Garantie décennale : ça bouge avec discrétion

Publié le 30 mars 2016 à 16h36 - par

De la présomption de responsabilité à la présomption d’imputabilité.

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Les principes de la garantie décennale

Les constructeurs à une opération de construction sont soumis à des principes de responsabilité qui leur sont défavorables. Une fois que les rapports contractuels ont pris fin, ils peuvent encore être condamnés à réparer les désordres des constructions, lorsque ces derniers portent atteinte à la solidité de l’ouvrage, ou le rendent impropres à sa destination « dans un délai prévisible ». Cela, alors même qu’ils n’auraient commis aucune faute, leur seule participation aux travaux suffisant à engager leur responsabilité.

Ces principes ont été imposés par le Conseil d’État en 1973, par l’arrêt Trannoy, et sont quotidiennement appliqués par les juridictions administratives. Tous les constructeurs sont concernés, maîtres d’œuvre, entrepreneurs et mêmes bureaux d’études. La responsabilité décennale est encourue dès lors que les désordres sont imputables à une entreprise qui est intervenue sur le chantier. Dans le cas inverse, la responsabilité n’est pas encourue ; par exemple, l’installateur de chauffage ne peut pas voir sa responsabilité engagée s’il y a des fuites à la toiture ; les désordres ne lui sont pas imputables.

L’arrêt Trannoy prévoit une présomption de responsabilité, dès lors que l’imputabilité des désordres aux travaux est établie.  Si les désordres ne sont pas imputables au constructeur, sa responsabilité n’est pas engagée.

De la présomption de responsabilité à la présomption d’imputabilité ?

L’arrêt du Conseil d’État du 26 février Rennes-les-Bains, n° 387428, amène à se poser la question. Cette décision modifie en effet le considérant de principe, qui explique la démarche du juge, en ajoutant la mention selon laquelle « le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement [la garantie décennale] peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d’ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n’apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables ».

La Cour administrative avait refusé d’engager la responsabilité décennale des constructeurs en jugeant que l’origine des désordres n’étant pas établie, les conditions d’engagement de la responsabilité n’étaient pas remplies. En censurant la Cour, le Conseil d’État renverse la charge de la preuve. Le dossier doit faire ressortir qu’aucun désordre ne résulte de l’action des constructeurs. En cas de doutes, ils encourent une condamnation. Il s’agit de l’établissement d’une présomption d’imputabilité, qui va au-delà d’une simple présomption de responsabilité.

Or, il semble bien que la règle antérieure était différente. C’est ainsi que dans leur ouvrage de référence, M. Chabanol, Jouguelet et Bourrachot indiquaient que « l’imputabilité des désordres renvoie à la démarche commune à tout le contentieux de la responsabilité, consistant à établir un lien direct entre le dommage et son origine… ». Ce lien devait donc être prouvé, et non pas présumé.

Non fiché par les services de diffusion du Conseil d’État, cet arrêt mériterait une publicité plus large, compte tenu de sa portée.

Laurent Marcovici


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