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La protection fonctionnelle peut-elle être accordée à un agent poursuivi devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes ?

Publié le 14 février 2025 à 14h00 - par

Le 29 janvier 2025, dans une décision n° 497840, le Conseil d’État a rappelé qu’un agent poursuivi devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes n’est pas fondé à se prévaloir de ce principe de la protection fonctionnelle.

La protection fonctionnelle peut-elle être accordée à un agent poursuivi devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes ?
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Dans une note n° 360/24/SG du 2 avril 2024 de la secrétaire générale du Gouvernement relative au nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics et à la protection fonctionnelle, la secrétaire générale du Gouvernement a rappelé aux secrétaires généraux et directeurs des affaires juridiques des ministères que la protection fonctionnelle doit être accordée au fonctionnaire dans les conditions prévues aux articles L. 134-1 et suivants du Code général de la fonction publique, soit lorsqu’il fait l’objet de poursuites devant le juge civil, soit lorsqu’il fait l’objet de poursuites pénales, soit lorsqu’aucune faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions n’est imputable à l’agent. Elle indique que les poursuites devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes ne relèvent d’aucune de ces deux catégories, et qu’elles ne peuvent pas davantage être assimilées à des « attaques » au sens de l’article L. 134-5 du Code général de la fonction publique, et en déduit que ni ces dispositions ni le principe général du droit à la protection fonctionnelle ne confèrent aux fonctionnaires un droit à bénéficier de la protection fonctionnelle lorsqu’ils sont mis en cause devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes sur le fondement des dispositions L. 131-1, L. 131-2, L. 131-9 à L. 131-16, L. 131-21 et L. 142-1-12 du Code des juridictions financières. Elle invite en conséquence les secrétariats généraux et directions des affaires juridiques des ministères à refuser l’octroi de cette protection fonctionnelle pour ce type de poursuites. La note précise toutefois que dans les cas où la défense de l’agent mis en cause rejoint l’intérêt du service lui-même, il apparaît très opportun que l’administration mobilise des ressources internes pour lui prêter assistance (conseil juridique, fourniture d’informations, recherche dans les archives papier ou numérique, préparation aux auditions…) et organise à ce titre avec les agents mis en cause des points réguliers1.

Deux requérants ont demandé au Conseil d’État l’annulation de ladite note.

1. Le rappel du cadre de la protection fonctionnelle

Le Conseil d’État estime qu’il résulte des articles L. 134-1, L. 134-2, L. 134-3, L. 134-4 et L. 134-5 du Code général de la fonction publique, que la collectivité publique doit accorder une protection à ceux de ses agents qui font l’objet de poursuites pénales à raison de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle détachable de l’exercice de leurs fonctions.

2. Le refus de qualifier les amendes infligées par la Cour des comptes en sanction pénale

Le Conseil d’État estime qu’il résulte des articles L. 131-1, L. 131-9 à L. 131-16, L. 131-21 et L. 142-1-12 du Code des juridictions financières, que les amendes infligées par la Cour des comptes n’ont pas le caractère d’une sanction pénale. Le Conseil d’État considère que la protection fonctionnelle instituée par l’article L. 134-4 du Code général de la fonction publique ne saurait, dès lors, être accordée à un agent faisant l’objet d’une procédure devant la chambre du contentieux de la Cour des Comptes sur le fondement des articles L. 131-1 et suivants du Code des juridictions financières.

3. Le refus de reconnaitre un droit à la protection fonctionnelle à un agent poursuivi devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes

Le Conseil d’État estime que lorsqu’un agent public est mis en cause devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes dans le cadre du régime de responsabilité des gestionnaires publics prévu aux articles L. 131-1 et suivants du Code des juridictions financières, l’administration peut lui apporter un soutien, notamment par un appui juridique, technique ou humain dans la préparation de sa défense, mais le principe général du droit à la protection fonctionnelle publique n’impose pas à la collectivité publique de lui accorder une protection.

Par cette jurisprudence, le Conseil d’État circonscrit le droit à la protection fonctionnelle qui n’est pas automatique pour tout agent poursuivi.

Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public


1. Consid. 9 et 10 (CE, 29 janvier 2025, n° 497840).

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