Réforme de la fonction publique : le gouvernement veut « lever le tabou du licenciement »

Publié le 10 avril 2024 à 11h00, mis à jour le 10 avril 2024 à 13h30 - par

Il n’y aura pas de « licenciement économique » dans la fonction publique, a assuré mercredi 10 avril 2024 le ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini, tout en rappelant que le statut des fonctionnaires prévoit une possibilité de « licenciement pour insuffisance professionnelle ».

Réforme de la fonction publique : le gouvernement veut « lever le tabou du licenciement »
© Par jirsak - stock.adobe.com

Le ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini a lancé mardi 9 avril 2024 à Paris la concertation autour de son projet de réforme de la fonction publique qui vise notamment à accentuer la rémunération au mérite des fonctionnaires et faciliter les mutations d’une branche à l’autre de la fonction publique (État, collectivités, hôpitaux). Le ministre s’est heurté d’emblée à la colère des syndicats. Au cœur des débats notamment, l’élargissement de la palette de sanctions face à une « insuffisance professionnelle » d’un fonctionnaire.

« C’est un dévoiement du statut de la fonction publique que de considérer qu’au nom de la garantie de l’emploi on ne puisse pas se séparer d’un agent qui ne ferait pas son boulot. La justice, c’est de récompenser les agents qui sont engagés et de sanctionner ceux qui ne font pas suffisamment leur travail », explique M. Guerini dans les colonnes du Parisien. « Je veux qu’on lève le tabou du licenciement dans la fonction publique », a notamment déclaré mardi Stanislas Guerini, pointant une « culture de l’évitement sur ces sujets-là ».

« Le statut doit-il être le statu quo ? »

Si le fonctionnaire est « titulaire de son grade », il n’est pas pour autant « propriétaire de son emploi », insiste l’exécutif.

Les catégories historiques de la fonction publique (A, B et C, en fonction du niveau de qualification) sont aussi sur la sellette, car jugées par le gouvernement « en décalage croissant » avec la réalité des métiers du secteur public.

Au micro de France Inter mercredi matin, le ministre a estimé qu’« on confond tout sur ces sujets-là. Le statut de la fonction publique, c’est la garantie de l’emploi. Je ne souhaite pas le remettre en cause », a-t-il affirmé.

« Quand on supprime un service administratif, les agents publics, on leur confie une autre mission. Pour ainsi dire, il n’y a pas de licenciement économique dans la fonction publique et je ne souhaite pas changer ça, je pense que statutairement c’est quelque chose de très important, qui distingue le public du privé », a poursuivi le ministre.

« Mais le statut des fonctionnaires n’a jamais expliqué, pas même en 1946 quand il a été instauré, qu’on ne pouvait pas licencier quelqu’un qui ne fait pas bien son travail. » Si un licenciement pour « insuffisance professionnelle » existe bien pour les fonctionnaires, le dispositif « est très mal défini et surtout extrêmement peu appliqué », a jugé le ministre sur France Inter. Selon lui, à peine 13 agents ont été licenciés pour ce motif en 2022 dans la fonction publique d’État, qui en compte au total 2,5 millions.

Quant aux révocations pour faute, seuls 222 fonctionnaires d’État auraient subi cette forme alternative de sanction, a précisé le ministre, en s’appuyant sur des données publiées en décembre par l’administration.

« Il faut être très décalé pour considérer que quand vous avez un collectif de travail de 100 personnes, qu’il y a une personne qui ne fait pas son travail et que ça n’a pas de conséquence, ce n’est pas démotivant pour les 99 autres », a-t-il fait valoir.

« Les agents publics sont les premiers à me dire qu’ils veulent un système qui soit juste, qui récompense mieux l’engagement, qui puisse justement récompenser le travail et qui au fond soit capable de distinction », a-t-il souligné.

Les syndicats vent debout

Les syndicats de fonctionnaires, conviés mardi 9 avril 2024 au lancement de la concertation autour de la réforme de la fonction publique, attendue pour l’automne en Conseil des ministres, sont vent debout.

Le think tank le Sens du service public rappelle aussi dans un communiqué du 10 avril que le licenciement des agents publics est aujourd’hui possible pour faute grave, insuffisance professionnelle ou inaptitude physique. N’oublions pas non plus que depuis la loi du 6 août 2019, il est possible d’activer la rupture conventionnelle dans la fonction publique.

« Parler du licenciement plutôt que des salaires alors que toutes les règles existent » pour se séparer des fonctionnaires, « c’est détourner l’attention », s’indigne sur le réseau X le secrétaire général de l’Unsa-Fonction publique, Luc Farré.

Pour Solidaires-FP, « le ministre veut se servir des agents publics comme variable d’ajustement du budget de l’État ». Le syndicat appelle à une « riposte » pour « faire échouer le projet de loi ».

La réplique de la CGT est elle intervenue sous la forme d’un préavis de grève courant du 15 avril au 15 septembre et nglobant donc les Jeux olympiques et paralympiques de l’été.

« L’année 2024 ne saurait être l’année de la casse du statut de la fonction publique ni celle de la mise en œuvre de la rémunération et l’avancement au mérite, qui généreront discriminations et inégalités », attaque le premier syndicat de fonctionnaires dans un communiqué.

Concernant le temps de travail des fonctionnaires, le gouvernement avait déjà durci son discours fin mars, Stanislas Guerini déplorant lors d’un séminaire gouvernemental sur le travail que « 200 000 agents ne soient toujours pas aux 35 heures », selon des propos rapportés par le journal Le Parisien et confirmés à l’AFP.

D’après l’administration, le temps de travail hebdomadaire déclaré par les fonctionnaires et les salariés du secteur privé en 2022 était identique (39 heures).

En revanche, sur une année complète, les agents publics (hors enseignants) ne travailleraient que 1 606 heures en moyenne, contre 1 699 heures pour les salariés du privé, cet écart s’expliquant par le plus grand nombre de congés octroyés aux fonctionnaires.

Confronté à la dégradation des comptes publics, le gouvernement a acté par décret 10 milliards d’euros d’économies sur les dépenses de l’État en 2024, et promis 20 milliards de coupes supplémentaires en 2025. Alors qu’il tablait jusqu’ici sur une réduction du déficit à 4,4 % du PIB en 2024, l’exécutif doit présenter une trajectoire financière actualisée mercredi après-midi, qui doit lui permettre de repasser sous les 3 % de déficit en 2027, conformément à l’objectif européen.

La concertation doit se poursuivre jusqu’à l’été, avant une présentation du projet de loi à la rentrée.

Selon un calendrier prévisionnel communiqué aux syndicats, deux autres réunions plénières – qui associent employeurs et représentants des agents – sont prévues au printemps, la première le 14 mai et la seconde le 20 juin.

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