En effet, d’après ce baromètre1, le nombre d’appels d’offres publié a diminué mais le montant de ces mêmes procédures est plus important au premier semestre 2022 par rapport à 2021. Cette situation s’explique très certainement par les premiers impacts de l’inflation sur l’achat public.
D’un point de vue géographique, il est intéressant de noter des disparités avec d’importantes augmentation en volume dans le Grand Est (+ 15,8 %), en Pays de Loire (+ 16,5 %) et en Nouvelle Aquitaine (+ 15,6 %) et des baisses en Martinique (- 7,8 %), en Centre Val de Loire (- 6,4 %) et Bretagne (- 3,7 %).
Au niveau des types d’acheteurs, il existe une dynamique importante pour les bailleurs sociaux (+ 34,6 %), et les hôpitaux (+ 17,2 %), une légère hausse pour les collectivités (+ 2,8 %), une stagnation pour l’État (+ 0,1 %) et une baisse pour les opérateurs publics (- 2 %).
Au-delà de ces données, l’année a été intense pour les acheteurs publics, complexes pour les titulaires des marchés publics et périlleux pour les candidats aux marchés publics.
1. Une année intense pour les acheteurs publics
Comme souvent, l’actualité de l’année 2022 a été (très) riche pour les acheteurs publics :
- sanctions applicables dans la commande publique aux opérateurs économiques russes suite au déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022 ;
- publication du nouveau plan national des achats durables pour la période 2022-2025 ;
- première déclaration à l’OECP des dépenses 2021 pour les biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées (article 58 de la loi AGEC) ;
- publication du décret d’application de l’article 35 de la loi Climat et résilience ;
- avis du Conseil d’État du 15 septembre 2022 sur la possibilité de modifier les seules clauses financières d’un contrat de la commande publique ;
- article 19 de l’ordonnance du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues ;
- publication du décret du 28 décembre 2022 portant diverses modifications du Code de la commande publique ;
- publication des arrêtés relatifs aux données essentielles de la commande publique.
À coté de ces actualités, les acheteurs ont été confrontés à la pénurie de matières premières entrainant une explosion des délais de livraison, puis à l’augmentation des coûts de ces mêmes matières, de l’énergie et, globalement, de tous les travaux, produits et services impliquant alors des discussions intenses avec les titulaires de marchés.
2. La complexité d’être titulaire de marchés publics
Les titulaires de marchés en cours d’exécution ont été confrontés à l’inadéquation entre les clauses de révision des prix (rédigées dans un contexte de stabilité des prix) ou l’absence d’une telle clause et la hausse de leur coût de production (cf. Indice Insee relatif à l’indice de prix de production de l’industrie française pour l’ensemble des marchés).
Ce décalage a obligé certains titulaires à solliciter des indemnités d’imprévision, des augmentations exceptionnelles et, dans certains cas, à annuler des commandes passées et à refuser de prendre des nouvelles commandes en l’état du contexte économique.
L’avis du Conseil d’État du 15 septembre a ouvert une nouvelle phase avec la possibilité de rediscuter des clauses de clauses de révision des prix (modification de la périodicité, adaptation de l’indice…) au regard du contexte inflationniste. Toutefois, cette possibilité n’est pas un droit pour les entreprises ce qui implique des négociations avec les acheteurs et, en cas de refus, impose de stopper l’exécution du marché.
Dans un tel contexte, la candidature aux marchés publics est devenue une entreprise périlleuse et la sélection des procédures est devenue une gestion du risque pour les fournisseurs.
3. La périlleuse entreprise de répondre à des marchés publics
Au regard de la hausse des coûts de production pour les entreprises, les entreprises, candidates à un marché public, sont amenées à sélectionner plus rigoureusement les procédures auxquelles elles vont répondre. En effet, dans un tel contexte, elles se doivent d’analyser les clauses de pénalités de retard (montant, seuil d’exonération et plafonnement), la possibilité d’actualiser les prix à la notification du marché en cas de durée de validité des offres longues (+ 4 mois), les modalités de révision des prix (sur indice ou sur tarif) et la périodicité de la révision (annuelle, semestrielle, trimestrielle).
En outre, les durées de marchés et des quantités d’engagement ou estimées importantes sont également de nature à limiter le nombre de candidats potentiels dans un tel contexte.
Cette sélection plus rigoureuse des procédures de marchés publics impose aux acheteurs publics de faire évoluer leur habitude et leur clause afin de contenir les hausses des prix ou d’éviter des marchés infructueux.
Conclusion
En période de crise(s), la commande publique est souvent considérée comme une valeur refuge par les entreprises et, notamment, pour les PME.
Toutefois, en période inflationniste couplée aux importantes évolutions des attentes des acheteurs publics (prise en compte des considérations sociales et environnementales, meilleure traçabilité des chaines d’approvisionnement…), l’accès à la commande publique tend à devenir de plus en plus complexe pour les PME (« primo accédantes » ou pas) sans équipe dédiée pour la commande publique.
Baptiste Vassor
1. Baromètre trimestriel de la commande publique – premier semestre 2022, Intercommunalités de France
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Cette Masterclasse se déroulera le 28 février 2022 de 14h à 17h avec la participation de Jean-Marc Peyrical, Avocat au barreau de Paris, associé gérant du cabinet Peyrical & Sabattier, Maître de conférence des Universités, Président de l’Association pour l’achat dans les services publics (APASP), et d’Amandine Domingues, Directrice des affaires juridiques et marchés de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole.