Christophe Hardy : « La ville, le centre-ville, le cœur de ville sont réapparus essentiels » (1/2)

Publiée le 25 novembre 2021 à 10h05 - par

Retour sur la crise sanitaire de 2020 et ses conséquences afin de tirer tous les enseignements des politiques et initiatives menées au niveau local. Première partie de notre entretien avec Christophe Hardy, Directeur Général des Services de Tournefeuille (31).
Christophe Hardy : « La ville, le centre-ville, le cœur de ville sont réapparus essentiels » (1/2)

Vous êtes arrivé sur vos fonctions de DGS après le début de la crise sanitaire. Qu’est-ce qui vous a marqué lors de votre prise de fonction ?

Mon arrivée récente sur le poste en date du 1er septembre 2021 m’a permis de mesurer non pas l’impact mais les conséquences de la crise sanitaire car le développement économique est une compétence métropolitaine que les communes animent et surveillent attentivement, en lien notamment avec l’urbanisation de la ville.

De ce point de vue, l’annulation du plan local d’urbanisme intercommunal – habitat (PLUIH) de Toulouse Métropole en date du 11 avril 2019 par décisions du tribunal administratif des 30 mars et 20 mai 2021 a pour conséquence de freiner considérablement les projets de développement de l’intercommunalité dont dépend Tournefeuille. Ceux-ci vont en effet devoir faire l’objet d’une mise en compatibilité avec le PLU et donc subir un ralentissement, voire un retard impactant le développement de la ville. Vont en effet prendre entre 12 à 18 mois de retard non pas seulement le projet de zone d’aménagement concerté (ZAC) et ses 750 logements et 3 équipements publics mais aussi des programmes immobiliers de 145 logements dont 25 en centre-ville. Or, ce sont des emplois directs et indirects qui sont à la clé puisque la construction de ces bâtiments implique de faire travailler les entreprises de BTP et que ces services sont un facteur d’attractivité pour la commune. Sont en effet en jeu la création de nouvelles crèches, écoles élémentaire et maternelle ainsi que d’une maison de quartier.

Ces retards vont donc avoir un effet négatif sur le commerce de proximité, qui constitue le poumon économique de la ville : outre que l’absence des ouvriers de chantier soit synonyme de pertes d’opportunités en termes de consommation, ces constructions nouvelles proposeront de nouvelles surfaces commerciales destinées à répondre aux attentes des commerçants et de la population qui ne pourront être satisfaites dans les temps voulus.

Comment votre tissu socio-économique local a-t-il résisté aux évènements ? Quelles ont été vos actions fortes face à la crise ?

La ville a été très attentive à l’évolution de la situation grâce à la présence quotidienne d’une conseillère municipale déléguée au commerce. Une quarantaine de commerces de bouche ont notamment été couverts par son action.

Cette conseillère a joué le rôle d’interface permettant d’être au plus proche des commerçants, en faisant remonter les difficultés qu’ils rencontraient mais aussi en les orientant vers les dispositifs d’accompagnement de l’État et en communiquant en direction de la population sur ceux qui restaient ouverts et ce qu’ils proposaient au quotidien. Il n’y a pas de chiffres précis permettant de quantifier l’importance de son rôle, car son action était quotidienne. Mais l’essentiel s’est fait en présentiel et en concertation et avec l’aide de l’association de commerçants. À l’arrivée les résultats sont là puisque ces commerces existent toujours et ont même pu développer de nouvelles offres grâce, là encore, à l’action de la ville.

Celle-ci a en effet parallèlement mis à disposition de ces commerçants des espaces permettant la vente à emporter, notamment un chalet sur la place de la mairie. La mairie a également développé de nouveaux concepts, comme un marché du terroir le vendredi. À ce stade, le dispositif se poursuit et son évaluation est prévue pour la fin d’année. Mais l’objectif était de valoriser autant que possible les commerces du territoire grâce à cette nouvelle orientation. De ce point de vue, c’est entre six et dix étals qui voient le jour le vendredi, et le retour des exposants est d’ores et déjà positif.

Quel bilan tirez-vous du « quoi qu’il en coûte » ?

S’il est trop tôt pour en dresser un premier bilan, la résilience du tissu économique est à souligner eu égard à la santé des entreprises et des commerces sur la ville.

Aucune faillite n’a été recensée à ce jour sur le territoire communal. Ceci étant, il ne s’agit pas de verser dans l’euphorie mais d’être toujours vigilant aux lendemains et aux impacts des reprises car on sait bien que les faillites risquent d’apparaître maintenant que le « quoi qu’il en coûte » se termine. Les conséquences de son arrêt ne seront mesurables qu’en 2022. Mais il faut dire qu’il n’a pas toujours été source de motivation quant au rayonnement des activités économiques, certains professionnels ayant profité de l’effet d’aubaine créé par la mesure pour bénéficier des aides et rester fermés. Le bilan est donc mitigé.

Vous venez d’employer l’expression de « résilience » territoriale. Pouvez-vous en proposer une définition s’agissant du développement économique local et dire ce que vous en retenez pour l’avenir ?

La résilience territoriale désigne selon moi la capacité des autorités d’un territoire à faire une analyse introspective de leur pratique visant à réinventer leur action.

De ce point de vue, la crise a bien testé la résilience du bloc communal car l’un de ses enjeux marquants a été la capacité des communes et des EPCI à s’adapter en permanence pour encourager l’émergence de nouvelles pratiques, comme, par exemple, le marché du terroir dont je parlais tout à l’heure, mais aussi la conversion des commerçants à la vente en ligne, aux livraisons à domicile ou encore au « click and collect ». Autant de pratiques qui perdurent encore aujourd’hui et permettent aux commerçants de proximité de générer des recettes supplémentaires. Se dire que plus rien ne sera comme avant n’est, de ce point de vue, pas une fatalité mais une ouverture sur l’avenir. D’autant que la commune accompagne ces évolutions depuis le début. Non seulement elle a aidé à leur essor par la mise à disposition de matériel afin de respecter le cadre des règles sanitaires, mais elle les relaie depuis par ses canaux de communication (journal municipal, mais aussi réseaux sociaux : Facebook, Instagram, etc.). Ce qui contribue à entretenir la dynamique positive qui en découle en termes de développement économique.

En résumé, quelles leçons doit-on selon vous tirer de la crise sanitaire s’agissant du développement économique local pour le futur, par exemple en termes de commerce de proximité ?

Deux notions essentielles sont ressorties de cette période : la proximité de consommation et la solidarité de production de richesses à portée de main. La contrainte des déplacements a permis de faire découvrir la qualité des commerces de proximité. À cela s’est ajouté le rapport humain à l’autre. La ville, le centre-ville, le cœur de ville sont réapparus essentiels et non plus secondaires dans ce contexte.

Or, le phénomène me semble appelé à durer car la crise a révélé les fragilités liées à la mondialisation dans le contexte du changement climatique. De sorte que rapprocher la consommation des lieux de production est devenu une question de garantie de l’autosuffisance des territoires en cas de nouvelles crises. Surtout que l’augmentation forte des carburants dans la période récente conduit les habitants à maintenir leur relation de proximité en consommant davantage local. Ce qui est essentiel au développement de la commune.

Propos recueillis par Fabien Bottini, Professeur des Universités à l’Université du Mans, Membre Sénior de l’Institut Universitaire de France, Membre du Thémis, Membre associé du LexFEIM.

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