Un contrat à portée rétroactive n’est pas forcément illicite

Publié le 5 juin 2015 à 14h07 - par

Décidément, l’arrêt Commune de Béziers I n’en finit pas de faire sentir ses effets.

litige contractuel

Un contrat d’assurance peut avoir une date de prise d’effet antérieure à sa notification

Le code des marchés publics, par son article 79, prévoit que : « les marchés publics doivent être notifiés avant tout commencement d’exécution ». Par ailleurs, les contrats administratifs sont des actes administratifs, et comme tels, sont soumis au principe de non rétroactivité : ils ne peuvent pas, en principe, entrer en vigueur avant leur conclusion.

Ainsi, une décision du Conseil d’État a pu juger qu’une date de commencement de l’exécution d’un marché fixée à une date antérieure de la conclusion du marché, et de sa transmission au représentant de l’État, était illégal, ainsi que la délibération du conseil municipal autorisant le maire à le signer. Le contrat ne pouvait trouver aucune application (CE,  février 1991, n° 71956, Ville de Caen).

L’arrêt Commune de Béziers de 2009 a profondément modifié les choses, on le sait. Désormais, selon la formule rituelle : « lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l ’exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ».

La méconnaissance de l’article 79 du code des marchés publics n’emporte pas de conséquences sur l’exécution du contrat

Dans l’affaire jugée par le Conseil d’État le 22 mai 2015, société Axa corporate solutions assurances, n° 383596, le contrat d’assurance prévoyait que la date de prise d’effet était fixée au 12 mai 2004. Elle était ainsi antérieure tant à la date de signature de ce marché, le 6 juillet 2004, qu’à sa date de notification. Le tribunal administratif avait invalidé le contrat. La cour administrative avait pris une position inverse, qui est confirmée par le Conseil d’État. Selon lui, en effet, cette illégalité n’entache pas d’illicéité le contrat et l’irrégularité commise n’est pas d’une gravité suffisante, notamment en ce qu’elle n’avait pas vicié le consentement des parties, pour justifier que l’application de ce contrat soit écartée.

Ainsi, la jurisprudence Commune de Béziers développe son œuvre de sécurisation des contrats. Il est vrai qu’en l’occurrence on aurait mal compris que le contrat ne trouve pas application. L’irrégularité était vénielle, et il semble clair que la seule irrégularité commise, tenant à une prise d’effet antérieure à la signature n’était pas de nature à délier la société d’assurance de ses obligations.

Laurent Marcovici


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