Une enquête de la FNCCR a montré que la facture de gaz et d’électricité des collectivités pourrait augmenter de 30 à 300 %. Quelles seront les conséquences de cette hausse des prix de l’énergie sur les collectivités ?
La crise énergétique que nous traversons a un impact sans précédent sur les collectivités territoriales qui ont déjà fait face à plusieurs mois de crise sanitaire et ont perdu toute marge de manœuvre financière avec la suppression de la taxe d’habitation. Selon une enquête de l’APVF, 90 % des petites villes sont touchées, alors que l’énergie est cruciale pour nos territoires. Elle permet d’amener les enfants à l’école, de chauffer les classes ou encore d’éclairer les rues. Je vous donne quelques exemples. Le maire d’Oissel en Seine-Maritime a été contraint de fermer sa piscine pendant six semaines. La commune de Saint-Rémy-de-Provence dans les Bouches-du-Rhône a prévu d’optimiser l’ouverture des lieux culturels en fonction de la demande. Saint-Jean-d’Angély, en Charente-Maritime, module l’éclairage public pour faire des économies.
Dans le même temps, les petites villes accélèrent leurs projets locaux d’énergies renouvelables et leur politique de rénovation énergétique des bâtiments. On voit donc déjà les conséquences dans les collectivités, qui n’ont pas d’autre choix que d’adapter ou baisser le niveau de certains services, ou de reporter des investissements qui participent à la relance. Les élus locaux font tout pour éviter une nouvelle hausse de la fiscalité locale.
Dans un courrier adressé au Premier ministre fin janvier, vous préconisez certaines solutions. Quelles sont-elles et en quoi seraient-elles efficaces ?
Dès la fin 2021, nous avons alerté sur ce sujet, crucial pour les petites villes, et nous avons proposé des dispositifs pour permettre aux collectivités de traverser cette crise. Une crise sans précédent qui nécessite des réponses rapides et faciles à mettre en œuvre. C’est pourquoi, nous avons proposé la mise en place d’une dotation énergie exceptionnelle. Elle doit permettre de compenser les pertes des collectivités et de les aider à maintenir leur budget en équilibre. Mais cette dotation pourra aussi être utilisée pour accélérer la politique de rénovation des bâtiments. Nous demandons également l’extension aux collectivités du blocage des prix du gaz en vigueur pour les particuliers. À plus long terme, il est essentiel de repenser notre modèle d’approvisionnement énergétique, trop dépendant de l’étranger, en créant des boucles locales de l’énergie fondées sur la méthanisation ou encore sur l’énergie solaire. Il faut également sécuriser dans le temps les contrats d’approvisionnement énergétique des collectivités.
Que pensez-vous du « bouclier tarifaire », qui baisse temporairement la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) depuis le 1er février et qui devrait limiter à 4 % l’augmentation de la facture énergétique pour les collectivités ?
Le bouclier tarifaire qui comprend la baisse de TICFE est nécessaire mais il est insuffisant pour les petites villes. En effet, cette baisse de TICFE permettra de limiter la hausse à 4 % pour les particuliers, mais pas pour les collectivités, pour qui l’effet est moindre. Il est important de rappeler que le gouvernement ne s’est pas engagé à limiter la hausse du prix de l’électricité à 4 % pour les collectivités comme il l’a fait pour les particuliers. Les collectivités sont également exclues du plan de résilience et elles ne sont pas concernées par le blocage du prix du gaz. C’est pourquoi, l’APVF continue de demander la mise en place d’un bouclier énergie et d’un plan de résilience spécifiques aux collectivités.
Quelles ont été les réactions du gouvernement à la suite de votre courrier ? Des mesures ont-elles été prises ou sont-elles prévues pour aider les collectivités à absorber en partie ces hausses tarifaires ?
Pour l’instant, le gouvernement n’a pas répondu favorablement aux demandes et aux propositions des petites villes. Il affirme, en effet, que les mesures mises en place (baisse de la TICFE, mécanisme de l’ARENH*) suffisent et qu’elles permettront de limiter à environ 10 % la hausse du prix de l’énergie pour les collectivités. Cela reste à vérifier dans les faits. Il affirme également que l’énergie représente une faible part du budget de fonctionnement des communes. Or, cette part est beaucoup plus importante aujourd’hui, avec des hausses de facture énergétique dépassant même les 500 % dans certains territoires. Selon le gouvernement, les collectivités peuvent encaisser le choc. Il est vrai que les élus locaux ont toujours su s’adapter et trouver des solutions.
Mais cette crise exceptionnelle s’inscrit dans un contexte budgétaire particulièrement difficile. Cette adaptation aura un prix. Un grand nombre de collectivités ont reporté des investissements et d’importants projets, comme la construction d’un stade, et d’autres petites villes ont dû baisser leur niveau de service, comme je vous l’ai expliqué. L’APVF continue à se mobiliser et à alerter le gouvernement par tous les moyens. Plus de cent cinquante maires de petites villes ont lancé un appel, publié dans la presse nationale, pour demander des mesures d’urgence à destination des collectivités. Plusieurs dizaines de maires de petites communes ont adopté un vœu municipal pour soutenir la dotation énergie portée par l’APVF. Cette mobilisation est d’autant plus essentielle que le prix de l’énergie va continuer d’augmenter, impactant un peu plus chaque jour nos territoires. Il est urgent que le gouvernement entende le cri d’alarme des élus locaux et que les collectivités et l’État travaillent main dans la main pour surmonter cette crise énergétique, économique et territoriale.
Propos recueillis par Martine Courgnaud – Del Ry
* Accès régulé à l’électricité nucléaire historique. Il permet à tous les fournisseurs alternatifs de s’approvisionner en électricité auprès d’EDF dans des conditions fixées par les pouvoirs publics (NDLR)
L’APVF, qui réunit les villes de 2 500 à 25 000 habitants – soit 4 000 communes et 26 millions de personnes – a été la première association d’élus à se mobiliser sur la question des prix de l’énergie, qui a un impact fort sur les petites villes. |
Découvrez l’offre WEKA Smart Masterclasse n°4 – L’imprévision et la modification des contrats en cours d’exécution, co-construite avec la Fondation Paris-Saclay Université et en partenariat avec APASP.
Cette Masterclasse se déroulera le 26 avril 2022 de 14h à 17h avec la participation de Guillaume Delaloy, Chef du Bureau de la Réglementation générale de la commande publique de la Direction des Affaires Juridiques (DAJ) du ministère de l’Économie, d’Olivier Giannoni, Directeur Juridique de l’UGAP et de Julien Prévotaux, Responsable éditorial Publishing & Media – WEKA.