La réforme des collectivités territoriales : l’identité des collectivités territoriales

Publié le 20 mars 2012 à 0h00 - par

La maîtrise des conséquences de la réforme des collectivités territoriales repose tout à la fois sur la connaissance de paramètres techniques, précis, ainsi que de notions plus difficiles à cerner en raison d’un certain degré d’abstraction. C’est le cas de l’identité des collectivités territoriales.

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Pourquoi se poser la question de l’identité des collectivités territoriales ? En premier lieu parce qu’il ne saurait y avoir de véritable démocratie locale sans identification d’une population à des institutions locales en charge des intérêts des administrés. En second lieu parce que la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 sur la réforme des collectivités territoriales crée de nouveaux regroupements de collectivités et transforme ceux qui existent déjà.

Si les élus ont une bonne connaissance de l’organisation administrative, ce n’est pas le cas de l’ensemble de la population qui a du mal à s’y retrouver entre les multiples divisions administratives, les collectivités territoriales, les diverses formes de syndicats et les établissements publics de coopération intercommunale. À cet ensemble quelque peu disparate, la loi de réforme des collectivités territoriales est venue ajouter son lot de nouveautés. Cela contribue à accroître le caractère confus et mouvant de la perception de l’identité des collectivités territoriales par les citoyens.

L’apparition de nouvelles formes juridiques d’organisation des collectivités territoriales

La loi de réforme des collectivités territoriales a créé de nouvelles formes juridiques destinées à améliorer l’organisation des collectivités territoriales. Il s’agit des « métropoles », « pôle métropolitain » et « commune nouvelle ». Toutefois leur adoption a perturbé la classification juridique des entités regroupant les collectivités territoriales.

Elle a obligé le législateur à redéfinir les catégories juridiques des « groupements de collectivités territoriales » et des « établissements publics de coopération intercommunale ».

Désormais, le contenu de la catégorie des groupements de collectivités territoriales est circonscrit par un nouvel alinéa inséré après le premier alinéa de l’article L. 5111-1 du Code général des collectivités territoriales.

Cette catégorie comprend :

  • les établissements publics de coopération intercommunale ;
  • les syndicats mixtes : d’une part ceux constitués exclusivement de communes et d’établissements publics de coopération intercommunale, ainsi que ceux composés uniquement d’établissements publics de coopération ; d’autre part ceux associant exclusivement des communes, des établissements publics de coopération intercommunale, des départements et des régions ;
  • les pôles métropolitains ;
  • les agences départementales ;
  • les institutions ou organismes interdépartementaux ;
  • les ententes interrégionales.

Quant à la catégorie des établissements publics de coopération intercommunale, elle est maintenant définie par un nouvel article L. 5210-1-1 A. inséré après l’article L. 5210-1 du Code général des collectivités territoriales.

Elle comporte :

  • les syndicats de communes ;
  • les communautés de communes ;
  • les communautés urbaines ;
  • les communautés d’agglomération ;
  • les syndicats d’agglomération nouvelle ;
  • les métropoles.

Le remaniement des catégories juridiques mêle nouvelles et anciennes structures. La loi de réforme des collectivités territoriales ne s’est pas contentée de cela, elle a également prévu des instruments juridiques permettant le regroupement de collectivités territoriales existantes ce qui ne va pas sans créer des difficultés.

Roland Ricci
Professeur agrégé de droit public à l’Université Paris 13
Avocat au Barreau de Toulon

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La difficulté de réorganiser les structures existantes

En premier lieu, la loi sur la réforme des collectivités territoriales a consacré la disparition des « Pays » par l’abrogation de l’article 22 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire. Les contrats conclus par les « Pays » antérieurement à cette abrogation continuant à être exécutés jusqu’à leur échéance. Les « Pays », n’étaient pas des collectivités territoriales et venaient perturber la cohérence de l’organisation territoriale.

Ensuite, la la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 autorise la « fusion de départements », la « fusion de régions » et la « fusion d’une région avec les départements qui la composent ». Ces possibilités juridiques sont susceptibles de profondément affecter la relation de la population avec ses institutions de proximité.

Enfin, la réforme a établi dans chaque département, par un nouvel article L. 5210-1-1, « un schéma départemental de coopération intercommunale prévoyant une couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et la suppression des enclaves et discontinuités ». Il était prévu que ces schémas départementaux devaient être arrêtés par les préfets avant le 31 décembre 2011.

L’obligation pour les communes de s’insérer dans une structure d’intercommunalité a provoqué des tensions. Ainsi, dans trente trois départements les préfets n’on pu finaliser les schémas départementaux de coopération intercommunale. Afin de remédier à ces blocages, une loi « Pélissard » a été adoptée le 20 février 2012 et publiée au Journal officiel le 1er mars.

Cette loi investit les commissions départementales de coopération intercommunale d’une mission particulière en leur confiant, en cas d’absence de schéma départemental, un rôle de régulateur et en rendant leur consultation obligatoire. La loi a également prévu des aménagements afin de palier certaines lacunes de la loi de décembre 2010. L’ensemble de ces modifications demeure toutefois susceptible de rendre l’organisation territoriale peu compréhensible pour la population.
 

Des possibilités de transformation à utiliser avec prudence

Tous ces facteurs de complexité nuisent à la perception de l’identité des collectivités territoriales, facteur indispensable pour établir une relation durable entre les administrés et leurs institutions de proximité. Il va donc falloir agir de manière à diminuer les perturbations de la perception de l’identité des collectivités territoriales.

Il apparaît notamment judicieux de limiter les changements institutionnels au strict nécessaire : à ce qui est imposé par les textes, et à ce qui apporte un bénéfice évident. En d’autres termes, il faudrait réaliser un bilan coût/avantage qui prenne en compte les aspects sociologiques. Et lorsque le changement de structure juridique apparaît justifié, il doit être mis en œuvre en gardant le maximum d’éléments institutionnels utilisés par la structure antérieure.

L’atténuation des perturbations identitaires passe par la mise en place d’une stratégie de communication axée sur la continuité des dénominations, des logos, sur l’explication des transformations en mettant en évidence les gains pour la population. Il semble indispensable de créer une charte graphique de la communication locale afin de maintenir une stabilité des repères visuels axés sur la continuité des représentations.

On ne saurait trop conseiller d’agir avec prudence dans un contexte où il est beaucoup plus rapide de couper les liens avec la population que de les établir.

 

Roland Ricci
Professeur agrégé de droit public à l’Université Paris 13
Avocat au Barreau de Toulon


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