Budgets culturels des collectivités : pourquoi cette différence de perception entre les collectivités et les professionnels de la culture ?

Publié le 1 décembre 2023 à 11h45 - par

Malgré des chiffres qui ne le reflètent pas, les acteurs culturels ont l’impression que les budgets culturels des collectivités sont en baisse. La Fédération des collectivités pour la culture organisait un atelier sur ce thème, le 21 novembre 2023, au Salon des maires de France.

Budgets culturels des collectivités : pourquoi cette différence de perception entre les collectivités et les professionnels de la culture ?
© Par Sergey Nivens - stock.adobe.com

Les professionnels des arts et de la culture s’inquiètent de la raréfaction des financements publics. Or, l’Observatoire des politiques culturelles a présenté en juillet, au Festival d’Avignon, des données statistiques recueillies auprès des responsables culturels de 180 collectivités*, qui montrent une stabilité du budget culture des collectivités (cf. encadré). Pourquoi un tel décalage entre l’engagement financier des collectivités et ce ressenti ? C’était l’objet d’un atelier, organisé par la Fédération des collectivités pour la culture (FNCC), le 21 novembre 2023 au Salon des maires de France à Paris.

Selon le ministère de la Culture, en 2021, les dépenses culturelles des collectivités se sont élevées à 9 milliards d’euros contre 8,7 milliards d’euros en 2020. Mais, objectivement, tout dépend quels chiffres sont pris en compte pour mesurer le sentiment des professionnels de la culture, a expliqué Jean-Cédric Delvainquière, chargé d’études au département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (DEPS) du ministère. Il existe, en effet, deux sources de suivi du financement des budgets culturels : les budgets votés, c’est-à-dire les dépenses programmées et donc prévisionnelles, et les dépenses exécutées, soit les opérations réelles. De plus, les études partent de données consolidées qui ne permettent pas une analyse détaillée. En outre, tout dépend de quelles dépenses il s’agit : dépenses par habitant, effort budgétaire, intégration ou non de l’investissement aux dépenses de fonctionnement, dépenses directes et dépenses de subventions… « Le grand défi consiste à partir des indicateurs moyens pour arriver à prendre en compte le plus grand nombre de disparités possible, en allant au plus fin », a précisé Jean-Cédric Delvainquière.

Pour Guy Saez, ancien directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), certaines hypothèses peuvent être avancées pour expliquer le décalage ressenti par les professionnels. Il cite, en particulier, les changements qui sont intervenus dans le mode de gouvernance culturelle. Guy Saez signale tout d’abord la montée en puissance de ce qu’il nomme « la conditionnalité de l’action publique » : car, il convient aujourd’hui de prendre en compte aussi l’écologie, l’égalité des sexes, l’obligation de participation de la puissance publique, ou encore les conditions sanitaires. D’où une nouvelle façon de s’adresser aux acteurs culturels qui les déstabilise. Ensuite, on constate selon lui « une hyper-instrumentalisation de la culture ». Les élus, au nom de leur idéologie, subventionnent certaines actions culturelles ou retirent des subventions. Ils utilisent ainsi la culture pour faire du marketing territorial et apparaître au niveau des grandes capitales culturelles.

Ces deux formes d’intervention publique ne mettent pas en cause la substance artistique, mais elles la mettent au service d’autres politiques que la politique culturelle. C’est le cas notamment de l’Europe ou des régions qui travaillent par volets de grandes politiques et veulent que l’action culturelle s’intègre dans ces volets. Dans ce cas, la personne publique ne demande pas à la culture d’avoir ses propres objectifs, « ce qui est un changement très profond et déstabilisant », précise Guy Saez. À cela, deux conséquences : l’affaiblissement de la coopération entre collectivités et acteurs culturels, et la multiplication des contraintes qui donnent aux artistes l’impression d’être devenus des prestataires de service des collectivités. L’autonomie de l’activité culturelle par rapport aux politiques publiques est aujourd’hui menacée. « Les élus, les responsables culturels des collectivités, les acteurs culturels de la cité devraient s’emparer de ce débat », a conclu Guy Saez.

Enfin, Cédric Delvainquière constate qu’il faut distinguer la perception individuelle et la perception collective, comme pour la baisse du financement des festivals, par exemple. En matière d’affectation des ressources financières, le bénéficiaire tend à se projeter à la hausse et le simple maintien du montant d’une subvention est ressenti comme une baisse… Il conviendrait aussi d’adopter un recul historique pour distinguer les grandes tendances qui se dégagent, plutôt que de réagir à chaud. En tout état de cause, pour Isabelle Vincent, maire adjointe à la culture de Chartres (Eure-et-Loir, 39 500 habitants) et vice-présidente de la FNCC, il faut faire confiance aux territoires. Les collectivités qui sont en charge des équipements culturels accompagnent le monde associatif et les professionnels, en tenant compte de l’équilibre à respecter sur leur territoire. Et il n’est, en aucun cas, question pour les élus de privilégier tel ou tel.

Marie Gasnier

* Communes/EPCI de plus de 50 000 habitants, départements et régions

Six collectivités territoriales sur dix affirment que leur intérêt pour l’action culturelle ne décroît pas, selon le baromètre de l’Observatoire des politiques culturelles sur les dépenses des collectivités territoriales, réalisé entre avril et juin 2023. Au contraire, cet intérêt tendrait plutôt à se renforcer pour près d’un tiers des répondants. Les effets de la crise de l’énergie de 2022 ont eu un impact important en matière culturelle pour 12 % des collectivités ; 78 % des responsables culturels se disent peu ou pas touchés par cette crise, sans impact sur l’offre proposée par leur collectivité.

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