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Le développement du numérique responsable dans l’achat public

Publié le 22 mars 2023 à 10h20 - par

Si le numérique est souvent associé à des aspects positifs pour notre quotidien, son développement a également des impacts non négligeables sur l’environnement et sur les conditions de travail des salariés tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

Le développement du numérique responsable dans l'achat public
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En effet, lors la phase de fabrication, les produits numériques nécessitent de nombreuses ressources naturelles (or, platine, tantale, eau…) ayant des conséquences environnementales sur la biodiversité et sur les populations locales. Aussi, afin de tenter de limiter ses impacts, il est conseillé d’acquérir des produits numériques conçus de façon éthique, réparables, et durables.

Telle est l’ambition de la loi AGEC de février 2020 qui passe d’une logique d’incitation à des obligations règlementaires dans le cadre d’achats publics de produits numériques.

1. L’obligation d’acquérir une partie des produits numériques d’occasion ou reconditionnés

L’article 58 de la loi AGEC du 10 février 2020 et son décret d’application du 9 mars 2021 imposent aux acheteurs publics d’acquérir une proportion minimale de certains produits numériques issus du réemploi, de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées au cours d’une année civile.

Plus précisément, depuis le 1er janvier 2021, les acheteurs publics doivent acquérir une proportion minimale de 20 % de produits d’occasion ou reconditionnés lors de l’achat de :

  • Machines, matériels et fournitures informatiques et de bureau (excepté les meubles et logiciels), terminaux informatiques, ordinateurs portables, ordinateurs de bureau et accessoires informatiques (ligne 4 de l’annexe dudit décret) ;
  • Téléphones mobiles et téléphones fixes (ligne 9 de l’annexe dudit décret).

En pratique, il convient de comprendre que, pour 1 000 euros HT d’achat en année N de téléphones (portables ou fixes), au moins 200 euros HT (soit 20 % des dépenses annuelles) doivent être d’occasion ou reconditionnés.

Cette obligation s’explique par le fait que les principaux impacts environnementaux ont lieu lors de la phase de fabrication des équipements (entre 65 % et 90 % selon l’Ademe).

Dans la mesure où l’acquisition de produits numériques neufs existera toujours, il convient de prendre en compte l’indice de réparabilité lorsque celui existe.

2. L’obligation de prendre en compte de l’indice réparabilité pour certains produits numériques

Si l’obligation d’afficher l’indice de réparabilité pour certains produits numériques est issue de l’article 16.1 de la loi AGEC du 10 février 2021 pour les ventes B to C, la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France (REEN) a étendu cette obligation à certains produits numériques achetés dans le cadre de la commande publique. En effet, l’article 55 de la loi AGEC précise désormais qu’à compter du 1er janvier 2023, les acheteurs publics doivent prendre en compte l’indice de réparabilité lors de l’acquisition de certains produits numériques neufs. L’indice de réparabilité est une information relative au caractère plus ou moins réparable d’un produit numérique sur la base d’une note résultant de plusieurs critères (documentation, démontabilité et accès, outils, fixations, disponibilité des pièces détachées, prix des pièces détachées et critères spécifiques).

En pratique, le calcul et l’affichage de l’indice de réparabilité sont réalisés par le fabricant et le vendeur/distributeur du produit et doivent être contrôlés par les services de la DGCCRF.

Dans le cadre de la commande publique, cette prise en compte de l’indice s’applique dès le 1er euro et porte essentiellement sur les smartphones, les ordinateurs portables et les téléviseurs à travers la définition des besoins (ex. : spécifications techniques) et/ou les critères d’attribution (ex. : sous-critère relatif à l’indice de réparabilité). Il convient de noter que la prise en compte de l’indice de réparabilité est la 1re étape car, à compter du 1re janvier 2026, l’acheteur public devra (également) prendre en compte l’indice de durabilité pour les acquisitions de ces mêmes produits numériques.

À côté des produits numériques, il convient également de prendre en compte l’impact environnemental des software (logiciels) qui équipent tous ces produits.

3. La promotion des logiciels peu énergivores

L’article 55 de la loi AGEC dispose que « lorsque le bien acquis est un logiciel, les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 du Code des relations entre le public et l’administration promeuvent le recours à des logiciels dont la conception permet de limiter la consommation énergétique associée à leur utilisation ».

Selon l’Ademe, l’écoconception est une « démarche préventive et innovante qui permet de réduire les impacts négatifs d’un produit, service ou bâtiment sur l’ensemble de son cycle de vie, tout en conservant ses qualités d’usage ». En pratique, l’écoconception d’un logiciel (ou « sobriety by design ») porte sur la conception fonctionnelle, graphique, ergonomique, technique et le développement (ou codage informatique).

Outre, la consommation énergétique lors de l’utilisation, l’écoconception d’un logiciel vise également à réduire la quantité de ressources informatiques (serveurs, bande passante, puissance des terminaux utilisateurs) nécessaire à son bon fonctionnement.

Cette valorisation de l’écoconception des logiciels peut passer par des spécifications techniques (exemple : détermination d’un seuil maximum de consommation énergétique en kilowattheure) et/ou des critères de sélection des offres (ex. : sous-critère relatif à la consommation énergétique du logiciel en kilowattheure).

Conclusion

Avec le développement de l’informatique en nuage (ou cloud computing), les data centers se multiplient sur le territoire national (268 au 1er décembre 2022). Or ces sites sont énergo-intensifs1 et, selon l’Ademe, ils génèrent environ 25 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre liées au numérique.

Par conséquent, les acheteurs publics doivent également prendre en compte les impacts environnementaux de ces derniers même si le décret tertiaire s’applique déjà à eux et qu’ils sont soumis à des critères d’éco-conditionnalité pour continuer à bénéficier du taux réduit de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE). Au-delà de la consommation d’énergie, les data center sont également de très grands consommateurs d’eau qui permet de refroidir la température des serveurs. Or, dans un contexte de tension sur la disponibilité de l’eau potable, cet impact doit également être pris en compte dans le cadre de l’analyse des offres.

Baptiste Vassor


1. L’énergie constitue environ 54 % des dépenses d’un data center.

Auteur :

Baptiste Vassor

Baptiste Vassor

Juriste, expert achat – UGAP


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