Pour mémoire, cet accord a été négocié entre les représentants des employeurs territoriaux membres de la « Coordination des employeurs publics territoriaux » et les organisations syndicales représentatives au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT). Si cette proposition de loi n’a pas encore été définitivement adoptée, il convient de s’intéresser dès à présent aux mesures qu’elle contient afin d’anticiper les obligations qui s’imposeront le cas-échéant à l’ensemble des employeurs publics territoriaux.
La généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire
Depuis le 1er janvier 2025, les employeurs publics territoriaux doivent participer à la couverture en matière de Prévoyance lourde (incapacité, invalidité, décès) de leurs agents, à hauteur d’au moins 7 euros par mois. Les contrats d’assurance qui font l’objet de cette participation peuvent être individuels ou collectifs. En l’absence d’accord valide conclu au niveau local prévoyant une adhésion obligatoire des agents au contrat collectif souscrit par leur employeur, ces derniers demeurent libres de se couvrir ou non, soit en adhérant au contrat collectif d’assurance à adhésion facultative conclu en vertu d’une convention de participation par leur employeur, soit en souscrivant à une offre labellisée commercialisée par l’organisme assureur de leur choix si leur employeur n’a pas souhaité mettre en place de contrat collectif.
Les articles 1 et 2 de la proposition de loi adoptée par le Sénat, conformément à l’article 1.1.2. de l’accord du 11 juillet 2023, viennent modifier le Code général de la fonction publique pour imposer à l’ensemble des employeurs publiques territoriaux la souscription de contrats collectifs à adhésion obligatoire en matière de Prévoyance lourde. L’entrée en vigueur de cette mesure conduira donc à la fin des contrats d’assurance labellisée en Prévoyance lourde.
Comme à chaque réforme, il faut s’attendre à ce que la mise en œuvre de cette nouvelle obligation par les employeurs publics territoriaux soulève des difficultés juridiques et opérationnelles semblables à celles qu’ont connu les entreprises privées lors de la généralisation en 2016 des contrats Frais de santé. En effet, s’il est vrai que certains employeurs publics territoriaux ont d’ores et déjà mis en place des contrats collectifs à adhésion obligatoire pour la couverture de leurs agents, cela s’inscrivait dans une démarche volontaire. Afin de faire face à ces difficultés, les employeurs publics territoriaux pourront s’appuyer sur les centres de gestion, lesquels ont l’obligation en application de l’article L. 827-7 du Code général de la fonction publique de leur proposer des contrats collectifs. Ils pourront également décider de recourir à des assistances à maîtrise d’ouvrage dans la mise en place des contrats.
Quoiqu’il en soit, la couverture des agents publics territoriaux dans le cadre de contrats collectifs à adhésion obligatoire permettra une meilleure mutualisation des risques et favorisera la solidarité intergénérationnelle.
Une augmentation de la participation minimale des employeurs
Au-delà du caractère obligatoire des contrats d’assurance, l’article 3 de la proposition de loi redéfinit la participation financière minimale des employeurs publics territoriaux à ces contrats. À ce titre, il établit cette participation à la moitié du montant de la cotisation prévue au titre du contrat collectif d’assurance obligatoire. Jusqu’à présent, la participation forfaitaire de 7 euros par mois correspond à 20 % d’un montant de référence fixé par le décret du 20 avril 2022.
En indexant la participation patronale sur la cotisation réelle du contrat, cette mesure conduira en pratique à une hausse de la participation des employeurs publics au regard du coût moyen d’un contrat de Prévoyance lourde. Les services de l’État ont d’ailleurs chiffré à plus d’un demi-milliard d’euros cette dépense nouvelle pour les collectivités territoriales.
Un encadrement a minima des cas de successions d’organismes assureurs
L’article 4 de la proposition de loi porte sur une thématique très technique mais non sans intérêt pour les employeurs publics et leurs agents ; la prise en charge des suites des états pathologiques antérieurs. Par expérience, ce sujet est source de contentieux, notamment en cas de successions d’organismes assureurs. Effectivement, il arrive que les deux organismes assureurs refusent leur prise en charge, conduisant l’agent et/ou la collectivité territoriale à faire trancher le litige en justice, ce qui retarde d’autant l’indemnisation.
En l’occurrence, la disposition prévue dans la proposition de loi adoptée par le Sénat interdit à l’organisme assureur intervenant au titre du contrat collectif à adhésion obligatoire de refuser la prise en charge des suites des états pathologiques survenus antérieurement. Ce dernier ne pourra pas refuser, par exemple, d’indemniser un agent dont le sinistre serait lié à une maladie antérieure. Cette règle s’appliquera sous réserve de l’article 7 de la loi du 31 décembre 1989 dite loi « Evin » qui prévoit que la résiliation ou le non-renouvellement d’un contrat collectif (à adhésion facultative ou obligatoire) est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution. Dit autrement, sans entrer dans le détail des conditions d’application de l’article 7 et de la jurisprudence rendue en la matière, il faut retenir que dans certains cas, il reviendrait à l’ancien organisme assureur de prendre en charge le sinistre.
Pour renforcer la sécurité juridique du dispositif, dans la continuité de l’objectif des rédacteurs de la proposition de loi, l’un des amendements déposés à l’occasion des discussions au Sénat visait à traiter expressément de tous les cas de successions d’organismes assureurs afin de réduire le risque de contentieux futur. Bien que s’appuyant sur le droit positif, cet amendement à l’article 4 proposé n’a finalement pas été retenu.
La prise en compte des agents territoriaux en arrêt de travail
L’article 5 de la proposition de la loi instaure un régime dérogatoire pour les agents en arrêt de travail, ayant souscrit un contrat d’assurance individuel en Prévoyance lourde, lors de la prise d’effet du contrat collectif à adhésion obligatoire. Ces derniers auront le choix d’adhérer ou non au contrat collectif. L’obligation d’adhésion au contrat collectif ne sera opposable à l’agent concerné que s’il reprend l’exercice de ses fonctions pendant trente jours consécutifs au moins.
Un amendement adopté lors de l’examen de la proposition de loi est venu clarifier ce dispositif en prévoyant expressément que l’employeur public ou son mandataire se doit de proposer à l’agent concerné d’adhérer au contrat collectif avant l’expiration du régime dérogatoire.
En tout état de cause, les agents qui se prévaudront de la dérogation bénéficieront d’une participation financière de leur employeur dans les mêmes conditions financières que celles des agents territoriaux adhérant au contrat collectif obligatoire.
Une adoption définitive attendue
En espérant qu’une nouvelle dissolution ne vienne pas interrompre les travaux de l’Assemblée nationale, cette proposition de loi a été transmise pour examen à la chambre basse.
Sous réserve de son adoption définitive et sauf évolution ultérieure, la date d’entrée en vigueur de la généralisation des contrats collectifs et des nouvelles modalités de participation des employeurs publics a été reportée au 1er janvier 2029 par le Sénat. Dans sa rédaction initiale, l’article 6 de la proposition de loi prévoyait une entrée en vigueur au 1er janvier 2027. À date, une question se pose toutefois sur la date d’application de ces mesures au cas des employeurs publics territoriaux qui ont conclu une convention de participation qui sera en cours à la date de publication de la présente loi et dont le terme sera antérieur au 1er janvier 2029. Pour ces derniers, la rédaction actuelle du texte semble retenir une entrée en vigueur « à compter du terme de cette convention », ce qui pourrait donc conduire à une application des nouvelles obligations avant le 1er janvier 2029.
Maître Caroline Letellier, Avocat Associé, Maitre Kamel Boulacheb, Avocat, AVANTY Avocats
