Intérêts et principal : quelle imputation des remboursements ?

Publié le 6 août 2014 à 0h00 - par

Faire application d’une décision de justice peut donner lieu à de nouveaux litiges.

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L’article 1254 du Code civil

Il ne faut pas négliger les textes, qui évitent souvent à la jurisprudence de s’interroger pour résoudre une question. Ainsi, et depuis qu’en a disposé la loi du 7 février 1804, l’article 1254 du Code civil précise que « le débiteur d’une dette qui porte intérêt ou produit des arrérages ne peut point, sans le consentement du créancier, imputer le paiement qu’il fait sur le capital par préférence aux arrérages ou intérêts : le paiement fait sur le capital et intérêts, mais qui n’est point intégral, s’impute d’abord sur les intérêts ».

Comme il lui arrive parfois, le Conseil d’État a décidé d’appliquer directement ces dispositions, sans passer par la fiction « des principes dont s’inspire » le texte, comme il a pu le faire en matière de garantie décennale. Ainsi, en cas de condamnation, les paiements partiels s’imputent d’abord sur les intérêts (CE, 11 juillet 1991, n° 89184, Commune de La Queue-en-Brie : règlement d’un marché entaché de nullité, par la voie de l’enrichissement sans cause ; CE, 31 juillet 1992, Société Barchetta, n° 90024, acte de vente ; CE, 16 avril 2008, société Hallminster Limited, n° 306180 : créance fiscale). Le principal de la dette demeure entier tant que les intérêts ne sont pas entièrement payés.

Mais l’article 1254 du code civil ne semble pas applicable en matière contractuelle

Selon le Conseil d’État, qui en a décidé par une décision du 23 mai 2012, n° 346352, Société SPIE SCGPM, le II de l’article 178 du Code des marchés publics, prévoit une règle différente : « Le défaut de mandatement dans le délai prévu au I ci-dessus fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant, des intérêts moratoires, à partir du jour suivant l’expiration dudit délai jusqu’au quinzième jour inclus suivant la date de mandatement du principal ». Il en déduit, sans citer ce texte, « que ces dispositions spéciales sont seules applicables au présent litige, à l’exclusion de celles de l’article 1254 du Code civil ». Selon le rapporteur public, des règles similaires, désormais codifiées à l’article 98 du Code des marchés publics, devraient conduire à la même solution sous l’empire du nouveau texte.

À vrai dire, le raisonnement ne suscite pas une adhésion immédiate. Il n’est pas évident que l’article 178 règle une question similaire de celle de l’article 1254 du Code civil. Il semble qu’il faut toutefois comprendre que le Code des marchés publics règle par ces dispositions les relations entre les cocontractants, en ce qui concerne le régime juridique des intérêts. Dans ces conditions, les autres règles afférentes à ces mêmes intérêts ne doivent plus trouver application dans les relations contractuelles.

On peut enfin observer que la solution de l’arrêt de 2012 n’est pas consacrée par un fichage au recueil Lebon, ce qui aurait pourtant permis de lui donner un caractère incontestable.

Laurent Marcovici


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