Le dialogue social est-il compatible avec la crise ?

Publié le 17 juillet 2020 à 10h50 - par

Interrogé par nos soins sur le rôle des syndicats de la fonction publique territoriale dans la gestion de la crise, Bruno Collignon, montre que sur ce sujet aussi la crise sanitaire a été un révélateur puissant. Le dialogue social est un outil important de prévention et de gestion de la crise à condition d’être déjà installé dans une pratique qualitative en amont.

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Les acteurs publics face à la crise sanitaire
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Commençons par deux évidences qui s’imposent à nous pour la suite

Bruno Collignon© Photo Patricia Marais
Bruno Collignon,
Après une carrière en tant que sapeur-pompier et deux mandats comme président d’une organisation syndicale représentative, il poursuit son engagement pour préserver le service public.

Le dialogue social est un outil important de gestion de la crise en permettant de répondre au mieux aux besoins des habitants tout en assurant une protection des agents. Ce qui, dans des cas tel que celui de la crise sanitaire que nous traversons, revient en outre également à protéger les populations et la continuité du service public.

De manière générale, la crise a révélé que là où le dialogue social existait déjà réellement, à savoir qu’il était qualitatif, fondé sur la confiance et la transparence, il n’a pas été remis en cause. La pratique d’un tel fonctionnement collectif entre élus, directions et syndicats, est restée une évidence, car il n’y a pas eu à se convaincre mutuellement. Dans ces hypothèses, seules les modalités ont évolué (visioconférences, etc.). Par contre le contexte de crise n’a pas permis d’installer le dialogue social là où il n’existait pas en amont, dans un contexte « normal ». Il a été perçu comme un piège ou un blocage à l’action.

La vigilance des syndicats s’est particulièrement exprimée sur les conditions sanitaires de travail des agents

Dans certains cas, l’urgence aurait dû justifier de s’affranchir des règles de sécurité. Dans ces collectivités la volonté d’aller vite a d’ailleurs parfois concrètement conduit des modes opératoires et des réorganisations de service qui ont placé au second plan des questions de sécurité des personnels. Que ce soit dans les passages massifs et rapides au télétravail (parfois plusieurs milliers d’agents en quelques heures) aux conditions d’exercice de leurs fonctions des agents dans les crèches, Ehpad et écoles.

« Les syndicats se sont alors trouvés mobilisés et ont fait preuve d’une grande attention ce qui a été perçu comme un frein pour certains directeurs et managers. Pourtant, concrètement, cela renforce l’efficacité du service public, notamment sur la durée de telles crises ».

Trois types de situations peuvent être distingués quant à la situation du dialogue social pendant la crise

  • Les cas dans lesquels le dialogue social fonctionnait bien en amont et a continué de bien fonctionner pendant la crise. Dans ces hypothèses, les assemblées délibérantes des collectivités ont saisi cette opportunité pour interpeler de manière forte leurs organisations syndicales représentatives et travailler de manière collective avec l’équipe de direction pour répondre au mieux aux attentes des usagers. Ce n’est pas lié à la taille, la nature ou la géographie de la collectivité, mais bien au volontarisme. Volontarisme pour le dialogue social et surtout pour que ce dialogue social s’inscrive dans la nouvelle donne induite par la crise.
  • A contrario, d’autres collectivités ont argué de l’urgence à agir et du caractère insolite de la situation, ce qui est incontestable, pour considérer que l’espace du dialogue social n’était pas mobilisable. L’action et l’urgence sont présentées comme antinomiques à un vrai dialogue.
  • Enfin, dans certains secteurs, les représentants des personnels sollicités ont eux-mêmes décidé de rester en retrait. Cette posture qui semble paradoxale a priori, consistait à exprimer un ressenti de déni de leur engagement et à réaffirmer qu’un dialogue social de qualité devait se construire tout au long d’un mandat et ne pouvait être guidé par la seule contrainte de l’urgence.

    En effet, l’urgence a forcé la prise en compte et l’action sur des sujets importants pour les usagers et les personnels sur lesquels les syndicats travaillaient et militaient depuis longtemps. Pour autant ils n’avaient jamais été pris en compte, y compris dans l’hypothèse où ils étaient portés par l’unanimité des six syndicats de la fonction publique territoriale. Il s’agit notamment des questions liées à la santé et à la sécurité, au télétravail, à la reconnaissance des catégories C et des « premiers de corvée », à la situation dans les Ehpad et à l’hôpital.

    Nombre de choses auraient pu être moins douloureuses pendant la crise, si le dialogue social avait été pris en compte avant la crise.

Il y a là une certaine appréhension sur le dogme de l’urgence qui, s’il permet l’action, ne peut se substituer au dialogue social. Ce dernier permet d’anticiper les crises sur biens des aspects et de renforcer l’agilité du service public tout en préservant les droits et le devoir des agents. Le dialogue social est un outil puissant de prévention et de gestion de crise telle que celle que nous traversons.

Propos recueillis par Séverine Bellina et Hugues Perinel, Réseau service public


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