Analyse des spécialistes / Rémunération

Octroi d’une prime de treizième mois ou de fin d’année : des disparités dans la FPT

Publié le 25 avril 2023 à 13h45 - par

Les primes de fin d’année ou de treizième mois ne peuvent être accordées par les employeurs territoriaux que dans les conditions très limitées de l’article L. 714-11 du Code général de la fonction publique (CGFP) (anc. art. 111 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984). Le point sur les situations hétérogènes existantes en matière de prime de treizième mois ou de fin d’année dans la fonction publique territoriale.

Octroi d'une prime de treizième mois ou de fin d’année : des disparités dans la FPT
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Pour rappel, l’encadrement de la liberté de l’employeur territorial en matière de rémunération et de régime indemnitaire par la loi du 26 janvier 1984 a conduit à l’impossibilité d’instaurer de telles primes.

Le législateur a toutefois pris en compte le fait que de nombreuses collectivités avaient institué des compléments de rémunération, du type des primes de fin d’année ou de treizième mois, versées par l’intermédiaire d’organismes à vocation sociale.

Ainsi, l’article L. 714-11 CGFP prévoit une dérogation aux dispositions de l’article L. 714-4 CGFP en maintenant ces avantages collectivement acquis ayant le caractère de complément de rémunération, dès lors qu’ils ont été institués avant la date de publication de la loi, soit le 27 janvier 1984, et inscrits au budget de la collectivité.

Passé cette date, les employeurs territoriaux n’ont pas la possibilité de créer de nouveaux régimes dérogatoires (voir par ex. CAA de Bordeaux, 25 février 2016, n° 14BX01689 et CDBF, 30 septembre 2021, n° 252-852) ; ce qui exclut toutes les nouvelles structures qui sont apparues postérieurement à la mise en place du statut.

Avec les évolutions institutionnelles, l’application de cette logique de conservation des acquis de l’article L. 714-11 du CGFP a introduit une disparité de traitement entre fonctionnaires selon leur date ou voie d’entrée dans l’administration territoriale, et ce d’autant plus que ces avantages n’ont pas à respecter l’exigence de parité avec les corps de l’État et viennent s’ajouter au régime indemnitaire.

Ces disparités ont aussi été mises en lien avec la baisse d’attractivité de la fonction publique territoriale. Un groupe de sénateurs a déposé une proposition de loi visant à lever les freins à l’octroi d’une prime de treizième mois (Texte n° 639 (2021-2022) de Mme Sylviane Noël et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 30 mai 2022).

Quelques mois plus tard, M. Didier Lemaire a appelé l’attention du ministre de la Transformation et de la fonction publiques sur les situations hétérogènes que rencontrent nombre d’employeurs territoriaux en matière de treizième mois ou de prime de fin d’année (Question publiée au JOAN le 8 novembre 2022, p. 5 200).

Le 24 janvier 2023, invité à prendre position sur l’éventualité d’ouvrir de nouveau la possibilité pour les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics d’instituer par délibération une prime de treizième mois, le ministre a répondu par la négative (Réponse à la question n° 2964 publiée au JOAN le 24 janvier 2023).

Fort du caractère dérogatoire du dispositif existant, il a refusé de remettre en cause la rédaction de l’article L. 714-11 du CGFP, la diminution de l’attractivité de la fonction publique territoriale et l’existence de différences de traitement auprès d’un même employeur territorial ne lui paraissant pas des raisons pertinentes.

Il a ainsi écarté l’idée de faire de la prime de treizième mois dans la fonction publique territoriale un levier d’attractivité, cette question de l’attractivité devant trouver une réponse globale dans la réforme des parcours, des carrières et rémunérations dont les travaux ont débuté.

Par ailleurs, le ministre a rappelé qu’il pouvait être remédié aux situations hétérogènes existantes par l’intermédiaire du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP).

Selon lui, ce régime « offre dès à présent aux employeurs territoriaux une certaine souplesse pour y procéder compte tenu d’une part, de sa structuration en deux parts modulables (l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise [IFSE] et le complément indemnitaire annuel [CIA]) et d’autre part, de ses plafonds globaux élevés définis pour les différents corps de la fonction publique de l’État équivalents aux cadres d’emplois de la fonction publique territoriale ».

La position du ministre n’est guère surprenante au regard de précédentes réponses ministérielles (voir Rép. min. n° 98440 JOAN 7 février 2017, p. 116 [Question de J-M Tétart] ; Rép. min. n° 7058 JOAN 12 juin 2018 [Question de R. Juanico]).

Deux pistes sont avancées.

La première consiste, pour les agents ne bénéficiant pas d’avantages collectivement acquis, à prévoir un régime indemnitaire différent, dans la limite du plafond global du régime indemnitaire des fonctionnaires de l’État exerçant des fonctions équivalentes.

La seconde passe par la mise en place d’un nouveau régime indemnitaire. Il s’agirait d’intégrer dans le RIFSEEP une somme équivalente aux avantages collectivement acquis, à condition de ne pas instituer une somme distincte des composantes du régime indemnitaire.

L’employeur territorial pourrait moduler la répartition annuelle des versements en prévoyant d’attribuer à chaque agent une part plus importante en fin d’année.

Corrélativement, l’employeur territorial devrait abroger les avantages collectivement acquis, dès lors que le nouveau régime indemnitaire est au moins équivalent au cumul de l’ancien régime indemnitaire et des avantages de l’article L. 714-11 du CGFP, le juge administratif n’accordant pas de caractère définitif au maintien de ces avantages (CE, 21 mars 2008, Cne de Bergheim, req. n° 287771).

Il reste que ces solutions peuvent être difficiles à mettre en place.

Indépendamment de l’état des finances publiques, un lissage des situations hétérogènes peut se heurter aux plafonds imposés, ainsi qu’à la nature des composantes du RIFSEEP (v. décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 applicable). En effet, le CIA ne peut être assimilé à un treizième mois dès lors que son montant est susceptible de varier chaque année, en fonction de l’engagement professionnel et de la manière de servir. Son montant ne peut donc pas être garanti. Quant à l’IFSE, son versement est mensuel ; ce qui n’a pas le même impact que le versement d’un treizième mois. Enfin, certains cadres d’emplois ne bénéficient pas du RIFSEEP et relèvent toujours des régimes indemnitaires précédents, comme la filière police municipale.

La « refonte » prochaine des rémunérations permettra sans doute de contourner les difficultés induites par le maintien de ces avantages collectivement acquis. Affaire à suivre…

Thomas Cortès, Avocat, Docteur en droit chez HMS Avocats et Hugo Tastard, Avocat chez HMS Avocats

Auteurs :

Thomas Cortès

Thomas Cortès

Avocat, Docteur en droit

Hugo Tastard

Hugo Tastard

Avocat chez HMS Avocats


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