Vers une unification du contentieux des marchés publics au profit de la juridiction administrative

Publié le 6 juin 2024 à 9h20 - par

Le projet de loi portant simplification de la vie économique, actuellement en discussion au Sénat, comporte plusieurs dispositions intéressant la commande publique.

Vers une unification du contentieux des marchés publics au profit de la juridiction administrative
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Concernant la publicité dématérialisée, l’article 4 fait obligation aux personnes publiques autres que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements, ainsi qu’aux organismes de sécurité sociale, d’utiliser un unique profil d’acheteur mis gratuitement à leur disposition par l’État. Il poursuit ainsi un objectif d’harmonisation entre acheteurs publics donc de simplification pour les entreprises, dont les coûts de gestion interne seront ainsi réduits. Il comporte également un dispositif important qui tend à unifier le contentieux de la commande publique.

Une modification législative en faveur du juge administratif

La qualification de la nature administrative ou privée d’un contrat permet de déterminer le régime applicable et la compétence juridictionnelle en vertu du principe selon lequel « la compétence suit le fond ». Cette qualification juridique peut être textuelle ou résulter, dans le silence des textes, de l’application d’un double critère jurisprudentiel, à la fois organique (présence directe ou indirecte d’une personne publique) et matériel (exécution d’un service public) ou clause exorbitante du droit commun. La loi n° 2001-1168 dite « MURCEF » du 11 septembre 2001 avait simplifié l’état du droit en prévoyant expressément que « les marchés passés en application du Code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs ». Cependant, malgré cette loi, les marchés conclus par des personnes privées sont de droit privé et soumis, à ce titre, aux règles du Code civil, même si l’une des parties est chargée d’une mission de service public ou si le contrat contient des clauses exorbitantes du droit commun.

En effet certaines personnes de droit privé, soumises au Code de la commande publique, sont considérées comme des organismes de droit public au sens des directives européennes « marchés publics ». Il s’agit, par exemple, des marchés publics conclus par des entreprises publiques, des sociétés locales à statut spécifique, des organismes privés d’habitation à loyer modéré (HLM) ou encore des associations dont les ressources sont principalement procurées par des personnes publiques. L’article 5 du projet de loi de simplification de la vie économique unifie le contentieux de la commande publique au profit de la compétence du juge administratif, en qualifiant d’administratif l’ensemble des contrats de la commande publique, à l’exception des marchés et des contrats de concession qui ne relèvent pas du champ d’application des directives européennes. Selon l’exposé des motifs, « il poursuit ainsi un objectif de simplification et d’uniformisation du contentieux de la commande publique en levant les incertitudes sur le juge compétent à saisir, en contribuant à accélérer le traitement des recours, en renforçant la sécurité juridique par une application uniforme des règles de la commande publique ».

Un abandon du critère organique

La nature privée ou administrative des contrats de la commande publique relevant du droit interne est indifférente pour la qualification d’un contrat de la commande publique au regard du droit du l’UE. L’application du critère organique pour retenir la nature administrative du contrat n’est plus nécessairement adaptée à la réalité et n’apparaît plus in fine comme un critère indispensable de qualification dès lors que certains contrats pourtant passés par des personnes privées sont d’ores et déjà reconnus comme administratifs par la loi que ce soit en application d’une disposition spéciale ou parce que le contrat emporte occupation du domaine public. Ainsi, « le critère organique n’apparaît donc plus comme un critère indispensable pour caractériser l’administrativité d’un contrat ». En l’occurrence, l’unification envisagée s’inscrit parfaitement dans le cadre du respect des exigences constitutionnelles en ce qu’elle a pour objet de confier au juge administratif, juge « naturel » du contrat administratif, la compétence pour connaître de tout litige relatif à la passation et à l’exécution des contrats privés de la commande publique. La création d’un bloc de compétence unique en faveur du juge administratif pour l’ensemble des contrats passés en application du Code de la commande publique renforcera la sécurité juridique par une interprétation et une application uniformes des règles de la commande publique pour l’ensemble de ses acteurs. La qualification administrative de l’ensemble des contrats de la commande publique implique une modification de l’article L. 6 du CCP qui prévoit, en l’état, que les contrats relevant du Code sont des contrats administratifs « s’ils sont conclus par des personnes morales de droit public ». Il s’agit de supprimer ce critère organique afin que les contrats de la commande publique, définis à l’article L. 2 du Code, y compris ceux conclus entre personnes privées et donc de droit privé, soient désormais qualifiés de contrats administratifs et relèvent en conséquence de la compétence des juridictions administratives.

Source : Projet de loi portant simplification de la vie économique, Texte n° 550 (2023-2024) de M. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, déposé au Sénat le 24 avril 2024


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