Contrat administratif ou contrat de droit privé ?

Publié le 11 juin 2014 à 0h00 - par

Déterminer le juge compétent, c’est déterminer le régime juridique.

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Les principes sont simples

En matière contractuelle, davantage que dans d’autres domaines, le critère organique est prépondérant pour déterminer le juge compétent. Ainsi, en principe, les litiges concernant des contrats conclus entre deux personnes privées ne peuvent pas avoir une nature administrative, quelle que soit la nature de ce contrat, et y compris lorsque l’on a affaire à des travaux publics. Il ne peut en aller différemment qu’à la condition que l’une des personnes agisse « pour le compte » d’une personne publique, c’est-à-dire dans le cadre de la théorie du mandat. Encore convient-il de noter que l’appréciation qui en est faite est très restrictive.

C’est ainsi qu’en principe, les contrats conclus par les sociétés d’aménagement avec les constructeurs ne sont en principe pas conclus pour le compte des collectivités, puisqu’il suffit qu’une partie, même minime des travaux soient faits pour leur propre compte pour que la théorie ne s’applique à aucun sous contrat (TC, 15 octobre 2012, n° C3853, SARL Port Croisade c/ SA Seeta, Societé Tecs et Société Hydratec, ministère de l’Écologie et CE, 7 décembre 2012, Port croisade, n° 350651).

Quant aux contrats conclus avec au moins une personne publique, ils sont administratifs du seul fait qu’ils sont soumis au code des marchés publics, par application de la loi MURCEF. La recherche de la nature des contrats par les critères anciens de la clause exorbitante ou de la participation à l’exécution même du service public relève désormais de l’exception.

Leur application est parfois moins facile

L’application des principes donne parfois des surprises, dans certaines circonstances particulières. Ainsi, ce qui vient d’être dit doit se combiner avec la règle selon laquelle le juge administratif est compétent en ce qui concerne les contrats administratifs. Pour évidente qu’elle soit, c’est ce fondement qui a conduit à la compétence du juge administratif dans une affaire où deux personnes privées parties à un même contrat, s’opposaient (CE, 6 décembre 2013, n° 370074 n° 370079, Société Kéolis Caen).

Dans cette affaire, un syndicat mixte avait confié, dans le même contrat, des  travaux à une société, et l’exploitation du service de transport à une autre société. Un litige a opposé les deux sociétés, et il convenait donc de déterminer quel était le juge compétent (et donc les règles applicables).

C’est l’objet du contrat qui, selon le Conseil d’État, détermine la nature du contrat. En effet, « cette convention assurait l’articulation entre les obligations qui lient les deux concessionnaires à l’autorité concédante ». Ainsi, c’est par un renversement de l’ordre normal des facteurs que le juge administratif se reconnait compétent. Comme l’économie générale du contrat, auquel une personne publique est partie, révèle sa nature administrative, les rapports entre les deux personnes privées vont être soumis au droit administratif, sans que l’on ait à s’interroger sur les critères habituels de compétence lorsque l’on est dans un tel cas de figure.

Laurent Marcovici