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Prévention des inondations : les EPCI en première ligne

Publié le 30 juin 2017 à 8h37 - par

L’arrêté du 7 avril 2017 détaillant le plan de l’étude de dangers des digues (EDD) et autres ouvrages aménagés en vue de prévenir les inondations et submersions, sous la responsabilité des communes ou EPCI disposant de la compétence Gemapi, entre en vigueur le 1er juillet 2017. Olivier Laffitte du cabinet Taylor Wessing revient en détail sur les modalités réglementaires précisées par cet arrêté.

Prévention des inondations : les EPCI en première ligne

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La compétence GEMAPI
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Olivier Laffitte             Olivier Laffitte

 

La publication au Journal officiel de l’arrêté du 7 avril 2017 précisant le plan de l’étude de dangers des digues organisées en système d’endiguement et des autres ouvrages conçus ou aménagés en vue de prévenir les inondations et submersions marque une étape supplémentaire dans le développement d’une réglementation exigeante censée garantir la sécurité des digues de notre territoire, et éviter ainsi une nouvelle tragédie similaire à celle connue lors du passage de la tempête Xynthia en février 2010.

La prévention initiale du risque

Pris en application du décret « digues » n° 2015-526 du 12 mai 2015 relatif aux ouvrages construits ou aménagés en vue de prévenir les inondations, et se substituant au précédant arrêté du 12 juin 2008 définissant le plan de l’étude de dangers des barrages et des digues, ce nouvel arrêté entrera en vigueur le 1er juillet 2017. Sans revenir en détails sur l’historique du développement de la réglementation en la matière, nous rappellerons cependant que c’est la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 qui imposa aux propriétaires ou exploitants d’un ouvrage hydraulique soumis à la police de l’eau de réaliser une étude de dangers, dont les modalités furent précisées notamment par le décret n° 2007-1735 du 11 décembre 2007 et l’arrêté susmentionné du 12 juin 2008.

À cet égard, les barrages et digues furent classifiés en quatre catégories, proportionnellement à la population maximale exposée au risque d’inondation considéré. L’étude de dangers devait alors être réalisée par les propriétaires ou exploitants des ouvrages avant le 31 décembre 2012. Cependant, les coûts financiers associés à la réalisation de ces études et aux travaux d’entretien en résultant se sont révélés bien souvent hors de leur portée. Dès lors, et suite au drame Xynthia sus évoqué, un « plan digues » fut mis en œuvre par l’État afin d’identifier les objectifs prioritaires de nature à assurer pour l’avenir une protection efficace contre les inondations.

La recherche d’un responsable solvable : communes et EPCI

Dans cette perspective, la nécessité de faire émerger un gestionnaire solide et solvable s’imposa en premier lieu. La loi « MAPTAM » n° 2014-58 du 27 janvier 2014 attribua ainsi aux communes une compétence nouvelle en matière de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (dite « GEMAPI »), que la loi « NOTRe » n° 2015-991 du 7 août 2015 transformera en une compétence obligatoire des EPCI à compter du 1er janvier 2018.

Le système d’endiguement : une analyse (presque) globale du risque

Abandonnant une approche par ouvrage de protection contre les inondations au profit d’une analyse plus globale au regard d’une zone à protéger, l’article R. 562-13 du Code de l’environnement définit le système d’endiguement comme celui qui « comprend une ou plusieurs digues ainsi que tout ouvrage nécessaire à son efficacité ».

L’arrêté du 7 avril 2017 s’applique ainsi aux études de dangers présentées par le gestionnaire des systèmes d’endiguement ainsi qu’aux aménagements hydrauliques de stockage provisoire des écoulements provenant d’un bassin hydrographique. Il définit ensuite les hypothèses dans lesquelles une étude de dangers est requise, en distinguant différents cas : (1) demande d’autorisation initiale portant sur un système d’endiguement ou d’aménagement hydraulique avec ou sans travaux, (2) demande d’autorisation de modification d’un système d’endiguement ou d’aménagement hydraulique et (3) mise à jour de l’étude de dangers, à la demande soit du préfet via un arrêté complémentaire complétant l’autorisation initiale d’un système d’endiguement, soit dans le cadre de l’actualisation périodique de l’étude de dangers tous les dix ans.

Pour ce qui concerne les études de dangers des systèmes d’endiguement, l’annexe 1 de l’arrêté décrit le plan et le contenu de ladite étude. Cette dernière comporte ainsi trois parties.

D’une part, un résumé non technique à destination du grand public, dont « la fonction est de présenter simplement les conclusions de l’étude de dangers en termes de niveau de protection, de délimitation du territoire protégé et de scénarios de risques de venues d’eau en fonctionnement normal et lorsque se produit un événement (crue, tempête) provoquant une montée des eaux excédant le niveau de protection ». Il présente tous les ouvrages qui constituent le système d’endiguement ainsi que le fonctionnement de celui-ci à l’occasion de différents scénarios de montée des eaux d’intensités variées (fonctionnement normal, défaillance fonctionnelle, défaillance structurelle et aléa de référence du PPRNI).

D’autre part, deux documents A et B plus techniques. Le document A présente des éléments techniques détaillés sur le niveau de protection, la zone protégée et le système d’endiguement qui lui est associé, ainsi que l’organisation mise en œuvre par le gestionnaire du système d’endiguement pour le surveiller, l’entretenir et informer le cas échéant, les autorités chargées de l’organisation des secours en cas de risque de dépassement des performances du système d’endiguement. Enfin, le document B détaille les analyses techniques permettant d’établir les performances du système d’endiguement, et de les justifier. Pour ce faire, il établit notamment un diagnostic approfondi des digues et autres ouvrages associés composant le système d’endiguement.

Si la portée de l’étude de dangers se voit ainsi sensiblement renforcée, clarifiant d’autant les contours de la responsabilité des EPCI en la matière, elle ne saurait pour autant être totalement assimilée à une étude globale du risque d’inondation. À cet égard, l’article 10 de l’arrêté précise que « lorsque le risque d’inondation d’une zone résulte de l’existence de plusieurs cours d’eau ou lorsque la zone est exposée à la fois au risque d’inondation fluviale et au risque de submersion marine, l’étude de dangers du système d’endiguement précise la finalité de ce système et rappelle ceux de ces aléas (débordement d’un cours d’eau ou submersion marine) qui ne sont pas pris en compte à raison de la conception dudit système d’endiguement. Dans ce cas, l’étude des risques de venues d’eau en zone protégée (…) sont limitées aux aléas pour la protection contre lesquels le système d’endiguement est normalement conçu ». Reste à espérer que ces dispositifs fragmentés d’analyse des risques seront suffisants pour éviter toute nouvelle catastrophe de type Xynthia ; à défaut, ce seront les EPCI qui seront cette fois en première ligne en termes de responsabilité.

Olivier Laffitte, Avocat associé du cabinet Taylor Wessing


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