Analyse des spécialistes / Achats

L’obligation d’adopter un SPASER avec des objectifs cibles à atteindre

Publié le 4 janvier 2023 à 8h50 - par

Au 1er décembre 2022, sur les 160 collectivités territoriales concernées par l’obligation d’adopter un schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER), seulement 32 % l’ont effectivement adopté. À partir du 1er janvier 2023, elles seront environ 320 selon une étude d’impact réalisée par la DAJ. 

La loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire a créé l’obligation d’adopter et de publier un schéma de promotion des achats publics socialement responsables. La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TECV) a élargi le périmètre du schéma à la promotion des achats publics écologiquement responsables. Depuis le 1er avril 2019, l’obligation d’adopter un SPASER pour certains acheteurs publics est codifiée à l’article L. 2111-3 du Code de la commande publique. Enfin, la loi du 21 août 2021 dite « Climat et résilience » est venue préciser le contenu attendu du SPASER et son décret d’application du 2 mai 2022 a abaissé le seuil d’adoption de 100 à 50 millions d’euros HT, montant apprécié sur la base des « dépenses effectuées au cours d’une année civile ».

L’abaissement du seuil à compter du 1er janvier 2023 a pour conséquence directe d’accroitre le nombre d’acheteurs publics devant adopter un SPASER de 160 à 320 acheteurs publics environ. À noter, selon RTES, au 1er décembre 2022, sur les 160 acheteurs concernés, seulement 32 % ont effectivement adopté un SPASER.

Cette nouvelle vague d’acheteurs devant adopter un SPASER est l’occasion de rappeler des objectifs généraux et plus spécifiques qui doivent être en lien avec les obligations sectorielles déjà existantes.

Une obligation qui doit s’accompagner de la fixation d’objectifs cibles à atteindre

Si l’article 35 de la loi « Climat et résilience » liste quelques objectifs à déterminer (achats réalisés auprès des entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS) et achats réalisés auprès des entreprises employant des personnes défavorisées ou des groupes vulnérables), le SPASER doit nécessairement contenir d’autres objectifs (généraux et spécifiques) en lien avec la philosophie d’un tel schéma. À titre indicatif, les objectifs « généraux » peuvent être les suivants :

  • Taux de PME, titulaires de marchés publics et volume d’achat adressé à ces entreprises ;
  • Taux d’ETI, titulaires de marchés publics et volume d’achat adressé à ces entreprises ;
  • Taux de marchés notifiés comprenant au moins une considération environnementale ;
  • Taux de marchés intégrant un écolabel ;
  • Taux de marchés intégrant une analyse en coût de cycle de vie ;
  • Taux de marchés intégrant une disposition relative à l’économie circulaire ;
  • Nombre de marchés réservés à des entreprises de l’ESS et volume d’achat adressé à ces entreprises ;
  • Nombre de marchés réservés aux ESUS et volume d’achat adressé à ces entreprises ;
  • Taux de marchés notifiés comprenant au moins une considération sociale ;
  • Nombre de marchés réservés à des entreprises adaptées (EA) et à des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) et volume d’achat adressé à ces entreprises ;
  • Nombre de marchés réservés à des structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) et volume d’achat adressé à ces entreprises ;
  • Nombre d’heures d’insertion sociale généré (et traduction en équivalent temps plein) ;

Bien évidemment, cette liste n’est pas exhaustive et certains objectifs peuvent être plus spécifiques à certains types de marchés (ex. marché de restauration collective) et/ou au contexte local (ex. nombre de titulaires implantés dans la région). Au-delà de la définition d’objectifs, ces derniers doivent être définis en cohérence au regard des obligations sectorielles déjà existantes.

Des objectifs cibles déterminés en lien avec les autres obligations sectorielles

La détermination d’objectifs cibles est l’occasion de mettre en exergue le volontarisme de l’instance dirigeante et des élus locaux en allant au-delà des obligations sectorielles s’imposant déjà aux acheteurs publics (et non de s’engager à respecter les obligations existantes).

Ainsi, le SPASER de la ville de Lyon fixe un objectif de dépenses annuelles en matière de réemploi, réutilisation ou intégrant des matières recyclées supérieur de 5 points aux seuils fixés par le décret d’application de la loi AGEC et au moins 75 % des produits de qualité et durables (AOP, AOC, AB…) dans les cantines scolaires (contre 50 % dans la loi Egalim) en 2026. Afin que ces objectifs (ambitieux) ne soient pas considérés par les parties prenantes comme du « purpose washing », il convient d’être transparent en publiant régulièrement les indicateurs.

L’impérative nécessité de publier les indicateurs en toute transparence

Si l’article 35 de la loi « Climat et résilience » dispose que les indicateurs doivent être publiés tous les deux ans, il nous semble qu’une publication annuelle des indicateurs serait plus pertinente pour permettre aux parties prenantes de suivre régulièrement la trajectoire des indicateurs. Ainsi, après avoir adopté son SPASER et déterminé des objectifs cibles, la région Bretagne a mis en ligne son observatoire des données de l’achat public et partagé en toute transparence ses indicateurs.

Par exemple, l’objectif n° 1 du chantier n° 1 du SPASER fixe comme objectif cible d’avoir 30 % des contrats attribués à des primo-accédants en 2021 (c’est-à-dire des nouveaux opérateurs économiques à la commande publique régionale). Selon l’observatoire, cet objectif n’a pas été atteint avec un indicateur à 19,9 % en 2021.

Autre exemple s’agissant de l’objectif n° 4 du chantier n° 4 : la région Bretagne a atteint son objectif d’achat d’œufs et d’ovoproduits issus de l’agriculture biologique fixé à 20 % d’ici 2022 avec un indicateur à 49,4 %.

Au-delà de la mise à jour périodique des indicateurs via l’observatoire des données de l’achat public, la région Bretagne joue la carte de la transparence totale en faisant le lien entre les indicateurs publiés et les jeux de données ayant servi au calcul des indicateurs.

Conclusion

Si l’obligation d’adopter un SPASER impose aux acheteurs publics de définir et mettre en place une stratégie d’achat responsable, il ressort de l’étude d’impact de la loi ESS qu’il aurait été délicat d’imposer des « objectifs chiffrés uniformes » au regard de l’hétérogénéité des acheteurs publics et des marchés.

Toutefois, sans fixer des objectifs chiffrés communs, il aurait été intéressant de prévoir un tronc commun d’objectifs permettant la comparaison des indicateurs des SPASER entre eux pour les parties prenantes (fournisseurs, citoyens, ONG, journalistes…).

Baptiste Vassor

Auteur :

Baptiste Vassor

Baptiste Vassor

Juriste, expert achat – UGAP


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