Faut-il interdire la technique d’achat des accords-cadres pour les prestations de conseil et d’expertise ?

Publié le 14 avril 2022 à 9h40 - par

Dans une note du 6 avril 2022 pour « un cadre juridique et déontologique pour un recours vertueux de l’État aux cabinets de conseils », l’Observatoire de l’éthique publique prône une modification de la réglementation pour limiter le recours à l’accord-cadre pour les prestations de conseil externalisées et apportées aux administrations.

Faut-il interdire la technique d'achat des accords-cadres pour les prestations de conseil et d'expertise ?

Instrument de planification et d’assouplissement de la commande publique, l’accord-cadre est un contrat par lequel l’acheteur public s’engage à passer des marchés auprès du ou des titulaires de l’accord, pendant une période donnée, au fur et à mesure de ses besoins et pour des prestations déterminées. Aucune condition particulière de la réglementation du Code de la commande publique n’est imposée pour pouvoir recourir aux accords-cadres. Ils peuvent être conclus dans tous les domaines (travaux, fournitures, services courants, prestations intellectuelles). La philosophie de l’accord-cadre repose sur la possibilité d’ajuster la réponse aux besoins, à mesure de l’apparition de ceux-ci. Toutefois, dans une note du 6 avril 2022 pour « un cadre juridique et déontologique pour un recours vertueux de l’État aux cabinets de conseils », l’Observatoire de l’éthique publique prône une modification de la réglementation pour limiter le recours à l’accord-cadre pour les prestations de conseil externalisées et apportées aux administrations. En effet, les dépenses de conseil de l’État ont été de plus d’un milliard d’euros pour la seule année 2021 dont 893,9 millions pour les ministères. Face « aux abus » et aux situations problématiques, le rapport de l’Observatoire dresse une liste de 19 réformes qui permettraient de mieux encadrer le recours à l’externalisation.

Un recours au cabinet de conseil qui doit être mieux encadré

L’Observatoire fait le constat que l’État fait régulièrement appel à des cabinets de conseil ou d’expertise pour l’accompagner dans ses missions. L’objectif de l’externalisation est de réduire les coûts tout en accédant à une expertise renforcée. Ce phénomène n’est pas nouveau et présente un intérêt indéniable. Certaines pratiques révèlent toutefois des abus, lesquels appellent une réforme du cadre juridique applicable aux marchés d’expertise ou de conseil. Après les rapports de la Cour des comptes (2014), de l’Assemblée nationale (2022) et celui de la commission d’enquête du Sénat (2022), l’Observatoire de l’éthique publique a décidé de faire ses propres propositions, principalement axées sur une refonte du droit de la commande publique, pour améliorer le cadre juridique et le contrôle du recours aux cabinets de conseil.

En principe, lorsque les personnes publiques décident de « faire faire », elles peuvent poursuivre deux objectifs différents, lesquels peuvent se combiner. Il peut s’agir, en premier lieu, de la recherche d’une réduction des coûts. C’est le cas lorsque la personne publique considère que le coût de l’externalisation sera plus faible que celui d’une gestion directe. Il peut également s’agir, en second lieu, de faire appel à l’expertise de prestataires extérieurs lorsque la personne publique ne dispose pas des ressources humaines et matérielles nécessaires pour réaliser les tâches demandées. L’investissement public (en temps et en argent) pour acquérir de telles ressources serait trop important comparé au coût que représente le recours à un prestataire extérieur. À moins de considérer que la sphère publique devrait tout faire, l’externalisation apparaît donc comme un phénomène logique au sein d’un État libéral, le « faire faire » devant permettre de mieux faire.

Imposer une définition efficace des besoins dans le droit de la commande publique et une interdiction des accords-cadres

Les acheteurs sont tenus de réaliser une définition correcte et précise de leurs besoins avant le lancement de toute procédure de passation (CCP, art. L. 2111-1). Une mauvaise définition des besoins est susceptible de conduire à un choix arbitraire qui ne tienne pas compte des exigences concurrentielles. Pourtant, certains besoins sont plus délicats à définir que d’autres, à l’image des prestations de conseil. L’observatoire préconise un encadrement spécifique de la définition des besoins pouvant aller jusqu’à l’interdiction des accords-cadres pour ce type de prestations. En effet, la technique de l’accord-cadre peut conduire à une restriction abusive de la concurrence dans un secteur donné. Par le regroupement des achats, cette technique peut avoir pour conséquence de favoriser les « gros » opérateurs économiques, capables de répondre à de nombreuses sollicitations sur une période donnée. L’interdiction de principe des accords-cadres pourrait être tempérée par une exception qui admettrait le recours à l’accord-cadre lorsque celui-ci est justifié au regard d’un bilan clairement établi qui devrait être chiffré et publié. Enfin, l’Observatoire préconise la publicité et la mise en concurrence obligatoire dès le premier euro pour les marchés de prestations ou de conseil.

Source : « Un cadre juridique et déontologique pour un recours vertueux de l’État aux cabinets de conseils », Note #24, Observatoire de l’éthique publique, 6 avril 2022


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