Plan de vigilance et marchés publics : quel impact sur la sélection des candidatures ?

Publié le 20 décembre 2021 à 9h30 - par

Issue de la loi relative au devoir de vigilance de 2017, le plan de vigilance vise à prendre des « mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu’elle contrôle (…) ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation ».

Plan de vigilance et marchés publics : quel impact sur la sélection des candidatures ?

Ainsi, le plan de vigilance est un plan de prévention ex-ante portant sur toute la chaine d’approvisionnement du donneur d’ordre et non un simple reporting ex-post.

Selon l’article L. 225-102-4 du Code du commerce, l’établissement d’un plan de vigilance est une obligation pour les sociétés (à l’exception des SARL et SNC) employant au moins 5 000 salariés en son sein ou dans ses filiales (directes ou indirectes) en France ou au moins 10 000 salariés en son sein ou dans ses filiales (directes ou indirectes) dans le monde.

Suite une recommandation du rapport d’évaluation de la loi relative au devoir de vigilance, la loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience » a intégré la notion de « plan de vigilance » dans le Code de la commande publique.

Un nouveau motif d’exclusion à l’appréciation de l’acheteur public

Le nouvel article L. 2147-7-1 du Code de la commande publique a été intégré dans la section 2 « Exclusion à l’appréciation de l’acheteur » du titre IV « Phase candidature » de la partie législative du Code. Ainsi, cette disposition ajoute un nouveau motif d’exclusion à l’appréciation de l’acheteur au stade de la candidature.

Plus précisément, cet article permettra à un acheteur public d’exclure les opérateurs économiques qui n’ont pas établi un plan de vigilance (alors qu’ils en ont l’obligation en application du Code du commerce) dans la mesure où ce motif d’exclusion a été prévu dans le règlement de consultation.

Il convient de noter que la même disposition précise que la prise en compte du plan de vigilance (au stade des candidatures) « ne peut être de nature à restreindre la concurrence ou à rendre techniquement ou économiquement difficile l’exécution de la prestation ». Toutefois, dans la mesure où l’établissement d’un plan de vigilance est une obligation légale pour certaines sociétés, une telle prise en compte ne semble pas être de nature à restreindre la concurrence. De plus, il est difficile de concevoir dans quelle mesure la vérification du respect de cette obligation légale (au stade de la candidature) serait de nature à « rendre techniquement ou économiquement difficile l’exécution de la prestation ».

Quand bien même cette nouvelle disposition n’entrera en vigueur qu’au plus tard le 22 août 2026, il convient déjà de noter que ce (futur) motif d’exclusion n’est pas utilisable en l’état.

Un motif d’exclusion inutilisable en l’état

Au regard de la large définition prévue par le Code du commerce, de la complexité à identifier les liens capitalistiques entre toutes les sociétés d’un groupe et en l’absence de liste officielle, la cartographie des sociétés éligibles à l’établissement d’un plan de vigilance est impossible à réaliser pour un acheteur public.

Cette difficulté a été soulignée dans le rapport d’évaluation de la loi devoir de vigilance publié qui souligne « qu’aucun service de l’État ne dispose actuellement de l’intégralité des informations nécessaires pour déterminer si la loi s’applique à telle ou telle société ». À ce jour, seules les ONG Sherpa et Terre Solidaire tiennent une liste (non exhaustive et non officielle) permettant d’identifier les sociétés qui n’auraient pas publié leur plan de vigilance. Il est à noter que certaines sociétés identifiées sont titulaires de nombreux marchés publics (principalement des prestataires de propreté).

Au regard de ces éléments, il convient de voir quelles sont les perspectives de cette nouvelle disposition.

Un motif d’exclusion en devenir ?

Au niveau européen, le Parlement européen a publié une résolution le 10 mars 2021 relative au devoir de vigilance et propose, notamment, que le champ d’application du plan de vigilance vise les sociétés (avec un seuil à définir) ayant leur siège en Union européenne (UE) et hors UE lorsque ces dernières exercent leurs activités sur le marché intérieur (en vendant des marchandises ou en fournissant des services) et qu’une autorité administrative soit désignée afin d’établir une liste officielle des sociétés éligibles à l’établissement d’un tel plan et contrôler l’application effective de la loi.

Sur la base de cette résolution, un projet de directive doit être publié prochainement par la Commission européenne. Si les évolutions proposées sont adoptées, elles permettront certainement une application effective de ce nouveau motif d’exclusion à un nombre plus important de sociétés et avec les outils pour un acheteur public d’identifier les sociétés soumises à cette obligation. À défaut, cette nouvelle disposition du Code de la commande publique risque de rester lettre morte.


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