Pas de droit à la protection fonctionnelle en cas de faute grave personnelle détachable de l’exercice des fonctions
En l’espèce, un directeur d’hôpital avait fait l’objet d’une condamnation pénale pour des faits, commis au cours de ses fonctions, de soustraction, détournement ou destruction de biens d’un dépôt public par le dépositaire ou ses subordonnés, de faux et usage de faux dans un document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, ou accordant une autorisation, et atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats dans les marchés publics. Il lui était notamment reproché d’avoir signé et pour une durée indéterminée un contrat avec une société portant sur l’animation de l’espace culturel au sein de l’établissement d’un montant annuel de 100 000 euros en méconnaissance des règles de la commande publique, société dont il était par ailleurs devenu actionnaire à hauteur de 10 % du capital. Le fonctionnaire avait sollicité auprès de son administration le bénéfice de la protection fonctionnelle à raison des faits ayant donné lieu à des poursuites pénales. Sa demande rejetée, il demandait l’annulation de cette décision devant le juge administratif et le remboursement de ses frais d’avocat. La Cour administrative d’appel rappelle que, pour rejeter la demande d’un fonctionnaire qui sollicite le bénéfice de la protection fonctionnelle, l’autorité administrative peut exciper du caractère personnel détachable du service de la ou des fautes qui ont conduit à l’engagement de la procédure pénale, sans attendre l’issue de cette dernière. Elle se prononce au vu des éléments dont elle dispose à la date de sa décision en se fondant, le cas échéant, sur ceux recueillis dans le cadre de la procédure pénale. Par suite, l’administration a pu légalement statuer sur la demande de protection fonctionnelle du requérant, alors même qu’il avait interjeté appel du jugement du tribunal correctionnel, l’intéressé ne pouvant utilement se prévaloir à ce titre de la méconnaissance de l’autorité de la chose jugée ou de la présomption d’innocence. Compte tenu de la particulière gravité des irrégularités commises pendant plusieurs années dans l’exercice de ses fonctions de direction caractérisant notamment la mise en place d’un système visant à accorder des faveurs financières de façon systématique à un certain nombre de ses subordonnés, ces faits sont constitutifs de fautes personnelles détachables de l’exercice de ses fonctions justifiant la décision de rejet de sa demande de protection fonctionnelle.
La protection ne s’applique pas non plus dans le cadre d’une action devant la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF)
Le directeur avait également été condamné à verser 1 000 euros d’amende pour les irrégularités commises en sa qualité d’ordonnateur du centre hospitalier par un arrêt de la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) en date du 20 janvier 2021. Il demandait le remboursement des frais d’avocat relatif à cette action devant cette juridiction spéciale de l’ordre administratif. Cette demande est également rejetée par le juge administratif d’appel. En effet, il résulte des dispositions de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 que l’administration doit accorder une protection à ceux de ses agents qui font l’objet de poursuites pénales à raison de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle détachable de l’exercice de leurs fonctions. Dès lors que les amendes infligées par la CDBF n’ont pas le caractère d’une sanction pénale, la protection fonctionnelle ne saurait être accordée à un agent faisant l’objet d’une procédure devant cette juridiction sur le fondement des articles L. 312-1 et suivants du Code des juridictions financières dans leur version en vigueur à la date de la décision en litige. Par suite, le fonctionnaire ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 s’agissant des faits ayant conduit à sa condamnation par la CDBF.
Dominique Niay
Texte de référence : CAA de Douai, 2e chambre, 25 juin 2025, n° 23DA02156, Inédit au recueil Lebon
