Des coupures d’électricité peuvent-elles conduire à la mise en œuvre de la théorie de la force majeure ?

Publié le 12 janvier 2023 à 10h30 - par

Le principe de « bouleversement de l’économie générale du contrat » donne droit, pour le titulaire du marché soit à une indemnité (théorie de l’imprévision), soit à la résiliation du marché (théorie de la force majeure). La question de la mise en œuvre de la théorie de la force majeure en cas de coupure d’électricité sur les chantiers, qui pourrait survenir cet hiver, est soulevée notamment par des organisations professionnelles.

Des coupures d'électricité peuvent-elles conduire à la mise en œuvre de la théorie de la force majeure ?
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Selon la Fédération des promoteurs immobiliers, à propos des marchés de travaux, la réponse est négative en raison de l’absence du critère d’imprévisibilité.

Des critères d’application stricts

La théorie de la force majeure se caractérise, comme en droit civil, par son extériorité (en dehors des parties au contrat), son imprévisibilité (cause) et son irrésistibilité (effets), et par le fait qu’elle rende l’exécution du contrat impossible (ex. : ouragans, éboulement, sécheresse, etc.). Tout d’abord, l’événement doit être imprévisible dans sa survenance. Le titulaire du marché doit se trouver en présence d’une difficulté matérielle qui a échappé à toutes les prévisions lors de la conclusion du contrat. Ensuite, l’événement doit être irrésistible dans ses effets. Cette difficulté ne doit pas venir du fait du cocontractant. Elle doit le mettre dans l’impossibilité absolue d’exécuter le contrat et représenter un obstacle insurmontable à l’accomplissement de ses obligations contractuelles. Enfin, l’événement doit rendre impossible l’exécution du contrat. Cette difficulté doit être d’une ampleur ou d’une nature telle qu’elle rende l’exécution des obligations contractuelles impossible, soit provisoirement, soit définitivement. Toutefois, cette dernière condition cumulative n’est pas réalisée lorsque, par suite de circonstances économiques ou sociales, l’exécution du contrat devient seulement plus onéreuse.

Pas d’imprévisibilité au vu des risques annoncés de coupures d’électricité

Les premiers avertissements datant de fin juin 2022, il semble que pour les contrats conclus à partir de cette date, des coupures d’électricité cet hiver ne sont pas imprévisibles. Selon la Fédération des promoteurs immobiliers, « il parait donc très délicat, aussi bien pour un entrepreneur vis-à-vis de son maître d’ouvrage, d’invoquer ici la force majeure pour obtenir la suspension des sanctions normalement applicables en cas de non-respect des délais. Face à cette exclusion de la force majeure, la solution pourrait être l’insertion, dans les futurs marchés, d’une cause légitime de suspension de délai relative aux coupures d’électricité. Cependant, ces insertions dans les futurs contrats semblent délicates, nécessitant d’agir avec prudence ».

L’ajout d’une cause légitime de suspension dans les contrats poserait tout d’abord une difficulté de proportionnalité. « Alors que ces causes légitimes se comptent en jours, les coupures d’électricité n’interviendraient a priori pas pendant des journées entières, mais uniquement de manière momentanée (quelques heures). Une telle cause légitime se heurte également au principe d’exécution de bonne foi du contrat posé à l’article 1104 du Code Civil, d’ordre public. Les coupures seraient en effet programmées, et les personnes concernées prévenues la veille, ce qui permettrait une réorganisation et notamment un ajustement des horaires. Enfin, cette cause légitime poserait des problèmes de preuve, à laquelle les alertes préalables pourraient remédier, mais qui révèleraient la durée prévue de la coupure concernée ».

Source : Une coupure d’électricité affectant un chantier peut-elle constituer un cas de force majeure ?, Fédération des promoteurs immobiliers, 2022


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