La prise en compte de l’accessibilité par la commande publique

Publié le 8 décembre 2022 à 9h50 - par

Les acheteurs publics doivent prendre en compte dans les soumissions l’accessibilité des personnes en situation de handicap.

La prise en compte de l'accessibilité par la commande publique
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La Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, qui a eu lieu du 14 au 20 novembre 2022, a pour objet de favoriser l’inclusion des personnes handicapées dans leur vie de tous les jours et dans la vie professionnelle. En effet, en France, on estime qu’environ 12 millions de personnes sont en situation de handicap (soit 1 personne sur 6). Plus précisément, 6 millions ont un handicap auditif, 4 millions sont à mobilité réduite et 2 millions ont un handicap visuel.

Au regard de ces données, il est intéressant d’apprécier la prise en compte de l’accessibilité des personnes en situation de handicap par la commande publique.

Si les acheteurs publics sont relativement sensibilisés à l’accessibilité des établissements recevant du public (ERP) pour les personnes à mobilité réduite, les questions de l’accessibilité téléphonique et numérique des personnes en situation de handicap sont moins connues par les acheteurs publics alors qu’elles sont aussi importantes au regard des démarches en ligne et des échanges téléphoniques.

En outre, au-delà de l’accessibilité téléphonique et numérique, tous les achats publics doivent prendre en compte l’accessibilité des personnes en situation de handicap.

Les obligations en matière d’accessibilité téléphonique et numérique

L’article 105 de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique dispose que « les services d’accueil téléphonique destinés à recevoir les appels des usagers sont accessibles aux personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques par la mise à disposition d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle (…) sans surcoût pour les utilisateurs finals et à la charge des services publics concernés ».

En pratique, l’accessibilité est réalisée via des traducteurs et transcripteurs présents physiquement sur site ou situés à distance (qu’ils soient agents publics ou des salariés d’un prestataire sélectionné via un marché public) et traduisent en langue des signes française (LSF), en codage en langage parlé complété (LPC) ou transcrivent par écrit les échanges entre les personnes sourdes et malentendantes et les agents du service public.

Conformément au décret n° 2017-875 du 9 mai 2017 relatif à l’accès des personnes handicapées aux services téléphoniques, cette obligation s’impose également aux services publics gérés par des communes de moins de 10 000 habitants et de leurs groupements ou des organismes les représentant depuis le 8 octobre 2021.

L’article 106 de la même loi dispose que « les services de communication au public en ligne des services de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent doivent être accessibles aux personnes handicapées ». Par « service de communication en ligne », il convient d’entendre, notamment, les sites internet, intranet, extranet, les applications mobiles, les progiciels et le mobilier urbain numérique.

En pratique, les services de communication en ligne doivent être conformes à la norme EN 301 549 V3.2.1 ou la norme WCAG 2.1.

Conformément au décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019 relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des services de communication au public en ligne, cette obligation s’impose aux personnes morales de droit public à compter du 23 septembre 2019 pour les sites internet, intranet et extranet créés depuis le 23 septembre 2018 et à compter du 23 septembre 2020 pour les sites internet, intranet et extranet créés avant le 23 septembre 2018.

Or, selon l’Observatoire de la qualité des démarches en ligne de la DINUM, en juillet 2022, sur 250 démarches étatiques suivies, certaines ne sont toujours pas accessibles aux personnes en situation de handicap telles que la demande de logement social (demande initiale ou renouvellement), le dossier médical partagé ou encore la publication d’une offre d’emploi en ligne via Pôle emploi.

Au-delà des obligations d’accessibilité téléphonique et numérique, les acheteurs publics doivent également prendre en compte l’accessibilité dans toutes les procédures d’achat à travers les spécifications techniques déterminées dans le cahier des charges.

L’obligation de prendre en compte l’accessibilité dans les spécifications techniques

L’article R. 2111-6 du Code de la commande publique dispose que « sauf cas dûment justifié, les spécifications techniques sont établies de manière à prendre en compte des critères d’accessibilité pour les personnes handicapées ou des critères de fonctionnalité pour tous les utilisateurs ».

Ainsi, dès la définition des besoins, les acheteurs publics doivent prendre en compte l’accessibilité des personnes en situation de handicap y compris pour les achats pour lesquels il n’existe pas une obligation sectorielle d’accessibilité comme pour les ERP et les sites internet par exemple.

Par exemple, les articles L. 541-15-10 et D. 541-340 du Code l’environnement (issus de la loi AGEC de février 2020) imposent qu’« à compter du 1er janvier 2022, les établissements recevant du public sont tenus d’être équipés d’au moins une fontaine d’eau potable accessible au public, lorsque cette installation est réalisable dans des conditions raisonnables » sans indiquer que la fontaine à eau doit être accessible aux personnes en situation de handicap. Toutefois, au regard de l’article R. 2111-6 du Code de la commande publique, les acheteurs devront, par exemple, tenir compte de la hauteur pour les personnes à mobilité réduite (PMR) dans le cadre de l’acquisition de fontaines à eau.

Aussi, pour chaque marché, les acheteurs publics doivent prendre en compte les conditions d’accessibilité du produit ou service, objet du marché et, le cas échéant, justifier de cette non prise en compte dans le rapport de présentation (ex. : aucun produit disponible sur le marché à ce jour).

Conclusion

La prise en compte de l’accessibilité des personnes en situation de handicap pour les achats publics est d’autant plus importante que tout employeur public d’au moins 20 agents doit employer des personnes en situation de handicap dans une proportion de 6 % de l’effectif total (articles L. 351-1 du Code général de la fonction publique et L. 5212-2 du Code du travail pour les EPIC). Or, il n’est pas concevable d’employer des personnes en situation de handicap sans leur donner les moyens techniques de travailler et collaborer quotidiennement avec leur collègues, citoyens et/ou fournisseurs. À défaut, l’inclusion professionnelle ne serait pas efficace.

Baptiste Vassor


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