Analyse des spécialistes / Commande publique

L’économie circulaire dans la commande publique

Publié le 17 novembre 2022 à 10h00 - par

Dans le prolongement de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (ou TECV), la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (ou AGEC) vient créer une nouvelle obligation pour les acheteurs publics en lien avec l’économie circulaire.

L’économie circulaire consiste à produire des biens et des services de manière durable en limitant la consommation et le gaspillage des ressources et la production des déchets avec pour ambition de passer d’une société du tout jetable à un modèle économique plus circulaire. Plus précisément, l’article 58 de la loi AGEC vient confirmer le rôle des achats publics en tant que levier de la transition écologique en imposant aux acheteurs d’acquérir certains produits issus du réemploi, de la réutilisation et/ou incluant des matières recyclées.

Un décret d’application puis une notice explicative sont venus préciser le dispositif pour les acheteurs publics et les entreprises.

L’article 58 de la loi AGEC

L’article 58 de la loi AGEC créé une nouvelle obligation pour les acheteurs publics en précisant qu’« à compter du 1er janvier 2021, les biens acquis annuellement par les services de l’État ainsi que par les collectivités territoriales et leurs groupements sont issus du  réemploi ou de la réutilisation ou intègrent des matières recyclées dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit ».

Le même article dispose ensuite qu’« en cas de contrainte opérationnelle liée à la défense nationale ou de contrainte technique significative liée à la nature de la commande publique, le pouvoir adjudicateur n’est pas soumis à l’obligation prévue au I ».

Enfin, l’article 58 précise qu’« un décret en Conseil d’État fixe la liste des produits concernés et, pour chaque produit, les taux pouvant être issus du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage correspondant à ces produits ».

Le décret d’application de la loi AGEC

Le décret n° 2021-254 du 9 février 2021 relatif à l’obligation d’acquisition par la commande publique de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées a déterminé une liste et des proportions minimales des produits ou catégories de produits acquis par l’État et par les collectivités territoriales et leurs groupements devant être issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées.

Ainsi, seuls les acheteurs publics de l’État et des collectivités territoriales sont assujettis à cette nouvelle obligation pour l’acquisition de fournitures de certains produits.

S’agissant des produits, le décret contient une liste de produits ou de catégories de produits identifiés au moyen des codes CPV. Plus précisément, pour le produit « bicyclette », un seul code CPV est visé (34430000-0) alors que pour la catégorie « véhicules », 4 codes CPV sont visés (34000000-7, 34100000-8, 34210000-2 et 34370000-1).

Chaque ligne (produits ou catégories) est accompagnée d’un pourcentage minimal devant être issu du réemploi, de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées et, le cas échéant, d’un pourcentage obligatoirement issu du réemploi ou de la réutilisation.

En pratique, cette proportion minimale correspondant au montant total hors taxes de la dépense consacrée à l’achat de chaque produit ou catégorie de produits au cours de l’année civile.

Afin d’accompagner les acheteurs et les fournisseurs dans l’application de ce décret, le ministère de l’Écologie a publié une notice explicative.

La notice explicative du décret d’application

Le ministère de l’Écologie a publié une version actualisée au 1er janvier 2022 de la notice explicative du décret n° 2021-254 du 9 février 2021 qui vient préciser plusieurs dispositions de ce dernier. Ainsi, la notice précise, notamment, que cette nouvelle obligation ne s’applique pas aux établissements publics (EPA ou EPIC), que seuls les achats de fournitures sont concernés (la location et le redéploiement internes sont donc exclus) ou encore que l’acheteur répond à cette obligation si les deux proportions minimales indiquées dans le tableau sont atteintes globalement c’est-à-dire pour chaque ligne (et non par code CPV quand il y a plusieurs codes CPV pour une ligne).

En outre, la notice donne un exemple concret pour la ligne relative aux mobiliers urbains. Ainsi, elle précise qu’« il faut comprendre que sur 1 000 euros de mobilier urbain acquis sur l’année, au moins 200 euros de produits achetés (soit 20 % du montant annuel total des dépenses de la ligne) doivent être issus du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage. Dans ces 200 euros, au moins 50 euros (soit 5 % du montant annuel total des dépenses de la ligne) doivent être consacrés à des produits réemployés / réutilisés.

Enfin, la notice vient définir et illustrer les termes utilisés dans le décret à savoir « réemploi » (qui est synonyme d’occasion), « réutilisation » (qui correspond au reconditionné) et « recyclage » (qui s’entend comme un produit contenant des matériaux recyclés). Pour cette dernière définition, la notice précise que « les produits intégrant des matières recyclées sont à considérer comme tels, quelle que soit la part de matières recyclées qu’ils contiennent ».

Conclusion

En juin 2022, le Commissariat général au développement durable (CGDD) a mis en ligne un questionnaire à destination des entreprises et un questionnaire à destination des acheteurs publics visant à faire un premier bilan de la mise en œuvre du dispositif de l’article 58 et, le cas échéant, à apprécier l’opportunité de faire évoluer la liste et/ou les proportions minimales exigées.

Au delà d’un très probable élargissement des produits concernés, il est souhaitable, qu’à défaut d’une remise en cause des codes CPV, la liste des codes CPV soit affinée pour ne pas exclure certains produits dont on impose par ailleurs l’acquisition aux acheteurs publics dans le cadre du verdissement de la flotte automobile (ex. le code CPV « 34144900-7 – Véhicules électriques » ne fait pas partie de la ligne 10 relative aux véhicules) ou encore que le rétrofit de véhicules thermiques en électrique soit comptabilisé au titre de la loi AGEC car répondant pleinement au concept d’économie circulaire.

Baptiste Vassor

Auteur :

Baptiste Vassor

Baptiste Vassor

Juriste, expert achat – UGAP


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