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Dépôts sauvages de déchets : quel premier bilan pour la sanction administrative issue de la loi AGEC ?

Publié le 12 juillet 2023 à 10h05 - par

Afin de donner aux élus locaux des moyens supplémentaires d’action en matière de dépôts sauvages de déchets, le législateur a institué, avec la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite loi AGEC), une procédure de sanction administrative contre les auteurs ou détenteurs de ce type de dépôts.

Dépôts sauvages de déchets : quel premier bilan pour la sanction administrative issue de la loi AGEC ?
© Par Алексей Черепков - stock.adobe.com

La notion de dépôts de sauvages de déchets n’est pas précisément définie juridiquement (Cette terminologie est d’ailleurs parfois remplacée par celle de dépôt « illégal » ou « irrégulier » de déchets, ou encore de « délinquance environnementale »)… Il est néanmoins acquis, en pratique, qu’un dépôt ou un abandon de déchet sauvage est constitué dès lors qu’un ou plusieurs objets sont abandonnés de manière ponctuelle à un endroit où les déchets ne devraient pas se trouver, que ce soit sur un terrain privé ou dans l’espace public (domaine public ou privé). La mise en œuvre de la sanction de ces dépôts, qui est régie par les dispositions de l’article L. 541-3 du Code de l’environnement, est réservée à l’autorité titulaire du pouvoir de police en la matière. Il s’agit, selon les cas, du maire de la commune ou du président du groupement compétent en matière de collecte des déchets, si ce dernier s’est vu transférer ce pouvoir de police, en application des dispositions de l’article L. 5211-9-2-I-B du CGCT.

Après trois années de mise en œuvre, un premier bilan peut être tenté

En pratique, les principaux avantages de cette procédure sont sa force dissuasive par la sanction financière et le fait, pour l’autorité administrative, de maîtriser son déroulé, ce qui n’est pas le cas pour les dépôts de plainte de nature pénale. La principale difficulté demeure néanmoins à ce jour l’identification des contrevenants. Les moyens dont peuvent disposer les collectivités (recherches d’indices par la fouille des sacs, avec des conditions posées par la jurisprudence en la matière ; recours à la vidéoprotection ou à des pièges photos, etc.) montrent en effet souvent leurs limites pratiques.

Sanction administrative : les 8 questions les plus fréquentes

  1. Est-il possible d’initier la procédure de sanction administrative sans la mener à son terme ?
    Oui, il est possible de mettre un terme à la procédure à n’importe quel moment. L’intérêt de cette procédure est même de jouer sur son caractère dissuasif.
  2. Peut-on mener la procédure en parallèle d’une procédure pénale de droit commun (dépôt de plainte « classique ») ?
    Oui, il est possible de mener les deux procédures en même temps.
  3. La procédure peut-elle s’appliquer sur les propriétés privées ?
    Oui, le juge administratif a considéré, dans un arrêt de la CAA de Nantes (CAA de Nantes, 5 mars 2021, n° 220NT01183) que la procédure pouvait être engagée sur des terrains privés, dès lors que l’impact sanitaire est important.
  4. Les mesures complémentaires comme les travaux d’office sont-elles adaptées à toutes les situations ?
    Non, elles sont réservées au cas les plus lourds (notamment dans des situations d’atteinte à la salubrité publique et nécessitant une remise en état du terrain).
  5. Existe-t-il une procédure spécifique pour l’enlèvement des épaves de véhicules ?
    Oui, et il existe même deux procédures spécifiques, selon que le véhicule a été abandonné sur le domaine public ou la voie publique, et, par extension, sur le domaine privé de la commune (L. 541-21-3) ou une propriété privée (L. 541-21-4). À noter que dans cette dernière hypothèse, il conviendra de démontrer que le « véhicule peut constituer une atteinte grave à la santé ou à la salubrité publiques, notamment en pouvant servir de gîte à des nuisibles susceptibles de générer une telle atteinte, peut contribuer à la survenance d’un risque sanitaire grave ou peut constituer une atteinte grave à l’environnement ».
  6. Le montant de l’amende administrative peut-il être fixé librement et doit-il faire l’objet d’une délibération du conseil municipal ?
    Le montant de l’amende administrative doit être fixé au regard du principe de proportionnalité. Les collectivités qui ont mis en place ces sanctions financières ont des pratiques hétérogènes : certaines (la plupart) ont fixé un forfait unique (souvent situé entre 100 et 500 €) pour chaque dépôt sauvage avec parfois une sanction doublée en cas de récidive, d’autres ont mis en place des grilles plus élaborées, dans lesquelles les montants sont proportionnels à la gravité des faits (du dépôt d’un mégot de cigarettes à celui de déchets polluants dans un espace naturel de grande valeur…). Il s’agit d’un acte de police, qui fait donc l’objet d’un arrêté de l’autorité concernée, et non d’une délibération de l’assemblée délibérante.
  7. Le paiement effectif de l’amende peut-il avoir lieu si le contrevenant a procédé à l’élimination du dépôt ?
    Oui, car l’on peut considérer que le fait générateur de l’amende est le simple dépôt illégal.
  8. Les pièges photos sont-ils soumis, pour leur installation, à la même procédure que les caméras de vidéoprotection ?
    Non, les pièges photos ne sont soumis à aucune procédure particulière. En revanche, si une fonction vidéo est utilisée sur ces appareils, ils seront assimilés à des caméras et donc soumis à autorisation préfectorale.

Didier Milland, Avocat au barreau de Grenoble

 

Retrouvez notre décryptage dans WEKA Le Mag n° 10 – Juillet / Août 2023

Auteur :

Didier Milland

Didier Milland

Avocat au barreau de Grenoble


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