Une requête indemnitaire formée immédiatement après une mise en demeure de notifier le décompte général est-elle recevable ?

Publié le 11 juin 2009 à 0h00 - par

La personne responsable du marché a trois mois pour répondre à la « mise en demeure-réclamation » de l’entrepreneur de lui notifier un décompte général. L’introduction du recours contentieux avant l’expiration de ce délai ne le rend pas irrecevable. En revanche, la notification du décompte dans les trois mois rend la requête sans objet. C’est ce qu’a affirmé le Conseil d’État le 8 août 2008. Analyse et commentaire d’Olivier Caron et Alexandre Labetoule, avocats.

Une requête indemnitaire formée immédiatement après une mise en demeure de notifier le décompte général est-elle recevable ?

Faits

La société Bleu Azur a conclu avec l’OPIHLM de l’Essonne, du Val d’oise et des Yvelines (OPIEVOY) un marché public relatif à la réhabilitation et la création de logements. Après avoir notifié son projet de décompte final, l’entreprise a mis en demeure l’office de lui notifier le décompte général. Environ un mois et demi plus tard, elle a saisi le tribunal administratif de conclusions tendant au versement du solde et à l’indemnisation des préjudices subis lors de l’exécution du marché. Quelques jours après l’introduction de ce recours, l’OPIEVOY a notifié son décompte général à l’entreprise, lequel a été régulièrement contesté par un mémoire en réclamation présenté par la société Bleu Azur. Le tribunal administratif a conclu au rejet de la requête pour irrecevabilité, au motif qu’elle avait été présentée prématurément par l’entreprise, sans que cette irrecevabilité puisse être régularisée par le dépôt d’un mémoire de réclamation en cours de procédure. Le Conseil d’État a infirmé la solution retenue par les juges du fond.

Décision

La personne responsable du marché a trois mois pour répondre à la « mise en demeure-réclamation » de l’entrepreneur de lui notifier un décompte général.

L’introduction du recours contentieux avant l’expiration de ce délai ne le rend pas irrecevable. En revanche, la notification du décompte dans les trois mois rend la requête sans objet. Lorsque la notification intervient après, il n’y a pas de décompte général et le litige conserve son objet.

Le conseil de l’avocat

Cette solution est génératrice d’un nouveau piège contentieux pour l’entrepreneur de travaux publics. D’abord, comme on le savait déjà, en cas d’inertie du maître d’ouvrage à notifier le décompte général, l’entrepreneur doit mettre en demeure le maître d’ouvrage avant de saisir le juge administratif. Ensuite, si celui-là lui notifie un décompte dans les trois mois de cette mise en demeure, l’entrepreneur doit impérativement présenter un mémoire de réclamation en bonne et due forme, sous peine de forclusion. À cet égard, et c’est la nouvelle subtilité introduite par cet arrêt, la circonstance que le tribunal administratif soit saisi du litige est indifférente.

Texte de référence : CE, 8 août 2008, Société Bleu Azur, req. n° 290051, mentionné aux tables du Recueil Lebon

Extrait

« … en jugeant irrecevable la demande présentée par la Société Bleu Azur devant le tribunal administratif, alors qu’elle aurait dû la regarder comme ayant perdu son objet au motif qu’un décompte général lui avait été notifié moins de trois mois après la mise en demeure reçue par l’OPIEVOY le 1erjuin 1999, la Cour administrative d’appel de Versailles a commis une erreur de droit et ce alors même que la société avait formé dès le 20 août 1999 une réclamation contre ce décompte général, réclamation dont le rejet a donné naissance à un autre litige. »

Texte officiel : Code des marchés publics – CCAG Travaux (articles 13 et 50).


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