Le statut des fonctionnaires, garant d’un service public impartial, a 70 ans

Publié le 19 octobre 2016 à 16h08 - par

Régulièrement remis en cause et particulièrement attaqué par certains candidats de droite à la présidentielle, le statut des fonctionnaires, 70 ans cette semaine, garantit toujours un service public impartial, avec des agents préservés de toute pression partisane.

Le statut des fonctionnaires, garant d’un service public impartial, a 70 ans

Au lendemain de la Seconde guerre mondiale et du régime de Vichy, le gouvernement de l’époque veut protéger le fonctionnaire de l’arbitraire et éviter l’instrumentalisation de l’administration par un pouvoir politique quelconque.

Instauré par la loi du 19 octobre 1946, à l’initiative du ministre communiste Maurice Thorez, le premier statut général de la fonction publique moderne ne concerne alors que les fonctionnaires de l’État. À la différence du salarié du privé, le fonctionnaire est investi d’une mission d’intérêt général qui lui confère des devoirs et droits particuliers.

Le statut consacre notamment le recrutement par concours et l’égalité des sexes, prévoit le cadre juridique des rémunérations, l’organisation des carrières dans les différents niveaux de qualification, ainsi que l’institution d’un régime spécifique de sécurité sociale et d’un nouveau régime de retraites.

En 1983, sous l’égide d’un autre ministre communiste, Anicet Le Pors, il est élargi aux fonctions publiques territoriale (FPT) et hospitalière (FPH), jusqu’alors régies par d’autres textes.

Fin 2014, sur les 5,6 millions de salariés des trois versants de la fonction publique, les fonctionnaires représentaient 62 % des agents dans la FPE, 74 % dans la FPT et 71 % dans la FPH, selon l’Insee.

Pour ses détracteurs – à droite sur l’échiquier politique mais pas seulement, comme en témoigne la controverse née en 2015 de propos de l’ancien ministre de l’Économie Emmanuel Macron -, le statut est surtout synonyme d’une sécurité de l’emploi qui n’a pas lieu d’être, assortie d’un coût élevé pour les finances publiques. On lui reproche aussi de favoriser une certaine inertie.

Bruno Le Maire (Les Républicains) veut le réserver « à ceux qui ont besoin d’une certaine indépendance », comme les policiers ou les personnels de justice. Pour Nathalie Kosciusko-Morizet (Les Républicains), « seuls les magistrats doivent bénéficier d’un statut protecteur ».

Mais pour ses défenseurs, si le statut implique des droits, dont la garantie de l’emploi, il impose aussi des devoirs, comme la probité ou la neutralité. Pilier de la démocratie, il est le garant pour le citoyen d’un traitement égal et impartial parce qu’il protège le fonctionnaire des pressions de toutes sortes.

Nécessaire modernisation

Ce qui ne serait pas le cas si les agents étaient recrutés directement par les élus, au risque de voir se multiplier des « affaires » liées à la passation de marchés publics par exemple, soulignent ses avocats.

Les mêmes s’inquiètent aussi des risques supplémentaires d’un tel cas de figure pour la diversité dans la fonction publique, déjà difficile à respecter.

Aux avantages supposés des fonctionnaires, ils opposent aussi les contraintes liées à leurs missions : déplacements (par exemple pour les CRS envoyés d’un bout de la France à l’autre), davantage de travail dominical (36 % des fonctionnaires concernés contre 25 % dans le privé selon le rapport Laurent sur le temps de travail) et nocturne (17,5 % contre 14,9 %).

Pour autant, la défense du statut n’empêche pas son évolution et sa nécessaire modernisation. Selon la ministre de la Fonction publique Annick Girardin, des progrès restent à faire en matière de temps de travail ou de conditions de départ vers le privé de très hauts fonctionnaires.

Promulguée en avril, la loi sur la déontologie des fonctionnaires, sans revenir sur les principes fondateurs du statut, a complété la loi du 13 juillet 1983 en ajoutant « le respect du principe de laïcité » ou le fait qu’un fonctionnaire exerce ses fonctions avec « dignité, impartialité, intégrité et probité ». L’un de ses objectifs est aussi de mieux prévenir les conflits d’intérêt.

Le statut, « ce n’est pas seulement la solidité de l’État, c’est la solidité de la Nation », avait déclaré l’ancienne ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, en réponse à son collègue d’alors Emmanuel Macron.

par Sandra LACUT / Sabine PRADELLA

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