Covid-19 et PCA : Émilie Agnoux, Directrice de la transformation et du dialogue social à l’Établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir

Publié le 24 mars 2020 à 10h45 - par

Face à la gestion de la crise sanitaire liée à la propagation du Covid-19, les collectivités doivent s’organiser pour maintenir une continuité d’activité et protéger les agents. Émilie Agnoux, Directrice de la transformation et du dialogue social à l’Établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir, répond à nos questions et nous fait part de son expérience.

Covid-19 et PCA : Émilie Agnoux, Directrice de la transformation et du dialogue social à l’Établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir
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Covid-19 : des acteurs publics face à la crise sanitaire
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Émilie Agnoux  Directrice de la transformation et du dialogue social à l’Établissement Public Territorial Grand Paris Sud Est Avenir

Émilie Agnoux

Quelles sont les premières urgences que vous avez eues à gérer devant la crise du coronavirus, eu égard à votre type de collectivité et au territoire ? Quels sont les services publics essentiels que vous maintenez ?

Dès le vendredi 13 mars 2020, nous avons fait le choix de mettre à l’abri nos agents les plus exposés aux risques, c’est-à-dire ceux présentant des fragilités de santé (les femmes enceintes, les agents en contact rapproché avec une personne fragile…), et de donner des autorisations spéciales d’absence aux agents devant se consacrer à la garde et à l’éducation de leurs enfants à compter du lundi suivant. Nous avons identifié les services « essentiels » inscrits à notre Plan de continuité de l’activité (portage de repas au domicile des personnes âgées, assainissement, eau potable, collecte et traitement des déchets, propreté urbaine, fonctions supports, soutien à l’activité économique…) et nous nous sommes assurés de disposer d’un nombre suffisant d’agents pour y pourvoir.

Afin de sécuriser le système, nous avons fait appel au volontariat auprès des collègues afin de constituer un vivier d’agents redéployables au besoin. Par ailleurs, nous avons rapidement identifié les matériels informatiques présents sur les différents sites à notre disposition et les priorités de dotation. Nous avons évidemment renforcé notre stock de matériel et produits de protection de nos agents pour garantir toutes les conditions sanitaires adéquates à l’exercice de leurs missions. Cette première phase de gestion de l’urgence étant passée, nous entrons dans une nouvelle phase, qui va nous permettre de continuer l’activité de tous nos services à distance, sous des formes renouvelées.

À ce stade dans quels domaines considérez-vous que votre organisation était prête à réagir au mieux et ce qu’il faudrait améliorer, voir créer ?

Dans ce genre de circonstances inédites, il convient de jouer collectif et d’agir de manière méthodique, tout en étant inventif. Nos collectivités, comme les autres organisations, n’avaient pas été spécifiquement préparées à affronter ce type d’événement soudain et intégral. Et pourtant, l’expertise, l’expérience et le sens de l’intérêt général de nos collectivités constituent de précieux alliés en pareil contexte. Je suis très impressionnée par la résilience de nos organisations locales, même s’il ne faut pas minimiser les difficultés concrètes auxquelles elles doivent faire face.

À Grand Paris Sud Est Avenir, l’agilité de nos modalités d’organisation et le travail réalisé sur le collectif de DG et de direction ont permis de s’organiser très rapidement et de se coordonner. La diffusion des usages numériques, la généralisation du télétravail, la dotation en matériel de travail en mobilité de même que l’adoption depuis 2017 de l’outil collaboratif Teams ont été déterminant dans l’efficacité de notre organisation à distance. Notre politique managériale de fond mise en œuvre depuis plusieurs années nous a également permis de nous appuyer sur l’ensemble de la chaîne de commandement. Le lien de confiance que nous avions noué avec les communes et l’habitude de travailler en commun avec les élus et les administrations communales ont facilité la coordination et la solidarité inter-institutionnelle. Le sens du service public de nos agents nous a permis de maintenir la continuité de l’activité et de redéployer des moyens rapidement. La culture de la transparence et du dialogue social de qualité de notre collectivité nous a permis d’informer quotidiennement nos agents et nos représentants du personnel, de recueillir leurs inquiétudes et leurs demandes et de les traiter avec réactivité. Enfin, nous comptons prendre appui sur le tissu économique et associatif local pour trouver ensemble des solutions face à la situation, à commencer par l’aide que nous pourrions apporter en commun pour soulager l’hôpital et les soignants.

En cette période si particulière, savoir préserver sa capacité à se remettre en question et à agir avec humilité est indispensable si l’on veut être en mesure de s’adapter au fil de l’eau.

Le temps du bilan et de l’évaluation viendront, nous sommes dans l’action, tout en essayant de garder la tête froide et de se ménager un peu de temps pour souffler, car il nous faudra tenir dans la durée. C’est peut-être sur ce sujet là que nous ne nous sommes pas encore suffisamment posés de questions, mais difficile à faire quand on est dans le feu de l’action et que l’on a conscience des responsabilités et des capacités d’action que l’on a dans la période.

Une crise est souvent révélatrice, à ce stade, qu’a-t-elle révélé sur vos forces et vos faiblesses ?

La crise a surtout révélé que nous avons encore plus besoin que jamais de nos services publics pour assurer les fonctions vitales de notre société, pour couvrir les besoins primaires qui sont de boire, manger, se soigner, s’éduquer, se cultiver, se rencontrer, s’entraider… Certains redécouvrent à cette occasion le travail formidable que réalisent chaque jour les agents du service public pour faire une société, un travail souvent invisible, mais pourtant essentiel.

Nous ne sommes qu’au début de la crise, mais nous pouvons déjà voir le fruit du travail de fond que nous avons mené sur la structuration de notre collectivité, l’animation des collectifs de travail, le développement des compétences, la co-élaboration d’une culture commune, la diffusion de l’administration numérique et inclusive, l’amélioration des conditions de travail de nos agents… Cette situation est une opportunité pour nos collectivités de se réinventer, de créer de nouvelles manières de travailler, de développer de nouveaux services, etc.

Beaucoup de citoyens et d’entreprises prennent conscience de l’importance d’un service public qui allie solidarité et efficacité, quel message souhaiteriez-vous faire passer ?

Depuis des décennies, le secteur public est sommé de se réformer, de s’inspirer du secteur privé, de faire toujours plus et toujours mieux avec des moyens contraints, voire de s’effacer au profit d’autres acteurs. Ce que ces derniers jours révèlent, c’est que le modèle d’administration locale s’avère finalement pertinent pour répondre aux enjeux du XXIe siècle. Il est regrettable qu’il faille toujours attendre des moments de crise pour redécouvrir les vertus du modèle social français, pour mieux les oublier une fois la crise passée. Il ne faudra pas commettre une nouvelle fois cette erreur dans les prochains mois. Les dérèglements que nous connaissons à l’échelle globale vont nécessiter de renforcer les services publics et de les adapter aux problématiques locales pour réussir les grandes transitions écologiques, démocratiques et sociales qui sont devant nous.

Nous sommes nombreux à regretter la réponse tardive de notre pays face au virus. Mais la critique a posteriori est toujours plus facile que la gestion en temps réel d’une situation donnée. Ce qui est encourageant, c’est la capacité de résistance et d’adaptation de nos organisations publiques, qui sont robustes face à ce choc. Et la solidarité que nous voyons partout s’organiser, dans des sociétés dites « individualistes » est un très beau signal. Nous prenons conscience que nous sommes tous fragiles et que nous avons besoin les uns des autres, et d’acteurs publics forts. Faisons en sorte de préserver cela.

Propos recueillis par Hugues Perinel


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