La CJUE précise les conditions de modifications d’un marché en cours d’exécution

Publié le 14 mars 2024 à 9h55 - par

Sur questions préjudicielles, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est venue préciser les conditions dans lesquelles un marché pouvait être modifié sans l’obligation de conclusion d’un nouveau marché. Elle juge que les conditions météorologiques ne permettent pas de justifier qu’un marché public puisse être modifié sans nouvelle procédure de passation.

La CJUE précise les conditions de modifications d'un marché en cours d'exécution
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Les modifications substantielles attestent de l’intention des parties de renégocier les conditions essentielles du marché

En l’espèce, pendant l’exécution d’un marché, des actes suspendant le délai d’exécution sont intervenus en raison notamment de mauvaises conditions météorologiques. Le délai d’exécution, qui constituait un critère déterminant lors de l’évaluation des offres, avait été ainsi porté de 45 jours calendaires à 250 jours. La question se posait de savoir si une modification du délai d’exécution des travaux convenu dans le contrat conclu à la suite de l’attribution d’un marché public, qui est intervenue postérieurement à cette attribution pour des raisons qui n’ont pas été prévues dans les documents de marché, pouvait relever de la notion de « modification substantielle », au sens de la directive européenne « marchés publics ». La CJUE rappelle que les grands principes de transparence des procédures et d’égalité de traitement des soumissionnaires font obstacle à ce que, après l’attribution d’un marché public, le pouvoir adjudicateur et l’adjudicataire apportent aux dispositions de ce marché des modifications telles que ces dispositions présenteraient des caractéristiques substantiellement différentes de celles du marché initial. Les circonstances imprévisibles sont des circonstances extérieures que le pouvoir adjudicateur, bien qu’ayant fait preuve d’une diligence raisonnable lors de la préparation du marché initial, ne pouvait prévoir au moment de l’attribution du marché, compte tenu des moyens à sa disposition, de la nature et des caractéristiques du projet particulier, des bonnes pratiques du secteur et de la nécessité de mettre en adéquation les ressources consacrées à la préparation de l’attribution du marché et la valeur prévisible de celui-ci. Selon la Cour, des conditions météorologiques habituelles ne sauraient être considérées comme des circonstances qu’un pouvoir adjudicateur diligent ne pouvait pas prévoir. « Il s’ensuit nécessairement que de telles conditions météorologiques et interdictions réglementaires ne sauraient pas non plus être considérées, à un autre titre, comme justifiant le dépassement du délai clair d’exécution des travaux fixé dans les documents qui régissent la procédure d’attribution et dans le contrat initial de ce marché ».

Prévoir une clause de réexamen dans les pièces constitutives du marché

La diligence dont doit avoir fait preuve le pouvoir adjudicateur exige notamment que celui-ci ait pris en considération, lors de la préparation du marché public concerné, les risques de dépassement du délai d’exécution de ce marché induits par des causes de suspension prévisibles, telles que les conditions météorologiques habituelles. Autrement dit, lorsqu’il existe des circonstances qui sont prévisibles par un pouvoir adjudicateur diligent, celui-ci peut se prévaloir de la possibilité de prévoir expressément dans les documents du marché des clauses de réexamen en vertu desquelles les conditions d’exécution de ce contrat pourront être adaptées en cas de survenance de telle ou telle circonstance spécifique. En prévoyant explicitement la faculté de modifier ces conditions et en fixant les modalités d’application de celle-ci dans lesdits documents, le pouvoir adjudicateur garantit que tous les opérateurs économiques qui souhaitent participer audit marché en aient connaissance dès le départ et soient ainsi sur un pied d’égalité au moment de formuler leur offre.

Texte de référence : Cour de justice de l’Union européenne, 7 décembre 2023, affaires C 441/22 et C 443/22