Dans les campagnes, le sentiment d’abandon par l’État continue de croître

Publié le 7 avril 2023 à 11h20 - par

L’accès aux services publics en milieu rural n’a pas suffisamment progressé depuis 2019, malgré le foisonnement d’initiatives gouvernementales et locales, suscitant un sentiment croissant d’abandon de la population, selon un rapport parlementaire publié jeudi 6 aveil 2023.

Dans les campagnes, le sentiment d'abandon de l'État continue de croître
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Plus de quatre ans après la crise des « gilets jaunes », alors qu’une vague Rassemblement national a déferlé en juin dans les campagnes, le bilan de la lutte contre les déserts médicaux, du développement d’alternatives à la voiture ou de la couverture numérique – l’une des meilleures d’Europe sur le papier – reste « plutôt décevant », note le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC). Même si la prise en compte des territoires ruraux « s’est améliorée », ajoute-t-il dans un rapport.

« Beaucoup a été initié, mais les résultats tardent à se faire sentir et le sentiment d’abandon sur le terrain continue de croître », écrivent les rapporteurs Mathilde Desjonquères (MoDem) et Pierre Morel-A-L’Huissier (Liot). Ils évaluent la mise en œuvre des 23 recommandations formulées en octobre 2019 dans un précédent rapport du CEC sur l’accès aux services publics en milieu rural.

« On note toujours et encore de l’anxiété, avec cette notion de recul des services publics et un sentiment d’absence d’action des pouvoirs publics », a estimé jeudi 6 avril M. Morel-A-L’Huissier, lors de l’examen du rapport.

En réponse à la crise des « gilets jaunes », le Gouvernement avait également présenté en septembre 2019 une liste de 200 mesures dans le cadre d’un « agenda rural », sorte de feuille de route pour améliorer la vie dans les campagnes.

Couverture numérique, santé, transports, accès aux services publics dématérialisés, le rapport de 150 pages dresse un bilan de l’accès aux services publics essentiels et constate que la plupart des propositions formulées en 2019 font l’objet d’un « début d’application ».

Parmi les avancées relevées figure la nouvelle définition des territoires ruraux arrêtée en 2021 par l’Insee sur la base d’une classification européenne. Plutôt que d’être définis « en creux » par rapport à la ville, les espaces ruraux le sont désormais « comme des territoires à part entière », d’après « la grille de densité communale », ce qui permet de mieux ajuster les politiques publiques.

33 % de la population

En vertu de cette nouvelle définition, les espaces ruraux représentent 88 % des communes françaises, 91,5 % du territoire et 33 % de la population avec 21,9 millions d’habitants, ce qui place l’Hexagone au second rang des pays les plus ruraux d’Europe derrière la Pologne.

Sur le numérique, la couverture du territoire s’est « nettement améliorée depuis 2019 », tirée par un plan ambitieux d’investissement dans la fibre. « Mi-2022, 98 % du territoire était couvert par au moins un opérateur en 4G tandis que 77 % des locaux étaient raccordables à la fibre », écrivent les députés.

Mais « raccordable ne veut pas dire raccordé », dit à l’AFP Mathilde Desjonquères. Car ce déploiement à marche forcée ne doit pas masquer le fait que « la couverture en très haut débit des zones rurales demeure en deçà de la couverture des zones denses », tandis que des enquêtes font état « d’une moindre qualité de l’internet mobile » à la campagne.

Se pose aussi la question des derniers raccordements, plus coûteux et plus complexes, dans les zones d’habitat dispersé, mais aussi de la maintenance des réseaux avec la disparition programmée du cuivre en 2030.

Sur le plan de l’accès aux soins, l’objectif d’un « seuil d’éloignement maximal des services d’urgence à vingt minutes » n’a, en revanche, pas « fait l’objet d’un début d’application ».

« L’accès aux soins hospitaliers fortement dégradé sur une grande partie du territoire traduit un manque criant de cohésion, un problème d’inégalité alors que les territoires ruraux ont gagné en attractivité du fait de la crise sanitaire de la Covid », soulignent les rapporteurs en précisant que l’espérance de vie entre urbains et ruraux accuse un écart « qui s’est accru ».

En revanche, le déploiement d’environ 2 600 maisons France Services, lieux uniques d’accès aux principaux services publics, est qualifié de « réel succès », même si les rapporteurs s’interrogent sur l’avenir de leur financement, porté essentiellement par les collectivités.

Le rapport s’achève par douze recommandations, tels le « retour des hôpitaux ruraux composés des services essentiels » ou le maillage plus fin « à l’échelle des bassins de vie » des maisons France Services.

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