Soigner et éviter le burn-out des soignants, la mission d’un nouveau centre à Toulouse

Publié le 25 septembre 2023 à 9h15 - par

« On aide les patients mais on ne s’écoute pas » : qu’ils soient aide-soignants, médecins ou infirmiers, plus d’un soignant sur deux serait concerné par un burn-out. À Toulouse, un centre a ouvert pour traiter ce public particulier et tenter d’éviter l’épuisement professionnel.

Soigner et éviter le burn-out des soignants, la mission d'un nouveau centre à Toulouse
© Par Courtney Haas/peopleimages.com - stock.adobe.com

« Je ne dormais plus, ça tournait beaucoup dans ma tête… C’est quand j’ai demandé à mon médecin des somnifères qu’il m’a dit que ce dont j’avais besoin, c’était du repos, que j’étais en burn-out », raconte Charlotte, infirmière de 53 ans qui a souhaité utiliser un prénom d’emprunt pour garantir son anonymat.

Épuisée par des nuits à gérer parfois seule plusieurs services de sa clinique, Charlotte a été arrêtée en janvier, puis dirigée par son médecin vers le centre de prévention de l’épuisement professionnel des soignants (PEPS) du CHU de Toulouse, créé en juin.

D’autres structures existent en France pour traiter spécifiquement le burn-out des professionnels de santé, comme certaines cliniques ou les Maisons des soignants, créées par l’association Soins aux professionnels de santé (SPS).

L’unité installée au sein du quatrième hôpital public de France s’adresse à la fois à ses salariés et aux soignants du privé : elle se présente comme la première à faire de la prévention du burn-out en plus de le soigner, et accompagne les professionnels dans la reprise du travail.

« Sentiment de trahison »

Pour le professeur Fabrice Hérin, chef du service de pathologies professionnelles et environnementales de l’hôpital, à l’origine avec son équipe de la création du centre, le risque d’épuisement professionnel est déjà élevé chez les soignants en raison de leur exposition à la mort ou de leurs conditions de travail. Il observe une aggravation du phénomène pendant la crise du Covid-19.

La pandémie a déclenché « une forme de lucidité et un sentiment de trahison », retient Cécile Faucher Caire, l’une des deux psychologues du centre PEPS, de ses entretiens : « Ce qui était déjà problématique à vivre au niveau de l’organisation du travail, du manque de moyens et qui avait été ressoudé avec la fraternité qu’on a vu pendant la crise, ils s’aperçoivent finalement que rien n’est réglé », indique-t-elle.

Des études indiquent que les soignants seraient environ 50 % à être concernés par un burn-out, « mais c’est un chiffre a minima, avant la crise sanitaire », souligne auprès de l’AFP Catherine Cornibert, directrice générale de l’association SPS.

Ces épuisements augmentent le risque d’erreurs médicales, l’absentéisme et affectent l’attractivité des métiers du soin, ajoute-t-elle, « quand on est en souffrance, on ne conseille pas à son entourage de faire la même chose ».

Le ministère de la Santé a ainsi lancé en mars une consultation nationale sur la santé des soignants et promet d’élaborer « une stratégie » pour l’améliorer.

Locaux isolés

Dans l’hôpital toulousain, seul un petit panneau à l’intérieur du pavillon du service des pathologies professionnelles indique l’existence du centre PEPS.

« On a voulu des locaux isolés pour que les soignants ne se sentent pas stigmatisés, on sait la honte qu’il peut y avoir à l’idée de croiser un collègue ou un patient », assure Fabrice Hérin.

À l’intérieur, les murs sont nus et la décoration des bureaux des médecins quasi-inexistante, une manière de rappeler aux soignants « qu’ils sont dans le cadre d’une consultation médicale, pas juste entre pairs pour un moment de camaraderie », ajoute-t-il.

Pour son travail de prévention, l’équipe anime des ateliers avec des étudiants en santé sur le sujet et travaille en lien avec des médecins du travail, qui leur adressent des patients considérés comme à risque.

Ils peuvent bénéficier d’une prise en charge similaire à celle des personnes en burn-out : des consultations chez les médecins et les psychologues du centre, avec des psychiatres et addictologues du CHU, et des ateliers de groupe avec d’autres professionnels de santé en difficulté.

« Ça permet de verbaliser, d’échanger… En arrêt maladie on est isolé », témoigne Charlotte, qui « aurait bien aimé » pouvoir être prise en charge plus tôt, avant son burn-out.

Avec ce centre, qui a accueilli pour l’heure une cinquantaine de patients, Fabrice Hérin et son équipe espèrent documenter le problème de l’épuisement des soignants pour devenir « force de proposition auprès des institutions ». « On fait un constat de la situation, à voir ensuite comment s’en saisiront les autorités de tutelle », note le professeur.

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