Bercy répond en distinguant deux modalités de l’appréciation du bouleversement de l’économie du contrat soit par période, soit sur la durée totale du marché.
La période de référence à indemniser correspond à la période pendant laquelle l’entreprise est confrontée à des pertes anormales
L’avis rendu en Assemblée générale par le Conseil d’État le 15 septembre 2022 (n° 405540) a précisé les conditions dans lesquelles il est possible d’apporter des modifications portant exclusivement sur les clauses financières et de durée des contrats pour compenser les surcoûts supportés par certaines entreprises du fait de la hausse des prix et de la pénurie des matières premières et composants, ainsi que leur articulation avec les conditions dans lesquelles le cocontractant peut réclamer une indemnité sur le fondement de la théorie de l’imprévision. La théorie de l’imprévision est codifiée au 3° de l’article L. 6 du Code de la commande publique qui dispose que, « lorsque survient un évènement extérieur aux parties, imprévisible et bouleversant temporairement l’équilibre du contrat, le cocontractant, qui en poursuit l’exécution, a droit à une indemnité ». Ainsi, l’équilibre du contrat tel qu’envisagé par les parties lors de sa conclusion est apprécié sur l’ensemble de la durée du contrat, et demeure le même durant toute cette durée. Le bouleversement de son équilibre est, pour sa part, apprécié par période d’imprévision, de sorte qu’une indemnité d’imprévision peut être versée, même si l’équilibre du contrat n’est pas bouleversé sur toute sa durée (CE, 19 février 1926, Société du gaz de La Ciotat, n° 78624 ; CE, 30 décembre 1927, Compagnie française d’éclairage et de chauffage par le gaz, n° 88074 ; CE, 30 mars 1928, Ville de Belfort, n° 77987 ; CE, 17 novembre 1965, Commune de Monthermé, n° 61147 ; CE, 21 octobre 2019, Société Alliance, n° 419155). À cet égard, la période de référence à indemniser correspond à la période pendant laquelle l’opérateur économique est confronté à des pertes anormales du fait d’une augmentation de ses dépenses ou d’une diminution de ses recettes ayant dépassé les limites ayant pu raisonnablement être envisagées par les parties lors de la passation du contrat.
Le montant de l’indemnité définitive de l’imprévision s’apprécie au terme du contrat
En revanche, l’ensemble de la durée du contrat est à prendre en compte lorsque, au terme du contrat, afin de calculer l’indemnité définitive de l’imprévision. Il est procédé au calcul de la part de la charge extracontractuelle laissée à la charge du cocontractant, cette part étant modulée en tenant compte des difficultés financières précédemment supportées par le titulaire (CE, 21 avril 1944, Compagnie française des câbles télégraphiques, n° 66457 ; CE, 27 novembre 1931, Compagnie des tramways électriques de Besançon, n° 95984) ou bien des bénéfices qu’il a réalisés (CE, 30 décembre 1927, Compagnie française d’éclairage et de chauffage par le gaz, n° 88074 ; CE, 19 février 1926, Société du gaz de La Ciotat, n° 78624 ; CE, 30 mars 1928, Ville de Belfort, n° 77987 ; CE, 8 novembre 1935, Ville de Lagny, n° 23757), antérieurement ou postérieurement à la période d’imprévision.
Enfin, comme le rappelle le Conseil d’État dans son avis, « le caractère permanent du bouleversement de l’équilibre économique du contrat fait obstacle à la poursuite de son exécution, de sorte que l’imprévision devient un cas de force majeure justifiant la résiliation de ce contrat ». La circulaire n° 6374/SG du 29 septembre 2022 rappelle bien que l’indemnité d’imprévision « vise à dédommager partiellement le titulaire du préjudice qui résulte de l’exécution du contrat en raison du bouleversement temporaire de l’équilibre économique de celui-ci » (point 3). La fiche technique publiée par la direction des affaires juridiques (DAJ) abonde dans le même sens en précisant les modalités de mise en œuvre de ce principe.
Texte de référence : Question écrite n° 03246 de M. Étienne Blanc (Rhône – Les Républicains) du 20 octobre 2022, Réponse publiée dans le JO Sénat du 8 juin 2023