En conclusion du débat, Frédéric Leturque, maire d’Arras, a osé la boutade : « On espère vous retrouver l’année prochaine, madame la ministre, à cette place. Ce qui en soi serait une performance, parce que ça n’est pas arrivé souvent ces dernières années ». Anne Genetet a plutôt bien accueilli la saillie. Il est vrai qu’elle devait certainement avoir le sentiment de s’être plutôt bien sorti de l’exercice de confrontation directe avec les maires. C’est la nature même de ces forums : un maire, un problème, une réponse ministérielle… Intitulé « Préserver l’école, faire réussir les enfants », le forum a permis d’aborder de nombreux points : de la sécurité dans et en dehors de l’école, la montée des incivilités, le harcèlement scolaire, mais aussi le maintien des activités périscolaires dans un contexte de restrictions budgétaires…
Maintenir le cap sur ce qui marche
Frédéric Leturque, accompagné de Delphine Labails, maire de Périgueux, assure la présidence de la commission éducation de l’AMF. « Les contraintes budgétaires vont nous obliger à faire des choix. Nous espérons que ce ne sera pas au détriment de l’éducation. Pour apaiser l’école, de bonnes choses ont été faites, pourquoi ne pas le dire, comme le dédoublement des classes. Mais nous sommes inquiets sur d’autres sujets, comme celui des AESH (Accompagnement des élèves en situation de handicap). Nous devons aussi faire en sorte que les parents ne soient plus exclus de l’école, qu’ils aient plus d’échanges avec les profs ». Les maires ont insisté pour bénéficier de crédits pour mettre en sécurité les établissements scolaires et poursuivre leur rénovation énergétique. « Les cités éducatives sont une belle réussite, il faut continuer à les soutenir », affirme Gilles Leproust, maire d’Allonnes et président de l’association Ville et Banlieue. « Nous avons décroché ce label pour les quartiers prioritaires de Chaoué et Les Perrières. Ça facilite la tâche pour accompagner les enfants et les jeunes de 0 à 25 ans dans leur vie quotidienne aussi bien dans les cadres scolaire, périscolaire, qu’extrascolaire ».
La sécurisation des écoles, plus que jamais
Sur la sécurisation des écoles, l’État a dépensé environ 1,5 milliard d’euros dans ce domaine, 55 M€ supplémentaires ayant été mobilisés à travers le FIPD (Fonds interministériel de prévention de la délinquance). L’inquiétude persiste au regard de la réduction des financements liée au Fonds vert, celui-ci devant passer de 2,5 Md€ à 1 Md€, décision menaçant par ricochet la rénovation des écoles. Depuis l’attentat d’Arras (le professeur Dominique Bernard a été poignardé par un élève récemment islamisé, le 13 octobre 2023), près de 400 établissements scolaires ont été sécurisés : mise en place de caméras, de portiques anti-intrusion, d’alarmes, présence d’un personnel éducatif mieux formé, etc. 100 nouveaux établissements devraient être sécurisés avant la fin de l’année scolaire en cours.
Travailler dans de bonnes conditions
L’école est la priorité du maire de Val-de-Reuil (Eure), « 13e commune la plus pauvre de France », assure le maire, Marc-Antoine Jamet. « Je suis maire de cette commune depuis 23 ans. J’ai une relation fusionnelle à l’école, car j’ai toujours su qu’il s’agissait du dossier le plus important pour un maire ». La rénovation du bâti a permis de remettre l’ensemble du parc scolaire à niveau, avec parfois le concours de l’Anru. « Il faut que les enseignants travaillent dans les meilleures conditions pour transmettre ce plaisir d’enseigner aux élèves. Il faut remettre l’école au centre du village, parce que c’est à partir d’elle que les inégalités sociales doivent être corrigées. Après, c’est trop tard », assène-t-il. Le rapport aux parents inquiète aussi les élus. La médiatrice de l’Éducation nationale, Catherine Becchetti-Bizot, a, dans son dernier rapport annuel publié à la rentrée, confirmé que le climat se dégradait. Un seul chiffre : 39 % des saisines de la médiatrice concernent la vie quotidienne et les conflits en établissements. « Ce domaine, passé en première position depuis deux ans, a connu une très forte progression en 2023 et un doublement en cinq ans », dit-elle.
De Mayotte aux activités périscolaires
Le maire de Mamoudzou, à Mayotte, Ambdilwahedou Soumaila, a rappelé la situation plus que difficile sur ce territoire. « Nous faisons face à une dynamique démographique forte, 10 000 naissances par dont 7 000 dans la seule capitale ». Pour scolariser tout le monde, il faudrait construire « une salle de classe de plus chaque jour ». Le compte n’y est pas : il manque à l’heure actuelle près de 302 classes. L’enjeu du périscolaire est donc central. Corine Sauvage, maire de Montamisé, dans la Vienne, commune de 3 800 habitants, le rappelle : « Nous gardons parfois les enfants dans les écoles de 7h30 jusqu’à 18h, voire 19h. Ils passent plus de temps avec nous qu’avec leurs parents. Nous devons faire aussi de ces temps périscolaires des moments de détente, de récupération, d’amusement ». Pour ce faire, Marielle Muret-Baudoin, maire de Noyal-sur-Vilaine (Ille-et-Vilaine), mise sur une fidélisation des animateurs, des accompagnateurs. « Il faut essayer, du mieux possible, d’organiser des emplois du temps cohérents, pour offrir à ces métiers des conditions de travail assez saines et éviter ainsi les turn-over. Il faut maintenir le fonds de soutien aux activités périscolaires, nous avons décidé de rester à 4,5 jours, mais sans l’aide de l’État, nous aurons du mal à tenir ». « 1 300 communes appliquent la semaine de 4,5 jours », a rappelé la ministre. « Le fonds de soutien avait vocation à être temporaire », a-t-elle rappelé.
Dessiner la carte scolaire pour les trois prochaines années
Sur les rythmes scolaires, Anne Genetet a insisté sur le fait que le fonds de soutien aux activités périscolaires « a toujours eu vocation à être temporaire ». Un fonds dont l’AMF a obtenu la reconduction à la rentrée 2024. La ministre ne s’est pas engagée pour la rentrée 2025. Elle a proposé « une concertation pour voir comment continuer à accompagner ce sujet du périscolaire ». Enfin, sur le sujet sensible de la carte scolaire, elle a rappelé que « la démographie était connue, nous aurons 200 000 élèves en moins lors de la prochaine rentrée scolaire, nous pouvons ainsi construire une carte scolaire sur trois ans ». Elle entend signer prochainement un protocole avec les communes. Le dialogue, en tout cas, est lancé.
Stéphane Menu