Le Sénat lance une nouvelle alerte sur le danger des ponts gérés par les petites collectivités

Publié le 29 juin 2022 à 7h30 - par

Plus de 23 000 ponts du bloc communal sont en mauvais état et leur remise en état pourrait s’avérer très coûteuse, selon le Sénat qui pointe des moyens insuffisants, dispersés et peu lisibles. Il demande la création d’un fonds d’aide aux collectivités doté d’1,3 milliard d’euros sur dix ans.

Le Sénat lance une nouvelle alerte sur le danger des ponts gérés par les petites collectivités

Il y aurait entre 200 000 et 250 000 ponts routiers sur le territoire : impossible de connaître leur nombre avec précision. Neuf sur dix sont gérés par les communes, EPCI et départements. Ces ouvrages ne font pas l’objet d’un suivi régulier ; 30 000 à 35 000 seraient en mauvais état structurel et leur dégradation et les problèmes de sécurité qu’elle entraîne sont particulièrement préoccupants, surtout pour les plus petites collectivités. Entretenir et réparer un pont représente une charge potentielle souvent hors de proportion pour les petites communes et les petits EPCI. C’est ainsi le « chantier du siècle », pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat qui pointe « l’urgence d’une action publique plus ambitieuse » et évalue les travaux de réparation des quelque 23 000 ponts gérés par le seul bloc communal entre 2,2 et 2,8 milliards d’euros.

Le Sénat qui avait déjà formulé plusieurs propositions dès 2019, dont certaines ont été mises en œuvre depuis, regrette cependant que les moyens déployés ne soient pas à la hauteur des enjeux « pour enrayer la spirale de dégradation » des ouvrages gérés par les collectivités. Ainsi, le programme national ponts (PNP) du 15 décembre 2020*, dont bénéficient 11 540 communes métropolitaines volontaires grâce auquel 40 000 ouvrages d’art doivent être recensés et évalués, est sous-financé. Seuls 40 millions d’euros sont prévus alors qu’il devait initialement être doté de 60 millions d’euros, et que le Sénat avait identifié les besoins à 100 millions d’euros par an. « Le retard accumulé depuis 2020 s’élève déjà à 350 millions d’euros », souligne la commission. Seuls 300 à 500 ouvrages parmi les plus sensibles devraient donc pouvoir bénéficier d’une étude approfondie, soit seulement 3 % des plus dégradés. Il faudrait plus de 90 millions d’euros pour une évaluation approfondie de tous les ponts soulevant des difficultés majeures, sur les 11 540 communes couvertes par le PNP seulement. Au 1er mars, plus de 14 000 ouvrages avaient été visités sur le terrain par les prestataires et les données de plus de 10 000 d’entre eux transmises au Cerema pour vérification.

Et surtout, aucun financement n’est prévu pour aider les collectivités à réparer et reconstruire leurs ponts routiers. Si certaines (en particulier les départements) ont accru leurs dépenses d’entretien des ouvrages d’art depuis 2019, elles ne peuvent pas affronter ce défi sans le soutien de l’État, précise la commission qui préconise de créer un fonds pérenne pour accompagner les collectivités dans la surveillance, l’entretien et la réparation de leurs ouvrages d’art. Doté de 350 millions d’euros pour rattraper le retard accumulé depuis 2020 et abondé de 130 millions d’euros par an pendant dix ans – 1,3 milliard d’euros au total -, il permettrait d’effectuer un diagnostic de l’ensemble des ponts des communes et des intercommunalités d’ici cinq ans et de remettre en état les ponts des collectivités en mauvais état d’ici dix ans. Le Sénat considère que les critères d’attribution de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) devraient aussi permettre de financer des études de sécurisation d’ouvrages d’art constituant un danger imminent.

Le Sénat propose aussi de conforter le Cerema dans la conduite du PNP, de pérenniser ce plan et de simplifier l’accès des collectivités à des prestations de conseils techniques et financiers, de créer d’ici 2025 un système d’information géographique (SIG) national unique pour recenser l’ensemble des ponts et orienter le trafic routier, le cas échéant, en cas de problème de sécurité. Il préconise également d’intégrer les dépenses de maintenance des ouvrages d’art dans la section investissement des budgets des collectivités pendant une période transitoire de dix ans à compter de 2023, de définir un cadre juridique global pour faire face à ce chantier et de planifier l’entretien et la réparation dans la durée.

Il n’existe aucune réglementation sur la gestion et l’entretien des ponts dont chaque collectivité gestionnaire de voirie détermine les modalités librement. La grande majorité des communes et petites intercommunalités ne sont pas équipées pour assurer ces missions : 90 % des élus du bloc communal interrogés par le Sénat ont indiqué ne pas disposer des ressources techniques et humaines en interne.

Marie Gasnier

* porté par l’Agence nationale de cohésion des territoires et piloté par le Cerema, qui s’inscrit dans le dispositif France Relance.

Outre le PNP, la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) peuvent être mobilisées. La Banque des territoires a également mis en œuvre un plan complémentaire (ingénierie, dispositif de gestion prédictive des infrastructures, offres de prêts de long terme avec une enveloppe globale de 2 milliards d’euros, possibilité de passer des marchés de partenariats avec des sociétés de projet spécifiques).

Sur les 14 000 ouvrages du bloc communal visités dans le cadre du programme national ponts :

  • 23 % (environ 2 360 ouvrages) présentent des défauts significatifs ou majeurs qui pourraient nécessiter des investigations complémentaires ;
  • 13 % (environ 1 280 ouvrages) présentent des problèmes de sécurité impliquant une action immédiate.

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