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Loi « économie circulaire » : renforcement du pouvoir des maires et des présidents d’intercommunalité dans la lutte contre les dépôts sauvages

Publié le 24 février 2020 à 8h25 - par

La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire consacre un titre cinq intitulé « lutte contre les dépôts sauvages ». Ledit titre renforce le pouvoir des maires et des présidents d’intercommunalité, ainsi que les sanctions pour améliorer la lutte contre les déchets abandonnés.

Loi « économie circulaire » : renforcement du pouvoir des maires et des présidents d’intercommunalité dans la lutte contre les dépôts sauvages

Le titre intitulé « lutte contre les dépôts sauvage » compte quatorze articles. En matière de police administrative, les articles 93, 94 et 95 ont pour objet d’introduire, dans le Code général des collectivités territoriales (CGCT) (1), une procédure de sanction administrative des dépôts sauvages par le maire (2) et, d’autre part, de transférer le pouvoir de police du maire en matière d’abandon, de dépôt et de gestion des déchets aux présidents de groupements de collectivité, si ces derniers sont compétents en matière de collecte des déchets ménagers (3).

1. La modification de l’article L. 2212-2-1 du Code général des collectivités territoriales

Premièrement, la loi a modifié les dispositions de l’article L. 2212-2-1 du Code général des collectivités territoriales. Ces mesures ont été introduites par des amendements de plusieurs sénateurs1 et visent à créer une procédure de sanction administrative des dépôts sauvages par le maire lorsque leur auteur est identifié. Auparavant, si des déchets étaient déposés, abandonnés ou gérés de façon contraires aux prescriptions du Code de l’environnement relatives à la prévention et à la gestion des déchets, le maire pouvait enclencher une procédure de sanction administrative, prévue à l’article L. 541-3 du Code de l’environnement. Le préfet n’était compétent qu’en cas de carence de l’autorité de police municipale. Cependant, en cas de décharge illégale, c’est-à-dire d’installation professionnelle sans autorisation au titre des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), seul le préfet était compétent pour mettre en demeure les producteurs ou détenteurs de déchets tant pour le défaut d’autorisation ICPE, en application de l’article L. 171-7 du Code de l’environnement, que pour la gestion illégale des déchets, en application de l’article L. 541-3 du même Code.

Deuxièmement, l’inaction du maire en matière de dépôt sauvage pouvait constituer une faute lourde, susceptible d’engager la responsabilité de la commune. L’article 53 de la loi « engagement et proximité » permet au maire de prononcer des amendes administratives, d’un montant maximal de 500 euros, en cas de manquement « ayant pour effet de bloquer ou d’entraver la voie ou le domaine public, en y installant ou en y laissant sans nécessité tout matériel ou objet, ou en y déversant toute substance ». Néanmoins, le champ de cet article n’est pas restreint aux déchets et il ne vise, s’agissant des dépôts sauvages, que les cas d’encombrement ou d’entrave de la voie publique. Il fallait donc créer une procédure de sanction administrative des dépôts sauvages par le maire.

2. La nouvelle procédure de sanction administrative des dépôts sauvages par le maire

Premièrement, le maire a désormais le pouvoir de prononcer une amende administrative et une mise en demeure en cas de constatation d’un dépôt sauvage dont l’auteur est identifié. À l’issue d’une procédure contradictoire d’une durée de 48 heures durant laquelle le contrevenant peut présenter ses observations, le maire ordonne le versement d’une amende administrative d’un montant maximum de 15 000 euros2 avant toute mise en demeure et met le contrevenant en demeure d’effectuer les opérations nécessaires au respect de la réglementation relative aux déchets dans un délai déterminé. Dans l’hypothèse où le contrevenant effectuerait l’intégralité des opérations prescrites dans le délai prévu par la mise en demeure, seule la production d’un justificatif établissant que les opérations ont été réalisées en conformité avec la réglementation pourrait interrompre la procédure administrative. Dans l’hypothèse où le contrevenant n’effectuerait pas l’intégralité des opérations prescrites, le maire pourrait ordonner alors le versement d’une astreinte journalière jusqu’à la mise en œuvre de l’intégralité des opérations. Le montant maximum journalier de cette astreinte n’est pas fixé par la loi, contrairement à ce qui est prévu pour l’astreinte (1 500 euros) inscrite à l’article L. 541-3 du Code de l’environnement. Par ailleurs, si l’inaction du contrevenant cause un trouble au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité, le maire a le pouvoir de faire procéder à l’exécution d’office des opérations prescrites aux frais du contrevenant. Enfin, la loi prévoit le recouvrement au bénéfice des communes des amendes administratives et de l’astreinte journalière prévues à l’article L. 541-3 du Code de l’environnement.

Deuxièmement, cette nouvelle procédure administrative inscrite à l’article L. 2212-2-1 du Code général des collectivités territoriales peut soulever des difficultés d’articulation avec celle prévue à l’article L. 541-3 du Code de l’environnement. Les deux procédures visent – du moins partiellement – des manquements similaires à la réglementation relative à l’abandon et au dépôt de déchets. Non seulement, cette nouvelle procédure risque de complexifier la compréhension du droit applicable pour les maires qui devront le mettre en œuvre, mais aussi d’entraîner de potentiels cumuls de sanctions réprimant de mêmes faits par des sanctions de nature similaire au mépris du principe de non-cumul des poursuites et sanctions.

3. Le possible transfert du pouvoir de police du maire en matière d’abandon, de dépôt et de gestion des déchets aux présidents de groupement de collectivité

Premièrement, l’article 95 de loi modifie l’article L. 5211-9-2 du CGCT, afin de permettre le transfert du pouvoir de police du maire en matière d’abandon, de dépôt et de gestion des déchets aux présidents de groupement de collectivités, si ces derniers sont compétents en matière de collecte des déchets ménagers. Le transfert est étendu à tout président de groupement de collectivités compétent en matière de collecte des déchets ménagers, et non aux seuls présidents d’EPCI.

Deuxièmement, ce transfert est effectué dans les conditions prévues au IV de l’article L. 5211-9-2, par arrêté préfectoral sur proposition d’un ou de plusieurs maires intéressées, après accord de tous les maires des communes membres et du président de l’EPCI.

Enfin, le recouvrement des amendes administratives et de l’astreinte journalière prévues à l’article L. 541-3 du Code de l’environnement au bénéfice des groupements de collectivités est effectif, lorsque le pouvoir de police administrative du maire en matière de déchets a été transféré au président d’un tel groupement.

Ces mesures s’inscrivent dans un mouvement, amorcé dans la loi « engagement et proximité », de renforcement des pouvoirs de police du maire. L’arsenal législatif pour la lutte contre les déchets sauvages se construit progressivement. La transition écologique est d’ailleurs un des axes du futur projet de loi 3D actuellement en phase de concertation entre les services de l’État et les élus locaux. Cependant, le risque est grand de voir se complexifier l’articulation des textes applicables en matière de déchets sauvages.

Dominique Volut, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit public


1. Les sénateurs ont adopté une série d’amendements identiques de MM. Jean-François Longeot, Éric Gold, Olivier Jacquin et Guillaume Gontard contre l’avis du gouvernement.

2. La commission de l’Assemblée nationale a fixé le montant à 15 000 euros. Celui-ci n’avait pas été précisé par les sénateurs. Un risque d’inconstitutionnalité était important car cette sanction administrative, dont le montant n’était pas précisé, méconnaissait l’exigence constitutionnelle de légalité des peines, que le Conseil constitutionnel considère comme applicable à « toute sanction ayant le caractère de punition » (Conseil constitutionnel, décision n° 88-248 DC, 17 janvier 1989).

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