Moins de voitures à la campagne, le difficile pari des intercommunalités

Publié le 16 octobre 2023 à 9h00 - par

Quelles alternatives à la voiture en milieu rural et comment lutter contre les inégalités d’accès à la mobilité ? Désormais fortes de cette nouvelle compétence, certaines communautés de communes rivalisent d’imagination pour proposer des modes de déplacement plus solidaires et moins carbonés, malgré les sceptiques.

Moins de voitures à la campagne, le difficile pari des intercommunalités
© Par Montri - stock.adobe.com

Depuis deux ans, la moitié des intercommunalités situées en zone rurale se sont emparées de la loi d’orientation des mobilités (LOM) pour proposer d’autres manières de se déplacer au quotidien.

Après des décennies d’investissements dans les grands projets d’infrastructures, l’État passe le relais aux collectivités pour créer des connexions plus fines entre les modes de transport existants, voire en inventer. L’objectif étant aussi de parvenir à atteindre la neutralité carbone en 2050.

« Aujourd’hui, nous commençons par mutualiser le transport carboné grâce au covoiturage. Le matériel roulant est déjà là puisqu’il suffit de remplir les voitures pour lutter contre l’autosolisme (le fait d’être seul dans son automobile) », souligne Jean-Yves Brenier, président de la communauté de communes des Balcons du Dauphiné, en périphérie de Lyon, qui va lancer un service de covoiturage universel.

« Nous allons rémunérer le conducteur de 2 euros à 3,50 euros par trajet dans la limite de 35 km, et assurer la gratuité pour le passager », précise-t-il.

L’intercommunalité a déjà mis en place un service de « covoiturage actif » avec des lignes prédéfinies reliées à un parc industriel et desservies par des arrêts, ainsi qu’une navette de ramassage pour garantir au voyageur qu’il ne restera pas sur le carreau.

« On sait tous qu’il n’y a pas de solution magique à la campagne, alors on agit par petites touches en multipliant les possibilités », poursuit M. Brenier, qui développe aussi « le vélo » et pour qui « l’immobilité grâce au télétravail fait aussi partie des réponses ».

Entre Le Havre et Rouen, la communauté d’agglomération Caux Seine agglo envisage elle d’utiliser une ligne de fret, où le train ne circule que cinq fois par semaine, pour y installer une navette sans conducteur d’une capacité de 40 à 120 passagers.

« Deux France »

« Nous allons travailler avec la SNCF pour cadencer les horaires avec le train Le Havre-Paris, d’autant que nous attendons 1 000 emplois avec l’arrivée de nouvelles usines et que les problèmes de mobilité sont un vrai frein au retour à l’emploi », explique sa présidente Virginie Carolo-Lutrot.

En Centre-Val-de-Loire, la région a conservé la compétence sur les mobilités du quotidien, « car la majorité des petites communautés rurales n’avait pas les moyens financiers de l’exercer », justifie Philippe Fournié (PS), vice-président aux mobilités.

La région s’apprête à lancer un service d’autopartage de véhicules électriques et développe aussi du transport à la demande vers « des marchés, des maisons France Services, ou des représentations culturelles ».

Mais ces initiatives se heurtent à un certain scepticisme. « Dès qu’on parle voiture, on a deux France qui ne se comprennent plus, celle des métropoles qui dispose de modes de transports alternatifs performants, et celle des zones rurales », commente Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem.

« Notre temps est minuté et nos vies compliquées s’adaptent mal au covoiturage, car elles ne se résument pas à des déplacements domicile-travail », poursuit-il.

Certains élus mettent aussi en cause le désengagement de l’État. « La ligne de train Bordeaux-Lyon a été supprimée alors qu’on met des centaines de millions d’euros dans une autoroute pour gagner 20 minutes », fustige Éric Correia, président du Grand Guéret (Creuse).

« On nous demande de réfléchir à la mobilité décarbonée, mais nous sommes condamnés à la voiture et à de petites solutions », ajoute-t-il.

Pour Aurélien Bigo, chercheur sur la transition écologique, l’une des solutions pourrait venir de véhicules intermédiaires, tels les vélos-voitures ou les vélomobiles. « Très souvent, on déplace une seule personne dans une voiture de cinq places. Développer des véhicules plus petits et plus sobres permettrait de répondre aux besoins », plaide-t-il.

Une autre solution souvent évoquée consiste à repenser l’aménagement du territoire, ce à quoi s’exerce Pauline Godet, présidente de la communauté de communes Bugey Sud, en « faisant revenir un minimum de services et de commerces dans les petites villes pour limiter les déplacements dans les grandes ».

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