référé.

La gestion des questions réponses avant la réception des offres

La réception ou plus généralement le téléchargement des dossiers de consultation des entreprises par les candidats appelle par expérience de nombreuses questions la première semaine (compréhension du dossier) et la dernière semaine (position définitive du candidat). Ces périodes appellent donc une vigilance particulière et une disponibilité achat et juridique.

Les rectificatifs et les risques associés

La publication hâtive de procédures est souvent la cause de rectificatifs durant l’été. Il importe de s’assurer de la validité de ces rectificatifs et de la bonne réception de ces derniers par les candidats. Ces rectificatifs génèrent sur les profils acheteurs de nombreuses manipulations à valider entre l’acheteur et le juriste. Il s’agit dans le cas présent d’une période à risque important.

La réception des offres

L’accélération de la dématérialisation des marchés publics a facilité le téléchargement des dossiers de consultation mais recèle encore des difficultés au moment du dépôt des offres. Ces difficultés sont souvent liées à des aléas informatiques (disponibilité des serveurs, bande passante, format des fichiers, taille des fichiers, signature électronique…). Il est rappelé que malgré la disponibilité des supports des prestataires de ces plateformes, le bon fonctionnement et la disponibilité de celles-ci incombent juridiquement aux acheteurs. La disponibilité au sein de l’organisation achat de l’administrateur ou d’un référent désigné sur le profil acheteur est donc devenue une nécessité tous les jours ouvrés de l’année.

Il est donc capital que l’acheteur soit disponible 2 à 3 jours avant la date limite de dépôt des offres. Il est également rappelé aux candidats l’importance d’anticiper de 24 à 48 heures leur dépôt pour limiter au maximum tout aléa. L’acheteur n’étant pas le seul acteur à pourvoir commettre des erreurs par empressement.

Les demandes de compléments et de précisions

Les phases d’analyse des candidatures et des offres peuvent induire des demandes de compléments ou de précisions prévues juridiquement. Afin d’assurer le bon aboutissement de la procédure, la disponibilité des candidats est primordiale d’autant que ces demandes peuvent impacter des métiers très différents chez les fournisseurs (administratif, juridique, technique ou encore commercial).

L’acheteur devra donc veiller à ne pas induire involontairement une certaine rupture d’égalité de traitement, qui si juridiquement restera difficile à démontrer, induira surtout de fortes perturbations dans les choix et dans la justification du mieux-disant.

L’expertise

Une procédure de marché public, qui plus est lorsqu’elle est formalisée, induit la participation et la mobilisation de ressources achats, techniques, juridiques et décisionnelles. L’acheteur, bien que pilote ou responsable de la procédure, doit notamment s’appuyer pour de nombreuses phases sur une expertise juridique importante. Il devra donc s’assurer de la disponibilité de celle-ci tout au long de l’été. Cette expertise aussi bien du côté de l’acheteur que de celle des candidats est également à assurer dans le cas de l’organisation et de la mise en œuvre de réunions de négociation.

En conclusion

La performance de l’achat public est étroitement liée à l’efficience de la prescription et à celle de l’étape, désormais consacrée par les textes du « sourcing ». Ce travail important conduit ainsi à la réalisation d’un dossier de consultation professionnel, garant de l’efficience de la consultation.

Il serait ainsi plus que préjudiciable pour l’acheteur, vis-à-vis de son établissement mais également vis-à-vis de son fournisseur, de ne pas mener dans les règles de l’art la consultation.

La période estivale, et principalement le mois d’août, constitue le moment le plus risqué pour mener une procédure de marché public. L’expérience conduira ainsi l’acheteur public, dans le cadre d’un achat important et/ou stratégique, à éviter durant cette période toute publication, tout retour d’offre ou toute conduite de réunion de négociation.

L’objectif premier d’un acheteur public est d’avoir une concurrence accrue et des réponses de qualité.

N’oublions pas non plus que les fournisseurs (voire les groupements d’entreprises ), auxquels l’acheteur s’adresse, sont parfois de taille et d’organisation très différentes. Le respect des principes de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement conduit ainsi à éviter de favoriser involontairement des grandes entreprises plus à mêmes de s’adapter en matière d’expertise et de disponibilité qu’une PME !

Les acheteurs les plus aguerris pourront toutefois rappeler à leurs collègues les statistiques, en témoignant, de l’opportunité de parfois adresser les décisions et lettres de rejet au mois d’août ou à la veille de longs week-ends fériés ! Mais ceci est un autre sujet…

Passez de bonnes vacances et n’oubliez pas que vos fournisseurs souhaitent également en passer d’agréables !

Sébastien Taupiac
Directeur du développement / Verso Healthcare