Maîtrise d’ouvrage publique : comment réussir ses projets complexes ?

Publié le 24 mars 2023 à 9h50 - par

Le Cercle de la réforme de l’État, think tank dont les travaux portent sur les sujets de la réforme de l’État sous tous leurs aspects, a conduit une réflexion sur la Maitrise d’Ouvrage (MOA) des projets complexes.

Maîtrise d'ouvrage publique : comment réussir ses projets complexes ?
© Par Pakin - stock.adobe.com

Le cercle réunit 120 responsables de services centraux et déconcentrés de tous les secteurs de l’État, d’opérateurs et de services des collectivités territoriales et du secteur hospitalier ainsi que des magistrats, des acteurs de la société civile, des universitaires et des chercheurs de différentes disciplines et des experts des politiques publiques. L’objectif de l’étude est notamment d’essayer de comprendre les raisons des dérives de coûts sur certains grands projets publics.

La notion de projets complexes

Les projets complexes, tant nationaux que locaux, peuvent être de nature diverse : grandes infrastructures et équipements de toute nature, systèmes d’information et outils numériques, modification des missions, des processus et des services rendus aux usagers, grands évènements, etc. Il faut distinguer deux catégories de projets : ceux dont l’objet et les enjeux vont susciter une médiatisation intense, une visibilité certaine et une résonance auprès du grand public nécessitant un pilotage politique fort, et ceux dont la portée est plutôt interne à l’administration. Le caractère pluridisciplinaire du pilotage des projets par la diversité des métiers sollicités, le nombre de parties prenantes à coordonner et aligner, l’exposition médiatique et politique, l’ampleur du champ fonctionnel couvert, l’existence d’échéances impératives semblent des critères particulièrement déterminants.

Dans le contexte de projets « sensibles » et hautement politiques, le membre du Gouvernement ou l’élu en première ligne devra s’engager significativement sans pour autant se substituer à ses services dans un partage clarifié des responsabilités. Il assurera trois fonctions essentielles : donner le cap, communiquer avec toutes les parties et arbitrer. Ainsi, il donnera la vision, expliquera et portera les finalités du projet, se montrera à l’écoute de l’équipe projet, sera en capacité de rendre des arbitrages clairs et difficiles si nécessaire. Il ira sur le terrain au contact des utilisateurs et plus largement des personnes impactées. La réussite de certains projets complexes et sensibles qui ont été fortement portés par un responsable politique montre que cette préconisation ne relève pas du vœu pieux.

Trouver le point d’équilibre entre un besoin fonctionnel stable dans la durée, une capacité d’écoute et d’adaptation à un contexte évolutif

Pour réussir, les projets complexes doivent impérativement parvenir à stabiliser le besoin fonctionnel prescrit. Cela revient à éviter la remise en cause fréquente des arbitrages et résister aux pressions pour satisfaire un flux régulier de demandes nouvelles. Il convient pour autant de ne pas s’enfermer dans une rigidité qui isole la direction de projet, entretient les frustrations et suscite dans la durée des mécontentements voire des blocages. Les évolutions de contexte doivent aussi être prises en considération. Ce point est bien entendu particulièrement sensible pour les projets s’étalant par nature dans la durée. À titre d’exemple, les gros projets informatiques souffrent du rythme des évolutions de leur environnement technique et de leur urbanisation avec d’autres systèmes. La meilleure parade à ces injonctions contradictoires semble de formuler des objectifs initiaux clairs, d’en rappeler le bien-fondé dans la durée et d’encadrer leurs éventuels changements en définissant des procédures rigoureuses de modification des spécifications.

Se doter des compétences nécessaires pour piloter les projets dans leur complexité

Les métiers de MOA et de chef de projet ne sont pas suffisamment connus et reconnus. En termes de métier, les chefs de projets MOA doivent être distingués des experts et des managers. Le chef de projet MOA est un chef d’orchestre, fédérateur, médiateur, impulseur et à l’aise dans l’instauration de  relations fonctionnelles. Son aptitude à construire des équipes pluridisciplinaires est un gage de réussite pour comprendre et maitriser la complexité. Sa légitimité repose sur une connaissance métier et sur des qualités humaines. En cela, il se distingue d’une part de l’expert de haut niveau et d’autre part, du manager incarnant une relation hiérarchique. Si un chef de projet peut s’orienter vers l’une ou l’autre de ces postures selon ses aptitudes, la spécificité des compétences demandées dans l’exercice de la MOA est indéniable.

Source : « Réussir les projets complexes : un enjeu majeur d’efficacité de l’action publique et de cohésion sociale », Cercle de la réforme de l’État, mars 2023