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Faut-il généraliser l’armement des policiers municipaux ?

Publié le 18 janvier 2023 à 11h00 - par

Dans une décision du 28 décembre 2022, le Conseil d’État a rejeté la requête d’un syndicat qui demandait la généralisation du port d’arme pour les policiers municipaux. Dans un contexte où 53 % des policiers municipaux seraient dotés d’une arme à feu1, la question de la nécessité de généraliser l’armement des policiers municipaux demeure récurrente. Elle s’est notamment posée après deux agressions de policiers municipaux à Marseille et à Argelès-sur-Mer.

Faut-il généraliser l'armement des policiers municipaux ?
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Dans un courrier en date du 15 décembre 2020, l’union syndicale professionnelle des policiers municipaux a saisi le ministre de l’Intérieur d’une demande tendant à ce qu’il prenne les mesures visant à doter tous les policiers municipaux qui le souhaitent d’une arme à feu dans le cadre des missions de surveillance auxquelles ils sont susceptibles d’être affectés.

Le ministre de l’Intérieur ayant gardé le silence, une décision implicite de rejet est née et a été contestée par le syndicat. En effet, il a saisi le tribunal administratif pour faire annuler cette décision et pour enjoindre le ministre à prendre les mesures permettant à l’ensemble des policiers municipaux qui le souhaitent d’être dotés d’une arme à feu, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 13 novembre 2020.

Constatant la compétence du Conseil d’État, le tribunal administratif de Paris lui a transmis, en application de l’article R. 351-2 du Code de justice administrative2, la requête présentée par l’Union syndicale professionnelle des policiers municipaux.

1. La réglementation du port d’arme

Premièrement, le Conseil d’État rappelle le premier alinéa de l’article L. 511-5 du Code de la sécurité intérieure qui dispose que : « les agents de police municipale peuvent être autorisés nominativement par le représentant de l’État dans le département, sur demande motivée du maire, à porter une arme, sous réserve de l’existence d’une convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l’État, prévue par la section 2 du chapitre II du présent titre ». En l’état actuel du droit, le préfet de département se prononce sur une demande motivée du maire pour un ou plusieurs agents nommément désignés. Il peut accorder une autorisation individuelle à un agent de porter une arme pour l’accomplissement de certaines missions. Le maire a l’obligation de préciser dans sa demande les missions habituellement confiées à l’agent ainsi que les circonstances de leur exercice. Il doit aussi joindre à cette demande un certificat médical datant de moins de quinze jours pour attester que l’état de santé physique et psychique de l’agent est bien compatible avec le port d’une arme.

Deuxièmement, le Conseil d’État considère que l’octroi d’une arme à feu à l’ensemble des agents de police municipale qui le souhaitent impliquerait de déroger au premier alinéa de l’article L. 511-5 du Code de la sécurité intérieure. En l’absence de disposition prévue par une norme, le Conseil d’État constate l’absence de normes pouvant justifier la demande du syndicat.

2. Le refus du Conseil d’État de se prononcer sur l’absence de dépôt d’un texte tendant à généraliser le port d’arme à feu

Premièrement, face à la demande du syndicat, le Conseil d’État considère que celle-ci « doit être regardée comme demandant l’annulation de la décision implicite de refus née du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant à ce que soit soumis au Parlement un projet de loi permettant à l’ensemble des policiers municipaux d’être équipés d’une arme à feu ».

Deuxièmement, le Conseil d’État considère que le refus du Gouvernement de soumettre un projet de loi au Parlement n’est pas de la compétence du Conseil d’État. Le refus de déposer un projet de loi n’est pas un acte administratif susceptible de contrôle juridictionnel. C’est sur ce fondement qu’il rejette la requête du syndicat.

La protection des agents publics est tout aussi importante que la prévention pour empêcher la criminalité. C’est cet équilibre – parfois très instable – que les pouvoirs publics ont vocation à chercher pour satisfaire l’intérêt général.

Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public


1. Polices municipales : des effectifs plus importants pour plus de missions, Vie publique, consultation le 13 janvier 2023

2. Art. R. 351-2 du Code de justice administrative : « Lorsqu’une Cour administrative d’appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu’il estime relever de la compétence du Conseil d’État, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d’État qui poursuit l’instruction de l’affaire. Si l’instruction de l’affaire révèle que celle-ci relève en tout ou partie de la compétence d’une autre juridiction, la chambre d’instruction saisit le président de la section du contentieux qui règle la question de compétence et attribue, le cas échéant, le jugement de tout ou partie des conclusions à la juridiction qu’il déclare compétente ».

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