Le Conseil d’État remet en cause le principe de l’intangibilité des prix mais sous condition stricte

Publié le 23 septembre 2022 à 8h50 - par

Au regard de l’explosion du coût des matières premières, le ministre de l’Économie et des Finances a saisi pour avis le Conseil d’État sur les possibilités de revoir les clauses financières d’un marché public en cours d’exécution.

Le Conseil d'État remet en cause le principe de l'intangibilité des prix mais sous condition stricte

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En principe, les prix ou leurs modalités de fixation et, le cas échéant, leurs modalités d’évolution doivent être définis par le marché. Précisant ces dispositions, les articles R. 2112-7 et suivants du Code de la commande publique prévoient qu’un marché est, en principe, conclu à prix définitif, ce prix prenant la forme soit d’un prix ferme, invariable pendant la durée du marché sous réserve de son actualisation, lorsque cette forme de prix n’est pas de nature à exposer les parties à des aléas majeurs, soit d’un prix révisable qui peut être modifié pour tenir compte des variations économiques. Dans son avis* en date du 15 septembre 2022, le Conseil d’État admet la possibilité de modifier les clauses financières du contrat mais dans des limites encadrées.

Le caractère en principe définitif des prix des marchés ne fait pas obstacle à leur modification

Selon le Conseil d’État, il ne résulte pas des dispositions du Code de la commande publique que les modifications des marchés et des concessions qu’elles autorisent et encadrent ne peuvent porter que sur les caractéristiques ou les conditions d’exécution des prestations initialement convenues, et non sur les clauses financières, ni qu’elles doivent nécessairement porter sur ces caractéristiques et conditions, de sorte que serait prohibée une modification des seules clauses financières (modification « sèche » du prix). En outre, il résulte de la jurisprudence administrative que les dispositions relatives au caractère définitif des prix d’un marché public n’ont ni pour objet ni pour effet de faire par principe obstacle à ce que les parties à un marché conclu à prix définitif puissent convenir par avenant, en particulier lorsque l’exécution du marché approche de son terme, de modifier le mécanisme d’évolution du prix définitif pour passer d’un prix révisable à un prix ferme (CE, 20 décembre 2017, n° 408562). Le Conseil d’État estime également que le caractère en principe définitif des prix des marchés ne fait pas obstacle à leur modification dès lors que les prix restent définitifs pendant toute la période d’exécution des prestations et constituent le prix de règlement, sous réserve de leur actualisation ou de leur révision prévue par le marché. Il considère également que rien n’empêche que les modifications des marchés et contrats de concession portent uniquement, en vue de compenser les surcoûts que le titulaire ou le concessionnaire subit du fait de circonstances imprévisibles, sur les prix ou les tarifs prévus au contrat ainsi que sur les modalités de leur détermination ou de leur évolution.

Des modifications acceptables seulement si elles sont rendues nécessaires par des circonstances imprévisibles

Il résulte des dispositions précitées des articles R. 2194-5 et R. 3135-5 du CCP que les modifications qu’elles permettent ne sauraient être justifiées par des événements ainsi que leurs conséquences financières qui pouvaient raisonnablement être prévus par les parties au moment de contracter. Ces dispositions n’ont pas pour objet et ne peuvent avoir pour effet d’assurer au cocontractant la couverture des risques dont il a tenu compte ou aurait dû tenir compte dans ses prévisions initiales et qu’il doit en conséquence supporter. Par suite, la modification du contrat sur le fondement de ces dispositions n’est possible que si l’augmentation des dépenses exposées par l’opérateur économique ou la diminution de ses recettes imputables à ces circonstances nouvelles ont dépassé les limites ayant pu raisonnablement être envisagées par les parties lors de la passation du contrat.

Enfin, lorsque les parties mettent en œuvre ces mêmes dispositions, leur liberté contractuelle n’est pas sans limite. Les modifications apportées au contrat sur leur fondement doivent être directement imputables aux circonstances imprévisibles et ne peuvent excéder ce qui est nécessaire pour y répondre ni, en tout état de cause, le plafond, apprécié pour chaque modification, de 50 % du montant du contrat initial lorsqu’il est passé par un pouvoir adjudicateur. Elles ne peuvent pas non plus changer la nature globale du contrat. Le Conseil d’État souligne en outre que, lors de la négociation de modifications rendues nécessaires par des circonstances imprévisibles, l’autorité contractante doit s’attacher au respect des principes généraux d’égalité devant les charges publiques, de bon usage des deniers publics et d’interdiction des libéralités

*Texte de référence : Avis du conseil d’État n° 405 540 du 15 septembre 2022 relatif aux possibilités de modification du prix ou des tarifs des contrats de la commande publique et aux conditions d’application de la théorie de l’imprévision