Analyse des spécialistes / Rémunération

La prime d’assiduité est-elle légale ?

Publié le 18 novembre 2015 à 18h52 - par

De Suresnes à Florensac, les primes d’assiduité et les bonifications pour présence font depuis quelques temps la une des médias. Dans le but non caché de lutter contre l’absentéisme de leurs agents, certaines collectivités ont mis en place des systèmes de prime visant à réduire la rémunération des agents au prorata de leur absence voire à augmenter celle des agents présents. Explications.

La prime d'assiduité est-elle légale ?
Mathilde Peraldi Avocat Mathilde Peraldi, Avocat

Sur ce point, il y a lieu de distinguer deux situations :

– Le fait de diminuer ou supprimer une prime de fonction au regard du nombre d’absence d’un agent, en pratique il s’agit de la possibilité d’instituer comme critère de modulation d’une prime le nombre de jours d’absence d’un fonctionnaire ;

– Le fait d’attribuer d’une bonification, c’est-à-dire une rémunération supplémentaire au titre du présentéisme ou de l’assiduité.

C’est cette dernière hypothèse qui est au cœur des débats. Mais pour bien la comprendre, il est utile de revenir sur les principes de base de l’allocation des primes et de la possibilité de les supprimer ou de les réduire en cas d’absence.

1. Brefs rappels sur le régime des primes

En premier lieu, il convient de revenir sur le système des primes tel qu’institué par le décret fondateur en la matière du 6 septembre 1991.

Il existe deux sortes de primes, les primes forfaitaires et les primes liées à l’exercice effectif des fonctions. Alors que la prime forfaitaire ne peut pas être modulée puisqu’elle constitue un élément du traitement, il peut en aller différemment s’agissant des primes liées à l’exercice des fonctions.

La légalité de l’institution d’une prime par un employeur public, répond à deux conditions : respecter le principe de légalité et le principe de parité.

En effet application de l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983, la collectivité ne peut instituer une prime qu’à la condition qu’elle soit créée par un texte législatif ou règlementaire :

« Considérant que l’indemnité créée au profit des agents départementaux des services administratifs du département par la délibération attaquée présente le caractère d’un complément de traitement qui ne pouvait, en l’absence de texte législatif ou réglementaire le prévoyant, être légalement institué par délibération du conseil général » (CE, 28 novembre 1990, n°77175).

Et s’agissant du principe de parité, l’article 2 du décret du 6 septembre 1991 de prévoir que :

« Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales […] ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l’État exerçant des fonctions équivalentes ».

2. Sur la possibilité de diminuer ou de supprimer une prime de fonction en cas d’absence des agents

Dans cette hypothèse, il est question de la possibilité pour une collectivité locale de réduire ou supprimer une prime de fonction ou de fin d’année en cas d’absence du fonctionnaire au prorata de ces jours d’absence. Il s’agit donc de la possibilité de prévoir comme critère de modulation des primes le nombre de jours d’absence d’un agent.

Cette possibilité est reconnue depuis de nombreuses années (CE, 14 juin 1995, n° 146301). Sur cette question, le Conseil d’État illustre sa jurisprudence traditionnelle en rappelant que certaines primes de fonction peuvent être réduites voir supprimées aux agents en cas d’absence faisant donc obstacle à l’exercice effectif des fonctions :

« qu’il ne résulte pas des dispositions précitées, ni d’aucune autre disposition législative ou réglementaire, que les primes instituées par le conseil d’administration et dont il appartient au directeur de l’office de fixer le taux applicable à chaque agent, pouvaient être versées aux agents de l’office indépendamment de l’exercice effectif de leurs fonctions » (CE, 11 septembre 2006, n° 252517).

Dans cette affaire, même si cela ne ressort pas expressément d’un considérant, les primes allouées par l’OPHLM d’Aubervilliers sont prévues par décret et respectent en l’espèce le principe de parité.

C’est en effet le cas de la prime de l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires instituée par le décret n° 2002-63 du 14 janvier 2002 relatif à l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des services déconcentrés ou encore de l’indemnité pour horaire pour travaux supplémentaires instituée par le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires.

S’il est possible de réduire une prime ou de la supprimer au prorata des absences d’un agent, qu’en est-il de la possibilité pour un employeur public de prévoir une bonification donc une rémunération supplémentaire en cas de « non-absence » au regard des deux principes de parité et de légalité.

3. Sur les primes d’assiduité

Il s’agit de l’institution par une collectivité locale d’une nouvelle prime et non de la mise en place de critère de modulation liée à l’absence sur des primes existantes.

À ma connaissance le Conseil d’État ne s’est pas encore prononcé sur ce point. Néanmoins, une réponse ministérielle eu l’occasion de préciser, s’agissant de l’institution d’une prime de présence à Montpellier, que :

« Dès lors que « la prime de présence » instituée par la ville de Montpellier constitue non pas une nouvelle indemnité mais une modalité de répartition, fixée par l’assemblée délibérante, s’inscrivant dans la limite du dispositif indemnitaire de référence des personnels des préfectures, elle ne paraît pas comporter d’illégalité sur le principe » (Question écrite n° 19318 et réponse écrite publiée dans le JO du Sénat du 27 janvier 2000).

De la même manière,  la Cour administrative d’appel de Marseille a estimé, s’agissant de l’institution d’une bonification financière de 100 euros pour tous les agents n’ayant eu aucune journée de congé de maladie ordinaire, congé de longue maladie etc. durant un an, que :

« qu’une telle prime, dont ne bénéficient pas les fonctionnaires de l’État, méconnaît, de ce fait, ainsi que l’a jugé à bon droit le tribunal, les dispositions précitées de l’article 1er du décret susvisé du 6 septembre 1991 ; qu’ainsi, en tant qu’elle a cet objet, la délibération est illégale » (CAA Marseille, 6 mars 2013, n° 10MA02791)

À mon sens une telle bonification n’est pas possible dans la mesure où les principes de légalité et de parité évoqués ne sont pas respectés.

En effet, à ma connaissance, aucun texte législatif ou règlementaire n’a institué une bonification pour présence des agents, ce faisant, le principe de légalité ne semble pas respecté.

Le corolaire de l’absence de légalité des primes est l’absence de parité. En effet, en l’absence d’une loi ou d’un décret ayant créé une telle bonification, les fonctionnaires d’État n’y ont pas le droit, ce qui implique une rupture du principe de parité.

On attend donc avec impatience, la position du Conseil d’État sur ce sujet.

 

Mathilde Peraldi, Avocat


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